Bangui, République centrafricaine, samedi 12 septembre 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique ). A l’orée du premier tour du scrutin présidentiel et législatif initialement prévu le 27 décembre 2020, l’actualité politique centrafricaine est animée et cadenassée au rythme d’organisations de congrès et d’investitures des candidats à la magistrature suprême de l’Etat. Les partis politiques légalement institués s’organisent et se mettent en ordre de bataille en vue d’une campagne électorale convaincante.
Nul n’est sensé ignorer que les défis et les enjeux multiformes sont énormes pour organiser une élection groupée crédible, transparente et apaisée. L’Autorisation Nationale de Élections (ANE), organe constitutionnel chargé de gérer le processus électoral avait établi un chronogramme technique pour encadrer le processus électoral dans le respect du délai constitutionnel.
Ce chronogramme virtuel a rencontré d’innombrables difficultés dans sa réalisation de terrain compte tenu du climat d’insécurité grandissante qui règne dans une bonne partie du territoire national par les groupes armés non conventionnels qui ne respectent pas leurs engagements politiques contenus dans les accords de Khartoum du 6 février 2019. Les opérations d’enrôlement des électeurs de la diaspora et de quelques préfectures au niveau national n’étant pas terminé alors que le président de la république doit selon les dispositions constitutionnelles plus précisément l’article 33 convoquer par décret le corps électoral au plus tard le 27 septembre 2020. Des craintes et doutes se font entendre sur l’effectivité des élections groupées tant dans les rangs de l’opposition démocratique que dans les rangs de la majorité présidentielle.
Il importe de rappeler au passage que l’Autorité Nationale des Élections ( ANE) est un organe permanent qui jouit d’une autonomie sans équivoque de gestion qui, théoriquement ne peut subir de pression de quiconque. A ce titre, le pouvoir et l’opposition démocratique sont au pied du mur et subissent le dictat de la structure faîtière chargée de gérer le processus électoral malgré la récente sommation de la Cour constitutionnelle de clarifier l’opinion sur la faisabilité des élections.
Inquiet de l’avenir politique de notre chère nation, le citoyen lambda s’interroge : Les élections présidentielles et législatives auront-elles lieu dans les délais prévus par la constitution ? Toutes les conditions requises sont-elles réunies pour la tenue d’une élection crédible et apaisée ? Comment peut-on convoquer le corps électoral alors que l’enrôlement des électeurs n’est pas terminé et le contentieux du fichier électoral épongé ? L’ÂNE peut-elle être tenu de responsable si les élections groupées ne se tiennent à bonne date ? Inversement, qui est véritablement le responsable de ce chaos si l’ANE évoque l’insécurité comme obstacle ?
Devant le mutisme de l’Autorité Nationale des élections, pourquoi la Cour constitutionnelle avait-elle précocement préconisé une concertation nationale pour anticiper le glissement du calendrier électoral ? La Cour constitutionnelle était-elle aussi convaincue de l’impossibilité de l’ANE d’organiser les élections dans le délai prévu ?
Le principe de retard dans le processus électoral étant acquis, ce retard peut-il compromettre la tenue des élections dans le délai constitutionnel ? En cas de glissement du calendrier électoral, comment appelle t-on la gouvernance d’après délai constitutionnel qui n’est pas prévu par la constitution ? Certains ergotent sur la sémantique de « transition », de « concertation nationale », de « gouvernement d’union nationale », de « cohabitation » et de « vacances de pouvoir » au point de se perdre sur l’essentiel.
Jusqu’à la preuve du contraire, la concertation envisagée par la Cour constitutionnelle depuis le 5 juin 2020 est irréversible et inévitable mais cette dernière est étroitement conditionnée à un rapport circonstancié de l’ANE pour solliciter de son ministère de tutelle un délai supplémentaire avec des conséquences politiques et juridiques sur la responsabilité des uns et des autres.
S’agissant de la baisse inexpliquée des inscriptions sur la liste électorale qui aura très certainement des effets sur le taux de participation, il apparaît important de souligner que le vote est un devoir citoyen et non une obligation comme sous d’autres horizons…c’est vrai que certains investisseurs et partenaires au développement hésitent souvent mais l’élection sera légitime même avec un corps électoral réduit.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 11 septembre 2020.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.