Désarmement des rebelles :  Dans les coulisses du ping-pong entre le gouvernement et les groupes armés

0
33

Désarmement des rebelles :  Dans les coulisses du ping-pong entre le gouvernement et les groupes armés

 

Désarmement des rebelles : Dans les coulisses du ping-pong entre le gouvernement et les groupes armés
le chef rebelle Abdoulaye Hissen , ici, lors de la cérémonie de la rconciliation entre les peuple du nord à l’assemblée nationale. CopyrightCNC

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 Un fossé profond sépare le gouvernement centrafricain de Faustin-Archange Touadéra des groupes armés. Malgré les promesses officielles de sécurité pour ceux qui déposent les armes, les arrestations soudaines et les violences, souvent menées par les mercenaires russes alliés au régime, nourrissent une méfiance tenace. Ce décalage entre discours et réalité s’affiche sur les réseaux sociaux, où les positions s’affrontent.

 

Depuis quelques jours, le gouvernement diffuse ainsi un message clair : “Groupes armés, le Président de la République est conscient de vos inquiétudes et de vos attentes. Votre sécurité est garantie par le Gouvernement si vous déposez volontairement vos armes pour le DDRR”. Une invitation à la paix, censée rassurer et ouvrir la voie à une réintégration.

 

Mais la réponse des rebelles, relayée par certains sur les réseaux sociaux, témoigne d’un rejet cinglant : “N’est-ce pas ce que Abdoulaye Hissène et les autodéfenses de KM5 ont fait, mais finalement aujourd’hui Touadéra a fini par les mettre en prison et tuer beaucoup d’entre eux ? Qui est bête pour tomber dans ce piège encore ?”. Ce ton sarcastique reflète une conviction ancrée : les engagements du pouvoir ne tiennent plus.

 

Rappelons que cette tension ne date pas d’aujourd’hui. Depuis des années, le programme de Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Rapatriement (DDRR) est au cœur des efforts pour stabiliser le pays, ravagé par une guerre civile depuis 2013. Pourtant, les expériences vécues par ceux qui ont tenté de s’y plier jettent une ombre sur ces initiatives. Les exemples abondent, et leurs récits, souvent tragiques, circulent autant dans les villages que sur les plateformes en ligne.

 

Les miliciens d’autodéfense du Kilomètre 5 : les cobayes piégés

 

Dans le quartier Kilomètre 5 (PK-5) de Bangui, bastion musulman au cœur de la capitale, des milices d’autodéfense ont vu le jour entre 2013 et 2015, au plus fort de la crise. Face aux assauts des milices anti-balaka, qui menaçaient d’envahir des zones comme PK5, ces groupes se sont formés pour protéger leurs familles et leurs voisins. À l’époque, les armes étaient leur seul rempart contre les massacres intercommunautaires qui déchiraient le pays. Avec l’élection de Touadéra en 2016 et le retour progressif à un ordre constitutionnel, le président a cherché à désamorcer ces poches de résistance dans la capitale. Des négociations ont été ouvertes avec ces miliciens, leur offrant une porte de sortie : déposer les armes en échange d’une réintégration dans la société ou dans l’armée.

 

Beaucoup ont accepté. Certains ont rendu leurs fusils et ont été incorporés dans les Forces Armées Centrafricaines (FACA), recevant parfois des grades :  caporal, sergent,  comme gage de bonne foi. D’autres ont opté pour des programmes civils, espérant retrouver une vie normale après des années de chaos. Mais ce processus, initialement perçu comme un espoir, a vite tourné au cauchemar. À partir de 2022, avec l’incursion nocturne des mercenaires russes  du groupe Wagner dans ce quartier du PK5, la situation vite tourner au fiasco. Des habitants racontent comment ces forces russes ont commencé à sillonner le quartier, semant la crainte.

 

Un week-end, une première vague d’interpellations a visé une dizaine d’anciens miliciens incorporés  dans l’armée nationale. Peu après, une deuxième opération a porté le total à une vingtaine d’arrestations. Sans motif officiel, les témoignages convergent : environ la moitié de ces hommes ont été tués, abattus dans des circonstances troubles, tandis que les autres,   entre dix et treize, selon les versions,  ont été jetés en prison. Parmi les détenus, certains ont été libérés au fil des mois, mais d’autres croupissent encore derrière les barreaux, sans jugement ni explication. Les familles, désemparées, parlent de rafles indiscriminées, menées par des Russes aux visages masqués, parfois épaulés par des soldats centrafricains. Ces événements ont marqué les esprits, devenant un symbole de la rupture entre les paroles apaisantes du gouvernement et les actes brutaux sur le terrain.

 

Le cas d’Abdoulaye Hissène : une autre cobaye piégée

 

Un autre épisode alimente ce climat de suspicion : celui d’Abdoulaye Hissène, ancien chef militaire du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), une importante faction issue de l’ex-Séléka. En 2022, lors d’un dialogue initié par Touadéra,  Abdoulaye Hissène avait annoncé quitter la rébellion. Il avait désarmé des milliers de ses hommes, répondant aux appels du DDRR. Ce geste, salué comme un pas vers la paix, l’a conduit à Bangui, où il pensait sceller une réconciliation avec le pouvoir. Mais à quelques mois de son arrivée à Bangui, il a été arrêté par l’OCRB. Transféré à la Cour Pénale Spéciale (CPS), un tribunal hybride créé en 2015 pour juger les crimes de guerre depuis 2003, il a été mis en examen pour crimes contre l’humanité en septembre 2023. Il reste détenu, dans l’attente d’un procès dont la date demeure incertaine.

 

Pour les groupes armés, cet enchaînement est une leçon amère. Hissène, une importante figure du nord-est musulman, était un chef de guerre  respectés, capable de mobiliser des combattants aguerris. Son arrestation, après avoir joué le jeu de la paix, a été vécue comme un coup de poignard. Sur les réseaux sociaux et dans les zones encore contrôlées par les rebelles, son nom revient sans cesse, brandi comme une preuve que le gouvernement préfère emprisonner ou éliminer plutôt que réintégrer. Les sanctions de l’ONU, qui le visent depuis 2017 pour des atteintes à la paix, n’ont fait qu’ajouter à la confusion : était-il un criminel à neutraliser ou un partenaire sacrifié ?

 

Le PRNC et les échos d’une répression plus large

 

Cette méfiance trouve aussi un écho dans le parcours des membres du Parti pour le Rassemblement de la Nation Centrafricaine (PRNC), autre groupe issu de l’ex-Séléka. Comme au PK-5, certains de ses combattants ont accepté de déposer les armes après 2016, séduits par les promesses de Touadéra. Plusieurs ont rejoint les rangs de l’armée nationale, espérant tourner la page des combats. Mais là encore, le scénario s’est répété. À Bangui, au quartier Malimaka, dans le cinquième arrondissement, des ex-rebelles du PRNC, pourtant intégrés, ont été arrêtés sans préavis. Les raisons restent opaques : certains parlent de soupçons de loyauté envers leurs anciens camarades, d’autres de pressions des mercenaires russes, qui verraient en tout ex-combattant une menace potentielle.

 

Ces arrestations ne sont pas des incidents uniques. Dans d’autres régions, des histoires similaires émergent. Des hommes ayant cru aux garanties du DDRR se retrouvent capturés, emprisonnés ou, pire, disparaissent après des opérations menées par les FACA et leurs alliés russes. À Bria, à Bambari ou dans l’Ouham, les témoignages affluent. Ces récits, relayés par des proches ou des rescapés, circulent dans les conversations et sur les plateformes comme X, amplifiant la peur et la colère.

 

Les mercenaires russes : un facteur aggravant

 

Au cœur de ces drames, les mercenaires russes jouent un rôle central. Arrivés en force dès 2018 pour contrer la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), ils ont aidé le gouvernement à reprendre des territoires. Mais leur présence, marquée par des méthodes brutales, a tout changé. Accusés par l’ONU, Human Rights Watch et d’autres d’exécutions sommaires, de tortures et de pillages, ils opèrent souvent sans rendre de comptes. À Bossangoa par exemple, en juillet 2021, 25 civils avaient été tués par des Russes, selon un rapport onusien. À Alindao, entre juin et août 2021, vingt-et-un hommes ont été détenus dans des conditions inhumaines, certains exécutés. Ces actes, documentés mais rarement sanctionnés, font des mercenaires une force crainte, même par ceux qui ont choisi la paix.

 

Pour beaucoup, Touadéra semble dépassé par ces alliés encombrants. S’il maintient un discours d’ouverture, les exactions menées sous son mandat – ou avec son assentiment tacite – contredisent ses paroles. Les groupes armés, eux, tirent une conclusion simple : déposer les armes, c’est risquer la mort ou la prison. Et dans ce dialogue de sourds, le fossé continue de se creuser…

 

CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE

Corbeaunews Centrafrique

Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21

Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com

Rejoignez notre communauté

Chaine officielle du CNC

Invitation à suivre la chaine du CNC

CNC Groupe 3

CNC groupe 4

CNC groupe le Soleil

Note : les deux premiers groupes sont réservés  uniquement aux publications officielles du CNC