LA DÉCISION DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BANGUI RELATIVE AU CIRCULAIRE DU MINISTRE DES TRANSPORTS CONSTITUE T-ELLE UNE VICTOIRE POUR LE COLLECTIF DES AVOCATS DE BOZIZÉ ?
Bangui (République centrafricaine) – CNC – La sanglante et historique crise centrafricaine dérive de l’invasion militaire d’une coalition armée contraignant par voie de conséquence en exil le Président « soit disant » élu légitimement. Devant l’amateurisme chronique avéré de gouvernance des forces coalisées, une transition consensuelle a réussi malgré les imperfections à rétablir l’ordre constitutionnel avec l’avènement démocratique d’un Président issu des urnes.
Sous prétexte de maintenir l’ordre public, de garantir la sécurité et surtout animé par un souci teinté de conservation « mordicus » du pouvoir, le nouveau élu de la nation centrafricaine a instruit son ministre des transports et de l’aviation civile d’initier un circulaire en date du 17 novembre 2016 interdisant sous peine de sanctions administratives et pécuniaires toutes compagnies aériennes d’embarquer le président fraîchement déchu du KNK à destination de la capitale centrafricaine.
Ce dernier est également visé par un mandat d’arrêt international délivré le 29 mai 2013 par le parquet général de Bangui, aussi sous sanctions multiformes de l’ONU vit son énième exil cette fois-ci dans la capitale ougandaise.
Après des turpitudes politiques teintées d’une grande illusion, le parti KNK « faiseur de roi » de l’actuel locataire du palais de la renaissance se retrouve suite à une ingrate alliance dans la majorité présidentielle, posture ou pari rêvé qui pouvait faciliter le retour au bercail de leur mentor. A l’orée des prochaines échéances électorales, les cartes politiques doivent être redistribuées pour une nouvelle compétition électorale.
Comme le souhaite le jeu démocratique, l’allié d’hier est devenu par la loi de la nature un farouche adversaire qui organise pêle-mêle des meetings scandant des slogans injurieux, rythmiques et folkloriques à l’endroit du prince de la monarchie de Bangui. A ce stade, il urge de rappeler que l’article 36 de la constitution du 30 mars 2016 qui définit les conditions d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle impose une présence effective et physique du candidat sur le territoire national depuis au moins un an à la date du scrutin.
Pour s’inscrire dans le champs d’action de cette disposition constitutionnelle, le collectif des avocats du candidat naturel du parti KNK a introduit un recours contentieux devant la juridiction administrative en vue d’annuler le fameux circulaire au motif qu’il viole la constitution et les conventions internationales. Après une minutieuse instruction du dossier, la juridiction de premier ressort de droit commun en matière administrative s’est prononcée sur la forme de la requête en date du 12 décembre 2019. Après la décision de recevabilité de la requête, le tribunal administratif s’est déclaré souverainement compétent et rejette par contre la demande de sursis à exécution formulée par le collectif des avocats. Par voie de conséquence, la saisine du tribunal administratif n’étant pas suspensive de l’acte administratif susvisé, ce dernier continue à produire ses effets juridiques.
Animé par sa curiosité maladive, le citoyen lambda s’interroge :
La première décision du tribunal administratif sur ce dossier est-elle une victoire pour le collectif des avocats ? Ce qui s’apparente à une victoire juridique est-elle synonyme d’une victoire politique ? Cette première décision du tribunal administratif sonne t-il le glas de la carrière politique du candidat naturel du parti KNK ? Considérant la nonchalance chronique de la justice centrafricaine corollaire de la non présence effective de leur candidat sur le territoire national au moins une année avant le scrutin, pourquoi le collectif des avocats n’a t-il pas tenu compte de l’urgence pour demander une procédure en référé synonyme d’un procès rapide ? Ce circulaire attaqué est-il juridiquement illégal ? Le collectif des avocats peut-il faire confiance à la justice centrafricaine souvent décriée de corrompue, sclérosée ou aux ordres ? Enfin, dans l’hypothèse d’un retour clandestin, le candidat naturel du KNK est-il menacé de poursuite judiciaire tant au niveau national qu’international ?
Fort de ce qui précède, il apparaît important de souligner que tout acte administratif qui porte atteinte aux intérêts des particuliers est contestable dans un délai de deux (2) mois à compter de sa publication ou de sa notification. Ce principe est confirmé par la célèbre jurisprudence dans arrêt Société Intercopie rendu par le conseil d’Etat français le 20 février 1953. En résumé, la société Intercopie a introduit une requête en annulation d’une décision de la commission nationale des accidents de travail qui lui est préjudiciable en date du 26 juin 1950. Par ailleurs, le requérant s’est borné à invoquer l’irrégularité de la composition de la commission alors que son recours contentieux a été enregistré au secrétariat le 3 décembre 1951 c’est à dire hors délai de prescription. En conséquence, le conseil d’Etat a rejeté la requête au motif que le délai de recours contentieux requis par la loi est prescrit. S’agissant du dossier centrafricain, attendons de voir la juridiction administrative centrafricaine se prononcer ultérieurement sur le fond du dossier. Mais
attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 13 décembre 2019.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.