CENTRAFRIQUE : VISITE INOPINÉE DU PRESIDENT AU TCHAD, EN VÉRITÉ JE VOUS LE DIT, TU RENIERAS LE RAPPORT DE L’ONU AVANT QUE LE COQ CHANTE…
Bangui, le 8 juillet 2017.
Par : Bernard Selemby Doudou, CNC.
Dans le cadre de la recherche des solutions durables à la crise centrafricaine, le President de la République a effectué une visite éclair pour ne pas dire une visite surprise au souverain tchadien. Un aller retour qui démontre de la violence faite à l’agenda du President de la République a permis un entretien de quatre vingt dix minutes au palais Présidentiel tchadien. Le tyran tchadien et sa redoutable armée, en quête permanente de reconnaissance au niveau africain avait retiré sa machine de guerre de la Minusca suite aux différentes exactions commises sur la paisible et accueillante population centrafricaine. L’entrevue de ces deux chefs d’Etat coïncide avec la publication le 30 mai 2017 d’un rapport accablant de la commission des droits de l’homme de l’ONU qui accuse l’armée tchadienne d’avoir commis 620 cas d’exactions en Centrafrique entre 2003 et 2013.
À la sortie de l’audience, la presse tchadienne comme à l’accoutumée lui posa une question basique du journalisme : que pensez-vous du rapport de l’ONU qui accuse l’armée tchadienne ? Après de grosses sueurs, le President de la République tendu, énervé devant le micro et visiblement gêné par le rapport qui coïncide à sa visite s’est prêté à un jeu humiliant la nation en niant comme un petit enfant qui vient de commettre l’irréparable en ces termes :“…le rapport de l’ONU n’engage que ses auteurs…la Centrafrique n’est informée que quarante huit heures avant sa publication…” le Président Deby gonflé et méprisant le suivait attentivement. En d’autres termes, que veut dire cette complexe phrase ?
Les professeurs de français ressortissants de l’école normale supérieure ne sont-ils pas disponibles pour nous clarifier ce que cette phrase veut dire ? En l’absence de clarification, le citoyen lambda qui n’était pas convoqué par le dictateur tchadien cherche à comprendre et s’interroge : l’initiative de la visite provenait de qui ? S’agissait-il d’une invitation ou d’une convocation ? Et si le pouvoir centrafricain était informé de la publication du rapport de l’ONU, qu’allait-il faire ? L’étouffer ? S’opposer à la publication ? Pourquoi le President Deby n’a t-il pas accueilli le President centrafricain à l’aéroport ? Il en est de même pour le retour alors qu’il venait de raccompagné le President Guinéen Alpha Condé quelques minutes plus tôt à l’aéroport. Le President centrafricain peut-il faire autant en cas de visite officielle du President tchadien en Centrafrique ? S’agissait-il d’une allégeance au guide tchadien ? S’agissait-il de la confirmation de l’hégémonie du Tchad sur la Centrafrique ? Ce genre de pratique existe encore ou aussi dans les relations sud-sud ? Par ce geste, le President tchadien est-il incontournablement le faiseur de roi dans le pays de Boganda ? Une honte nationale…citoyenne voire une humiliation d’Etat. Le recours au pouvoir tchadien malgré les exactions commises en Centrafrique démontre t-il de notre incapacité à endiguer la crise ? En dehors de la version officielle présentée à la presse, quel est le véritable objectif de cette visite éclair ? S’agissait-il d’une injonction de l’Union Africaine ? En terme clair, Deby n’était-il qu’un émissaire du président en exercice de l’Union Africaine parti quelques minutes plus tôt ? La question d’imposition de l’amnistie était-elle au rendez-vous ? N’oublions pas que l’amnistie tant décriée par le peuple ne sera effective que si elle est approuvée par les valables représentants du peuple à moins que le pouvoir décidé d’utiliser le 49.3 à la française.
Si les parlementaires centrafricains se sont opposés au départ du contingent congolais de la Minusca, que diront-ils du retour du contingent tchadien qui force le respect à travers son leader ? Lorsqu’une force étrangère malmène votre peuple, vous appelez cela de l’«aide» ? Cet acte s’apparente t-il à une haute trahison ou une faute politique ? Nous sollicitons le service des chevronnés juristes de nous définir les deux concepts. Dans les deux cas, quelles seront les sanctions ? À travers ce geste honteux qui amnistie publiquement le démon tchadien et qui le réhabilite dans la sous-région, les centrafricains se sont sentis humiliés, diminués, rabaissés, traînés, giflés, insultés, offensés… Au passage quel serait la réaction de l’ONU sur le volt-face du President de la République ? Nous vous rappelons quelques chiffres qui démontrent de la crédibilité des rapports des commissions des droits de l’homme de l’ONU. Cette dernière est l’organe principal chargé de la promotion des droits de l’homme dans le monde. Créée en 1946, cette commission compte 53 États-membres, plus de 500 représentants d’États-membres (organisations non gouvernementales, institutions spécialisées…) un réseau d’expert sans compter des représentants et des rapporteurs chargés de questions spécifiques. Visiblement le président de la République doit prendre des cours accélérés de posture et stratégie communicative pour limiter les dégâts et désagréments synonymes d’armes de destructions massives. Face à l’ampleur et aux effets de la bourde, le ministre conseiller chargé de la communication de la présidence, limité dans ses propos, en manque de stratégies de communication à tenté en vain de jouer au pompier. Il a essayé une explication qui rejoint au final ce qu’a dit son mentor. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 07 juillet 2017