RFI / CNC
En Centrafrique, tout un volet de l’action de la Minusca, la mission des Nations unies, concerne la lutte contre l’impunité et le rétablissement d’un système judiciaire efficace. Le chantier est énorme : l’ascendant que les groupes armés ont pris dans le pays empêche les juges de s’en prendre à eux.
Les avocats et les simples justiciables vont et viennent dans le hall du palais de justice. Les audiences se tiennent. En apparence, Bangui dispose toujours d’un secteur judiciaire actif. Dans les faits, les juges centrafricains vivent dans la crainte permanente de représailles. Au parquet, un magistrat reconnaît que pendant très longtemps, les dossiers de flagrant délit liés aux groupes armés ont soigneusement été laissés de côté, faute de protection.
Le président du syndicat des magistrats, Parfait Rodrigue Yangandia, estime pour sa part que les conditions ne sont pas réunies pour que la justice soit rendue. « Le juge centrafricain travaille la peur au ventre. Au palais de justice, quelques éléments de la Minusca gardent les lieux. C’est déjà bien. Mais les juges ne travaillent pas seulement au palais de justice. Et donc, lorsqu’après avoir rendu une décision de justice vous rentrez chez vous, vous pouvez être agressé. Les conditions de sécurité sont déplorables et ne permettent pas aux juges centrafricains de travailler dans les conditions idoines », dénonce Parfait Rodrigue Yangandia.
La mise en place d’un cadre sécurisé de travail est d’autant plus importante que la criminalité ordinaire a augmenté avec la crise. « Parallèlement aux actes des groupes armés, la petite délinquance a progressé, explique un juge. Certaines personnes pensent que la justice n’existe plus et qu’on peut faire ce qu’on veut sans être attrapé. »
Mise en place de mesures temporaires d’urgence
Une équipe des Nations unies venue diagnostiquer le secteur judiciaire centrafricain a identifié une absence quasi totale de capacité dans les domaines de la police, de la justice et du système pénitentiaire. « Rien ne garantissait que les magistrats nationaux puissent exercer leurs fonctions de façon impartiale et sans risque d’ingérence politique ou de violence physique », dit un rapport du secrétaire général de l’ONU.
La Minusca a donc, dès le mois de juillet, engagé des discussions avec les autorités sur la mise en place de mesures temporaires d’urgence. Selon une note d’information de l’ONU, l’accord qui a été trouvé prévoit un appui d’experts et de conseillers auprès des magistrats centrafricains. Il prévoit aussi que les internationaux puissent arrêter et détenir des suspects dans les situations où les forces de sécurité centrafricaines ne seront pas en mesure de le faire.
Les mesures temporaires d’urgence prévoient par ailleurs le soutien par les Nations unies d’une cour pénale spéciale établie par les autorités centrafricaines au titre du droit national. Une cour qui sera chargée d’examiner, à l’échelle du pays, les affaires les plus graves de violations des droits de l’homme. « Nous sommes en train de préparer le projet de loi qui créera cette cour spéciale », a indiqué à RFI le ministre centrafricain de la Justice.
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