le ministère de la Réconciliation, simple vitrine ou vrai moteur de paix ?

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Alors que Sewa Ndotah commémore une décennie de vivre-ensemble à Lakouanga, le ministère de la Réconciliation peine à soutenir les initiatives citoyennes pour la paix. Cette absence pousse à s’interroger : ce ministère est-il un véritable moteur de cohésion sociale ou une simple vitrine politique ?
Reconstruire pour panser les plaies d’un pays fracturé
En 2013, la prise de pouvoir par la Séléka plonge la République centrafricaine dans un cycle de violences intercommunautaires, fracturant le tissu social. La mosquée de Lakouanga, dans le 2e arrondissement de Bangui, est détruite en mai 2014, devenant un symbole de cette division. Face à cette tragédie, Christian Ndotah, président de l’association Sewa Ndotah, lance une initiative audacieuse : rebâtir la mosquée pour restaurer le vivre-ensemble. « En tant que chrétien, reconstruire une mosquée était ma manière de démentir ceux qui voulaient confessionnaliser la crise », confie-t-il. Soutenue par l’association École Foot Namys, cette action s’appuie sur un slogan fédérateur : « Construire la paix, c’est construire le pays ».
Le 24 décembre 2014, jour de Noël, un vœu de réconciliation donne le coup d’envoi. Le 24 avril 2015, des chrétiens nettoient le site dévasté, rejoints par des musulmans. Une prière solennelle, le 1er mai 2015, marque un tournant, en présence de dignitaires et de la MINUSCA. Avec l’appui du PNUD, les travaux débutent en août 2015, mais une nouvelle destruction en septembre freine le projet. La communauté reprend les travaux après la visite du pape François et les élections de 2016, qui apaisent les tensions. Aujourd’hui, la mosquée, autrefois modeste, est un édifice moderne accueillant jusqu’à 1 000 fidèles, incarnant un symbole de résilience.
Célébrer dix ans d’unité et de paix
Sewa Ndotah organise, du 24 au 26 avril 2025, une campagne intitulée « Campagne de sensibilisation sur la paix et le vivre-ensemble, 10 ans après la reconstruction de la mosquée de Lakouanga ». Avec un budget de 4 761 500 FCFA, ce projet vise à consolider les valeurs de paix à l’approche des élections. Trois activités majeures sont prévues : une cérémonie commémorative à la mosquée, une conférence-débat au Centre Jean 23, et une sensibilisation urbaine avec un match de football à Boy Rab.
Le 24 avril, 500 personnes, dont autorités et artisans de paix, se réuniront pour des prières œcuméniques et une visite guidée, avec une couverture médiatique. Le 25 avril, 200 participants débattront de la reconstruction, du vivre-ensemble et de la paix en période électorale, suivis d’un sketch et d’un cocktail. Le 26 avril, un camion-podium sillonnera Bangui, et un match de football attirera 2 000 spectateurs, animé par des groupes de danse scouts. Une stratégie médiatique, incluant spots radiophoniques, affiches et T-shirts, assurera une large visibilité.
Un ministère de la Réconciliation en panne d’action
Malgré l’alignement de cette initiative avec les objectifs du ministère de la Réconciliation nationale, aucun soutien concret n’a été obtenu. Trois mois avant l’événement, Sewa Ndotah a sollicité une aide logistique et financière. La réponse du ministère, donnée sans la moindre gêne, fut qu’il « n’avait pas de moyens ». Cette excuse est d’autant plus troublante que le ministère aurait pu soulever la question lors du Conseil des ministres pour obtenir un financement. Un projet d’une telle importance pour la cohésion sociale méritait que le ministère des Finances débloque ne serait-ce qu’une somme modeste. Mais, par manque d’initiative, par peur ou par désintérêt, le ministère a préféré se retrancher derrière une réponse honteuse, laissant l’association seule face à ses ambitions.
Plus grave encore, le jour de la cérémonie, le directeur de cabinet du ministère s’est présenté, prononçant un discours comme si le ministère était à l’origine de l’événement. Cette récupération opportuniste, sans aucun soutien, pousse à s’interroger : l’objectif était-il de se gargariser, de s’approprier le travail de Sewa Ndotah pour briller sous les projecteurs, ou simplement de sauver les apparences ? Cette attitude contraste avec les dépenses colossales pour d’autres causes. Pour la marche du troisième mandat du président Touadéra, des centaines de millions de FCFA ont été mobilisés. Chaque député, au nombre de 144, a reçu 2,5 millions de FCFA pour organiser des marches dans sa circonscription, soit 360 millions de FCFA rien que pour les parlementaires. À cela s’ajoutent les fonds versés aux sous-préfets, aux partis politiques soutenant le président, environ une centaine, et à diverses associations, portant le total à des milliards de FCFA. Pourtant, pour un projet de réconciliation porté par des citoyens, pas un franc n’a été trouvé.
L’ambassade de France, également sollicitée par l’association Ndotah, a invoqué un manque de ressources, une réponse surprenante pour une chancellerie occidentale engagée dans les processus de paix. Cette inaction institutionnelle renforce le scepticisme : le ministère est-il un moteur de paix ou une façade politique ? « C’est bizarre qu’un ministère dédié à la réconciliation dise qu’il n’a pas de moyens. Existe-t-il vraiment pour les Centrafricains ? », s’interroge un observateur local.
Redonner un sens au rôle du ministère
Le ministère de la Réconciliation nationale, censé incarner l’engagement de l’État pour la cohésion, perd en crédibilité face à son inaction. Soutenir des initiatives comme celle de Sewa Ndotah nécessiterait une approche proactive : mobiliser des fonds via le Conseil des ministres, coordonner les partenaires internationaux, ou valoriser les efforts citoyens. Sewa Ndotah prouve que des actions concrètes sont possibles avec peu de moyens. Un partenariat avec de telles initiatives pourrait redonner au ministère un rôle central et répondre aux attentes des Centrafricains.
La reconstruction de la mosquée de Lakouanga et la campagne de 2025 témoignent de la force des citoyens à bâtir la paix. Sewa Ndotah montre la voie, mais le ministère de la Réconciliation doit sortir de l’ombre pour devenir un acteur crédible. Comme l’affirme Christian Ndotah, « construire la paix, c’est construire le pays ». Ce chantier exige l’engagement de tous, institutions comprises, pour que la Centrafrique retrouve son unité….
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