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CENTRAFRIQUE : QUAND DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES D’UNE LOI ORGANIQUE INFLIGE UNE DÉROUTE PRÉSAGEANT UNE DÉFAITE ÉLECTORALE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.

Monsieur Bernard Selembi Doudou, l'auteur de l'article. Photo de courtoisie.
Monsieur Bernard Selembi Doudou, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.

 

Bangui, République centrafricaine, 11 juillet 2020 (Corbeaunews-Centrafrique). La loi fondamentale de la République centrafricaine promulguée le 30 mars 2016 avait répertorié parmi tant de chantiers juridiques l’actualisation de la loi organique portant composition, organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale des Élections (ANE). Au demeurant, ce projet de loi avait été transféré il y’a un an au bureau de l’assemblée nationale pour examen mais ce dernier a été précipitamment retiré dans des conditions non encore élucidées. Ce qui logiquement devrait entraîner la mise en œuvre de la procédure de destitution du président de l’assemblée nationale selon les conditions définies par l’article 125 de la constitution pour trahison.

 

Après la claque indélébile de la Cour constitutionnelle qui a émis un avis défavorable au projet de tripatouillage de la constitution, les parlementaires étaient convoqués par décret en session extraordinaire pour statuer sur plusieurs projets de loi dont celui de lANE. Le projet de loi portant composition, organisation et fonctionnement de lANE a fait lobjet de plusieurs heures de débats riches, houleux, édifiants et passionnants dans lhémicycle de lassemblée nationale où naissent des divergences très remarquables sur la teneur des articles 6 et 74 du projet de loi. Initialement, lANE était composée de sept (7) commissaires alors que le projet de loi du gouvernement en propose neuf (9) tandis que la commission parlementaire élargie en propose onze (11). À lissue du scrutin à bulletin secret, sur 122 votants, 78 parlementaires ont privilégié la proposition de la commission parlementaire élargie au détriment de la proposition du gouvernement qui nen récolte que 42 voix.

Sinscrivant dans la suite logique et sagissant des dispositions de larticle 74 du projet de loi, les parlementaires même ceux de la majorité présidentielle ont majoritairement voté pour la proposition de la commission parlementaire élargie qui récolte 80 voix contre 42 avec un indécis qui a voté nul.

En effet, larticle 74 version gouvernementale souhaite conserver la configuration actuelle de lANE en rajoutant les nouveaux commissaires pour mener le processus électoral à terme même au delà de leur mandat et cela jusqu’à production du rapport final des opérations électorales. La commission parlementaire élargie sest énergiquement opposée vidant larticle 74 de sa substance. Ainsi, il urge de clarifier que ce nest pas le corpus du projet de loi qui est mis en cause mais les dispositions transitoires qui consistent à maintenir les commissaires actuels en poste au delà de leur mandat légal. Ainsi, il revient désormais de droit à la noble Cour constitutionnelle de contrôler la constitutionnalité du projet de loi et de valider une énième désillusion du pouvoir de Bangui.

Effaré par le revirement vertigineux des parlementaires de la sixième législature tant controversés, le citoyen lambda sinterroge :

Les déroutes successives du pouvoir de Bangui présagent-elles dune défaite électorale cuisante du président de la république ? Peut-on parler d’échec du pouvoir dans ces conditions ? À contrario, à qui profite le crime ? Pourquoi le pouvoir de Bangui est-il tant attaché à la configuration actuelle de lANE ? Existe t-il un risque dadoption plénière de lANE ou de manœuvres en vue de dompter lANE ? Existe t-il un deal ou un arrangement préalable entre lANE et le pouvoir de Bangui ? Que peut-on dire de la neutralité et de lautonomie de lANE au regard des manœuvres gouvernementales ? Navez-vous pas remarqué que le président de lassemblée nationale a fait perdre inutilement du temps au processus électoral par sa sotte idée de transférer discrètement le projet de loi amendé au gouvernement ? Avec cette trajectoire ou le peuple conscient commence à prendre ses responsabilités citoyennes, pensez-vous quun résultat électoral contraire aux vérités des urnes sera t-il encore accepté comme ce fut le cas en 2016 ?

Au delà de ces multiples questionnements, on remarque quau moins une fois dans lhistoire de la sixième législature, les parlementaires ont réussi à dégager un consensus en faveur de lintérêt général et ce au détriment des billets de banque qui caractérisent leur mandat.

Fort de ce qui précède, il apparaît important de souligner que depuis le vent de la démocratie imposé par la conférence de la Baule en France, jamais un pouvoir même dictatorial na autant abusé de la loi fondamentale et constitué par voie de conséquence une grave entorse à larsenal juridique de notre pays. Heureusement que les parlementaires ont vu en filigrane le risque de prolongement illimité du mandat de lautorité Nationale des Élections puisque dépendant de lavancée du processus électoral. Pour finir, nous tenons à mettre le pouvoir de Bangui en garde contre l’éventuel embrasement de notre cher pays par des éventuelles manœuvres politico-juridique car une véritable démocratie ne propose pas de lois pour se maintenir au pouvoir.

Nous rappelons au passage les règles basiques du droit quune loi doit toujours conserver en toutes circonstances son caractère général, impersonnel, obligatoire et abstrait au détriment du « sur mesure » vecteur de lanarchie.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que cest moi.

 

Paris le 10 juillet 2020.

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