Bangui, République centrafricaine, samedi, 2 janvier 2021 ( Corbeaunews-Centrafrique). A l’instar des autres États d’Afrique, la République centrafricaine avait un défi majeur à relever, celui d’organiser des élections présidentielles et législatives dans un climat sécuritaire hypothétique. En effet, suite à un processus électoral jugé par certains acteurs de non inclusif, les électeurs lassés d’être otages d’une interminable crise ont bravé la psychose d’insécurité pour voter massivement dans des zones sécurisées. Il faut également relever d’après les sources gouvernementales qu’une bonne vingtaine de villes représentant le tiers de la population n’ont pas voté, soit se retrouvent avec les matériels électoraux détruits.
Cette situation entache la représentativité et la légitimité du pouvoir car l’article 35 de la constitution confirmé par l’article 68 de la constitution du 30 mars 2016 impose que le président de la république ainsi que les députés soient élus au suffrage universel direct c’est à dire sur l’ensemble du territoire national. S’inscrivant dans la suite logique d’idée, il apparaît important de souligner l’échec du dispositif national de sécurisation des élections vanté par le pouvoir et la communauté internationale.
Notre compréhension peut être abusive du dispositif national de sécurisation des élections suppose la sécurité du processus électoral, la sécurité des candidats ainsi que des électeurs.
Ainsi on a de façon insidieuse violé le principe d’égalité des candidats devant les électeurs privilégiant les uns au détriment des autres. Certains candidats n’ont pas fait campagne et d’autres se sont retrouvés dépouillés de leurs gadgets électoraux. D’ailleurs, nous saluons au passage l’honnêteté de certaines missions d’observation électorale internationale qui ont relevé ces manquements dans leurs différentes conclusions.
Devant cette mise en scène qui ne ressemble de loin à une élection, nous imaginons actuellement que le greffe de la cour constitutionnelle doit être submergé de requêtes tendant à l’invalidation des élections tant sur le plan local que national. La cour constitutionnelle, juge électoral est tenu de statuer sur l’ensemble des requêtes et surtout de dire le droit au nom du peuple centrafricain.
En attendant l’arbitrage de la cour constitutionnelle sur la validation ou non de ce que certains appellent élection, le citoyen lambda s’interroge :
Les élections groupées se sont-ils bien déroulées sur l’ensemble du territoire national ? Sinon…pourquoi ? Comment assurer la bonne tenue du scrutin dans un climat sécuritaire aussi délétère ? Peut-on à ce stade affirmer que le dispositif national de sécurisation des élections est un échec ? Mais si tel est le cas, à qui incombe la faute ? Des élections partielles seront-elles organisées dans des villes occupées ? Dans l’affirmative, elles auront lieu dans combien de temps ? La cour constitutionnelle va t-elle valider une élection organisée dans des conditions qui sont loin des standards internationaux ? La cour constitutionnelle va t-elle suivre la logique de la communauté internationale qui tend à se substituer au peuple centrafricain voire à s’ingérer de façon insipide dans les affaires intérieures de l’Etat ?
Il est vrai qu’aucun texte n’impose un nombre minimum d’électeurs pour valider une élection car le taux de participation ne fait pas l’élection mais la légitimité du pouvoir est en jeu et le peuple centrafricain a aussi droit à des élections qui respectent les standards internationaux. Nous sommes tentés in fine de croire que les autorités centrafricaines veulent copier à l’identique le schéma politique à l’ivoirienne qui consiste à faire le « sourd d’oreille » à l’opposition jusqu’à sa réélection et de tendre la main au lendemain de la réélection.
Le peuple souverain et meurtri dans son âme est tellement habitué à ces improductifs gouvernements d’union nationale qui n’est autre qu’un partage de gâteau entre les bourreaux que sa préoccupation majeure demeure la libération du territoire national et l’anéantissement des groupes armés non conventionnels.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites surtout pas que c’est moi.
Paris le 1 janvier 2021.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.