Bangui ( République centrafricaine ) – Un officier général de l’armée centrafricaine et ancien chef d’état major s’était illustré à travers une sortie médiatique très polémique en critiquant la gouvernance trouble des autorités établies. L’attitude dissidente du général frondeur s’est inspirée de la célèbre maxime du capitaine Jerry Rawlings, ancien président de la république du Ghana qui déclare : « lorsque le peuple est écrasé par ses dirigeants avec la complicité des juges, il revient à l’armée de rendre au peuple sa liberté ».
Devant le mutisme incompréhensible et assourdissant du gouvernement, l’intéressé a formulé une demande formelle au ministre de la defense nationale pour son admission à la retraite anticipée conformément à la réglementation de la fonction publique militaire en vigueur.
Le président de la république, chef suprême des armées a enfin pris dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles une série de décrets qui alimente les polémiques et aboutit à des interprétations créant le flou dans la compréhension du citoyen lambda.
Ainsi, le premier décret n*20.068 portant admission en deuxième section d’un officier général sur demande expresse de l’intéressé, le second décret n*20.069 plaçant un officier général de l’armée en position hors cadre et le met à la disposition du ministère de la fonction publique qui assurera l’entière prise en charge.
De cette série de décrets, il faut comprendre que dans la fonction publique militaire, le corps des officiers généraux est reparti en deux (2) sections. D’abord les officiers généraux titulaires c’est à dire ceux qui sont encore en activité font partie d’office de la première section tandis que ceux qui sont inactifs c’est à dire de « réserve » ou placé hors cadre appartiennent à la deuxième section. C’est le cas de notre général frondeur qui, dorénavant jouit de la totale liberté de parole et même de s’investir librement dans le domaine politique.
Ce statut de deuxième section est généralement réservé aux officiers généraux atteints par la limite d’âge ou qui partent par anticipation soit sur leur demande expresse assortie de préavis, soit pour des raisons de santé dûment constatées par des experts soit enfin pour des sanctions disciplinaires. La position « hors cadre » est une mise en attente d’une affectation dans une Administration, une entreprise publique ou un organisme international et le tout encadré par des conditions, des droits et devoirs limités dans le temps.
Cette situation est justifiée au regard de la règlementation vu que l’intéressé n’a pas encore atteint l’âge de départ à la retraite civile prévue 62 ans pour les cadres de la catégorie A de la fonction publique centrafricaine. S’agissant des traitements, son nouveau salaire sera ainsi recalculé au prorata des 80% de son salaire de l’armée. Au delà de ces clarifications, le citoyen lambda traumatisé par la psychose née de la déclaration fracassante du général frondeur s’interroge :
Que se passera t-il après l’admission du général frondeur à la retraite anticipée ? S’agit-il d’un bras de fer ouvert entre le général dissident et le pouvoir de Bangui ? Le peuple est-il prêt de confier encore sa destinée à un quatrième officier général de l’armée ? Cette admission à la retraite anticipée du général frondeur a t-elle respecté les conditions de forme et de fonds édictées par la réglementation en vigueur ? Pourquoi le président de la république a t-il peur de prendre des sanctions disciplinaires pourtant prévues par les textes contre le général frondeur pour violation du droit de réserve ? S’agit-il d’une crise d’autorité au sommet de l’Etat ? Il faut rappeler que dans sa lettre adressée au ministre de La Défense, l’intéressé reconnaît avoir violé les règles non écrites du devoir de réserve et s’attendait sans détour à une sanction disciplinaire.
Pourquoi dans la série de décrets portant admission du général à la retraite, la sécurité du palais présidentiel a t-elle été renforcée par la désignation d’un nouveau directeur ? Au delà de toutes ces polémiques, nous saluons avec respect la détermination d’un véritable chef militaire qui est allé au bout de ses convictions mais ce qu’a vécu le peuple depuis 2013 marqué par la démission des missions régaliennes des officiers généraux a jeté un discrédit insipide sur la bravoure de notre général qui s’est réveillé tardivement…
peut être animé par un agenda caché. Pour finir, il est important de rappeler que le seul inconnu de ce débat demeure le manque de sanctions disciplinaires pour servir de jurisprudence de référence car le général De Villiers, chef d’état major des forces armées françaises avait osé critiquer la réduction du budget alloué à l’armée et en conséquence a reçu la foudre de l’Élysée après un recadrage médiatique du nouveau locataire.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 13 mars 2020.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.