Grimari : un hôpital transformé en dépotoir par la négligence de l’État centrafricain

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Grimari : un hôpital transformé en dépotoir par la négligence de l’État centrafricain

 

Grimari : un hôpital transformé en dépotoir par la négligence de l’État centrafricain
Pour illustration, Hôpital de Sibut

 

Rédigé le 19 septembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

Des couvreuses hors service, des instruments chirurgicaux rouillés, pas une goutte d’eau au robinet. L’hôpital de district de Grimari agonise dans l’abandon total des autorités sanitaires. Notre enquête révèle comment l’État centrafricain condamne à mort les populations de la Ouaka.

 

Quand on pousse la porte de l’hôpital de district de Grimari, on comprend immédiatement que quelque chose ne va pas. L’établissement, censé servir toute la sous-préfecture de la Ouaka, ressemble davantage à un dépotoir qu’à un centre de soins. Le Dr Olivier Mowena, qui dirige cette structure depuis plusieurs années, ne peut plus cacher sa détresse face à l’ampleur des problèmes.

 

Dans les salles d’hospitalisation, le spectacle fait mal aux yeux. Les patients s’allongent sur des lits qui ont connu des jours meilleurs. Beaucoup meilleurs même. Le médecin-chef le reconnaît sans fard : « Effectivement, au niveau des salles d’hospitalisation, on a constaté un nombre insuffisant des lits et presque vétustes ». Ces lits, dont certains tiennent encore debout par miracle, accueillent pourtant des malades qui viennent parfois de très loin pour se faire soigner.

 

Les matelas racontent la même histoire de négligence. Usés jusqu’à la corde, ils offrent un confort douteux aux patients déjà affaiblis. Face à cette réalité, l’hôpital essaie de bricoler des solutions. « À propos de la vétusté des matelas, oui, c’est avéré. Là, présentement, l’hôpital a un budget pour acheter quelques matelas pour essayer de remplacer ces matelas vétustes », explique le Dr Mowena. Quelques matelas seulement, alors que tous auraient besoin d’être changés.

 

Au bloc opératoire, la situation devient encore plus inquiétante. Les instruments chirurgicaux, ces outils précieux qui permettent de sauver des vies, accusent leur âge. Le Dr Mowena détaille cette réalité gênante : « Au niveau du bloc opératoire, je peux dire oui, on a les équipements. Mais ce qu’on déploie, c’est que c’est beaucoup plus les boîtes qu’on utilise pour la césarienne, l’hernie, l’huile et la parotomie. C’est des boîtes qui ont duré. Ils sont déjà un peu vêtues. Trouver ces boîtes sur le marché, c’est un peu difficile pour nous. Il fallait faire la commande ailleurs, amener ça jusqu’ici et ça nous met un peu en difficulté ».

 

Voilà bien le problème : ces instruments, utilisés pour des interventions vitales, ont largement dépassé leur durée de vie. Pire encore, les remplacer relève de l’exploit logistique. Il faut commander ailleurs, organiser le transport sur des routes défoncées, gérer les coûts. Autant d’obstacles qui retardent indéfiniment le renouvellement de matériel pourtant indispensable.

 

Pour établir des diagnostics précis, tout hôpital a besoin d’un laboratoire fonctionnel. Pas celui de Grimari. « Pour l’instant, l’hôpital de district de Grimari n’a pas vraiment un laboratoire bien indiqué », avoue le Dr Mowena avec une sincérité désarmante. Cette absence prive les médecins d’un outil fondamental pour comprendre les pathologies de leurs patients.

 

Sans analyses biologiques, comment détecter une anémie, un paludisme grave, une infection ? Les médecins de Grimari travaillent pratiquement à l’aveuglette, posant des diagnostics approximatifs qui peuvent parfois s’avérer mortels.

 

L’histoire de l’approvisionnement en eau de l’hôpital tient du grotesque administratif. Le Dr Mowena raconte cette saga kafkaïenne : « Effectivement, il fut un moment où il y avait un point d’eau avec une pompe mécanique. Ce point d’eau était fonctionnel, c’est avec ça qu’on travaillait à l’hôpital. Alors, le projet Séné avait conclu un marché avec une entreprise pour faire l’installation électrique. Ils ont installé des châteaux, tout ça, mais malheureusement, jusqu’à aujourd’hui, l’entreprise est partie et on est resté sans nouvelles. Donc du coup, l’hôpital de district de Grimari n’a pas un point d’eau ».

 

Comprendre cette histoire, c’est saisir toute l’absurdité de la gestion publique centrafricaine. Une entreprise vient, installe des équipements, encaisse l’argent et disparaît. L’hôpital se retrouve sans eau, les autorités ne réagissent pas, et les patients paient les conséquences de cette escroquerie.

 

Aujourd’hui, l’établissement mendie littéralement son eau auprès d’organisations humanitaires. « Heureusement, on est obligé d’aller se plaindre à nos amis et les casques bleus de la Minusca, c’est eux qui nous ravitaillent en eau. Le problème, c’est qu’eux, ils ont leur agenda. Parfois, ils n’ont pas le temps de venir nous livrer et ça nous met énormément en difficulté », explique le responsable médical.

 

Cette dépendance place l’hôpital dans une position humiliante. Un jour, la Minusca peut livrer l’eau, un autre jour non. Et pendant ce temps, les patients attendent, les opérations sont reportées, l’hygiène devient impossible à maintenir.

 

L’alimentation électrique de l’hôpital relève du bricolage permanent. Des panneaux solaires ont été installés, donnant l’impression d’une modernisation. Mais la réalité déchante rapidement. « On a eu l’installation solaire au niveau de la maternité dispensaire au bloc, mais la capacité ne permet pas de faire fonctionner correctement nos équipements. Par exemple, au niveau de la maternité, on a quatre couvreuses, mais on n’a pas une source d’énergie pour faire fonctionner ces couvreuses », déplore le Dr Mowena.

 

Quatre couvreuses neuves qui ne servent à rien. Ces appareils, destinés à maintenir en vie les nouveau-nés prématurés, restent éteints faute d’électricité suffisante. Les bébés qui auraient pu être sauvés meurent ainsi par négligence technique.

 

La saison des pluies complique encore davantage les choses. « Et comme on est en période de pluie, parfois un ou deux jours, on n’a pas le soleil pour recharger les batteries et du coup, on prend le relais avec les générateurs. C’est avec les générateurs qu’on peut opérer la nuit », précise le médecin. Les interventions chirurgicales dépendent donc du carburant disponible et de l’état des générateurs vieillissants.

 

Avec tous ces dysfonctionnements, l’hôpital de Grimari a pratiquement renoncé à sa vocation première. Les cas médicaux les plus courants nécessitent désormais des évacuations vers Bangui ou Bambari. « S’il y a des cas de fracture, parfois, je demande à mes collègues de Bambari. Ici, MSF peut prendre, on envoie à Bambari, au cas contraire, on évacue directement à Bangui », explique le Dr Mowena.

 

Cette pratique transforme chaque urgence médicale en odyssée périlleuse. Un patient fracturé doit parcourir 305 kilomètres sur des routes cahoteuses pour espérer recevoir des soins appropriés. Combien arrivent vivants à destination ? Le Dr Mowena préfère ne pas y penser.

 

La saison sèche amplifie cette absurdité. « Parce que bientôt, ça sera la saison sèche. Il y a beaucoup de cas de hernie. Ils viennent en masse à l’hôpital pour se faire opérer, mais je vais les opérer pour les mettre où il n’y a pas de lumière aussi dans cette maison. Alors, ça nous met énormément en difficulté », s’inquiète le médecin.

 

Voilà où mène l’incurie des pouvoirs publics : un chirurgien capable d’opérer des hernies mais incapable d’hospitaliser ses patients dans des conditions décentes. Il peut sauver une vie au bloc opératoire mais ne peut garantir les soins post-opératoires faute d’infrastructure. L’hôpital de Grimari n’est plus qu’un symbole de l’abandon des populations par l’État centrafricain. Pendant que le gouvernement dépense des fortunes en voyages officiels et en paiement du groupe Wagner, les structures de santé publique s’effondrent dans l’indifférence totale. Les habitants de Grimari paient de leur vie cette négligence organisée, contraints de mourir faute de soins ou de s’endetter pour des évacuations vers la capitale.​​​​​​​​​​​​​​​​

 

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