CENTRAFRIQUE : UN ÉTAT DÉSARMÉ FACE AUX PÉRILS
Bangui, le 9 août 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
UN PAYS EN PERDITION ?
Est-ce vraiment le moment de se payer le luxe de tergiverser, de biaiser et même de fanfaronner à la tête des deux institutions principales du pays ? Les Centrafricains sont tenus à l’écart de tout, par un gouvernement apparemment incompétent et dénué de sens patriotique. Comment peuvent-ils appréhender l’avenir de leur pays ? Va-t-il se disloquer, comme semblent le prévoir les pythies ?
En ce moment, il règne, au pays de Boganda, une atmosphère viciée et politiquement délétère. Les Centrafricains se demandent tous les jours si les Dieux qu’ils évoquent souvent les ont abandonnés ou si le ciel va tomber sur leur pauvre tête déjà abîmée. Vont-ils boire la ciguë jusqu’à la lie ? Les gouvernants et les politiques se rendent-ils compte du vide de décisions qui prévaut dans une République Centrafricaine saignée à blanc et orpheline ? Ils semblent tétanisés, plongés dans l’immobilisme. Leur mot d’ordre ? « Courage, ne bougeons pas !»
Alors que 60% du territoire sont envahis par des rebelles arrogants et violents, on a l’impression qu’une surdité et une cécité totales empêchent les ministres d’appréhender les cris de souffrance de leurs concitoyens, en proie à des supplices indicibles. Pour des autorités qui ont déserté leur mission, la capitale est devenue un illusoire hameau de paix. Force est de constater qu’on peut désormais s’interroger : « Qui fait quoi à Bangui ? » Le président Touadera est-il bien entouré ?
Posons-nous franchement la question d’un possible complot, ourdi par des proches avec la complicité de puissances étrangères. Tout concourt à indiquer qu’un plan de déstabilisation a pu être initié par des forces secrètes. Le président Touadera dispose-t-il encore la réalité du pouvoir en Centrafrique ? Il faudrait dissiper au plus vite cette nébuleuse politique qui plombe et menace le pays.
Les Centrafricains attendent la vraie rupture, celle qui avait été promise. Ne leur avait-on pas assuré qu’on allait rompre avec les injustices sociales et les impunités du passé ? Qu’on allait faire comprendre aux rebelles que force resterait à l’État de droit ? Qu’on allait agir fermement pour désarmer les rebelles, protéger les populations, réarmer les FACAS et garantir l’intégrité du territoire ?
Mais, pour y parvenir, les autorités centrafricaines devraient sans doute se dégager des vieilles alliances de coopération militaire. On est bien obligé de constater, en effet, que les interventions des pays amis traditionnels n’ont pas résolu le chaos centrafricain. Est-ce que la R.C.A., en concertation avec la France, ne pourrait pas conclure d’autres accords avec, par exemple, la Chine, ou des pays africains pourvus de moyens militaires importants, ou les Etats-Unis d’Amérique ? Certes, ce serait un grignotage de la souveraineté du pays, mais la R.C.A. n’a pas, aujourd’hui, les moyens militaires suffisants pour défendre ses populations et son territoire.
Il faut agir au plus vite et, pour ce changement de cap, consulter les Centrafricains.
L’ÉNIGME DE KARIM MECKASSOUA PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Depuis l’élection présidentielle et la victoire écrasante de Faustin- Archange Touadera, c’est une guerre fratricide exaspérée qui mine la direction du pays. Avec ses corollaires : la désorganisation administrative de la RCA et l’absence de réponse au chaos et à la violence, abandonnant les Centrafricains à la barbarie des ex-Sélékas et des autres mercenaires.
Ces dernières semaines, la guerre des Palais a atteint un tel degré d’exaspération qu’elle laisse entrevoir pire encore que ce qui est pourtant déjà là. De terribles accusations de forfaiture ont visé le président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua : il aurait recruté des mercenaires pour initier une révolte et déstabiliser le président de la République. Les accusations allaient jusqu’à affirmer que l’élimination physique de Touadera avait même été envisagée.
Ces incroyables accusations n’ont suscité aucune réaction de la part du président de la République ou du Gouvernement. Si c’est un coup monté pour nuire à Meckassoua, il faut trouver les auteurs et les punir. Si les preuves qui circulent à Bangui (photos de mercenaires, interrogatoires …) s’avéraient exactes, ce serait extrêmement grave pour le président de l’Assemblée qui devrait démissionner ou être démissionné.
Etant donné les antécédents de Meckassoua, qui n’a pas hésité à corrompre des députés véreux pour se faire élire au perchoir, vu son passé sulfureux connu de tous à Bangui et compte tenu qu’il veut, avec acharnement, devenir calife à la place du calife, tout est envisageable.
Quoi qu’il en soit, l’impression de vacance du président de l’Assemblée nationale est préoccupante. Comme s’il était porté disparu. Il faut être en Centrafrique pour voir ce genre de phénomène. Un président d’Assemblée nationale qui disparaît, même momentanément, ça devrait susciter des interrogations au sommet de l’État.
Or, aujourd’hui, c’est silence radio ! Surprenant…Attendons, toutefois, les résultats des investigations pour tirer des conclusions.
Toutes ces gabegies à la tête des institutions devraient cesser. Il faudrait remanier le gouvernement : on ne sélectionne pas à nouveau une équipe qui n’a pas gagné. Il faudrait que le président Touadera s’adresse à ses compatriotes, qu’il applique la rupture avec le passé qu’il avait promise.
L’espoir qui avait salué son élection doit renaître.
JOSEPH AKOUISSONNE
(8 août 2017)