Bangui, République centrafricaine, samedi 22 août 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique). Le cours des hostilités militaires qui a emporté sans résistance le pouvoir malien remet sur la sellette la problématique de la cohabitation de la notion de coup d’état et celle d’un pouvoir démocratiquement élu en Afrique.
En effet, un coup d’état est par définition un renversement brutal du pouvoir existant par une minorité (généralement l’armée) par des moyens non constitutionnels. Dans le contexte centrafricain, l’article 26 de la constitution reste ferme en rappelant cette prohibition et dispose que : « la souveraineté nationale appartient au peuple centrafricain qui l’exerce soit par voie de référendum, soit par l’intermédiaire de ses représentants. Aucune fraction du peuple, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice, ni l’aliéner. Les institutions éligibles, chargées de diriger l’Etat tiennent leur pouvoir du peuple par voie d’élection au suffrage universel direct ou indirect ». Ainsi la seule voie pour espérer conquérir le pouvoir est demeure la vérité des urnes.
Ce phénomène de coup d’état très répandu après les indépendances pour neutraliser les pouvoirs sourds et muets à la détresse de leur population est malgré tout illégal et prohibé par la constitution même si les motivations réelles correspondent aux souhaits de la majorité de l’opinion publique.
Consécutivement à la réussite spontanée du coup de force des officiers maliens, une partie de l’opinion nationale ergote et s’agite sur les réseaux sociaux souhaitant une insurrection de nos forces armées a la frontière d’une incitation à la rébellion.
Fort de ce qui précède, il apparaît urgent de rappeler qu’un coup d’état militaire appelé communément putsch créé plus de problèmes qu’il n’en résout.
On assiste entre autres à la suspension de la constitution et la dissolution des institutions vitales de la république à savoir le gouvernement et l’assemblée nationale qui transférera ses prérogatives législatives à une gouvernance collégiale qui légiférera sur les questions urgentes et indispensables soit par décret soit par ordonnance. Pendant l’intermède, un gouvernement de fait exerce le pouvoir avec des moyens dérogatoires aux dispositions constitutionnelles. Cette transition politique qui se veut naturellement courte est souvent débordante où on assiste parfois à des confiscations de pouvoir avec la reproduction exacte voir pire de ce qu’on a reproché aux régimes renversés.
Par ailleurs la fermeture des frontières aériennes, maritimes et terrestres occasionne l’arrêt de tous les flux, transactions économiques et commerciales et contribue à l’isolement total du pays. A cela s’ajoute l’application des dispositions statutaires liées à la rupture de l’ordre constitutionnel où la banque centrale c’est à dire la BEAC et certains organismes financiers internationaux partenaires au développement qui en guise de représailles ferment leurs agences et bloquent les financements provoquant par voie de conséquence une asphyxie de l’économie. On assistera en conséquence à la rareté des produits de première nécessité suivie d’une inflation galopante rendant la vie en société invivable… une manière tacite de retourner la population contre les putschistes.
En outre, les accords et traités internationaux sont en veilleuse dans un contexte de couvre-feu ou d’état d’urgence qui restreint drastiquement les libertés publiques et renforce les pouvoirs des putschistes.
Étonné par des propos et agissements antipatriotiques de certains de nos concitoyens, le citoyen lambda s’interroge :
Au regard de ce qui précède, pensez-vous qu’un coup d’état est un remède approprié à la béante crise centrafricaine ? Le coup d’état constitue t-il un vœu à souhaiter pour sa mère patrie ? Pensez-vous que la crise centrafricaine qui a des origines lointaines peut se résoudre par les armes ? Pourquoi avons-nous toujours des velléités de transposer textuellement ce qui se passe ailleurs chez nous sachant que les réalités socio-économiques et politiques ne sont pas les mêmes ? A contrario, le fait d’être élu démocratiquement ouvre t-il droit à bâillonner son peuple ?
Notre engagement citoyen et notre attachement à la notion de démocratie nous interdit formellement de faire la promotion d’un coup d’état nonobstant le fait qu’il est généralement suivi de mesures d’apaisement comme la libération des prisonniers politiques ou d’opinion, le paiement des arriérés de salaire s’il y’en a, encourager le retour des exilés et mettre en place un gouvernement d’union nationale où toutes les forces vives de la nation sont représentées etc…
Pour finir, il est évident de souligner que certains coups d’état sont salutaires c’est à dire qu’il répondent aux souhaits d’une majorité de l’opinion publique mais cela n’est pas envisageable dans le contexte centrafricain car nous sommes à quatre (4) mois des échéances électorales et un coup d’état militaire serait qualifié de plus « bête » et même « stupide » en Afrique. Le coup d’état du peuple centrafricain même marginalisé et maltraité par le pouvoir se manifeste dans les urnes. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
Paris le 21 août 2020.