CENTRAFRIQUE : AU DELA DE LA DESTITUTION ANTICONSTITUTIONNELLE DU PRESIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
La date du 26 octobre 2018 est à inscrire, non pas avec de l’eau de rose, mais avec des larmes dans les annales de l’histoire politique de la République centrafricaine. Ces larmes, au lieu d’exprimer un quelconque défaitisme, doivent renforcer la volonté des démocrates centrafricains de mener une lutte implacable contre la déconstruction des acquis démocratiques et contre le retour à pas feutrés d’un type de totalitarisme. A qui le prochain tour, peut-on se demander…
Il ne s’agit pas de gloser ici sur ces évènements du « vendredi noir » où des élus de la Nation ont été programmés avec des espèces sonnantes et trébuchantes sur le mode « destitution » pour régler le sort d’un homme, mais plutôt d’inviter, de nous inviter à une réflexion prospective.
La profonde crise 2013-2014 que le retour à la légalité constitutionnelle de 2016 n’a pas encore permis de juguler, devrait nous amener à agir avec tact, sagesse et intelligence. Nous sommes encore dans une forme de « transition » où les Chefs de l’Exécutif et du Législatif devraient être inamovibles durant leur mandature, et des ajustements pourraient être initiés à travers d’éventuel changement de Gouvernement de la République et de renouvellement des membres du Bureau de l’Assemblée nationale.
De manière méthodique et en profitant du nouvel ordre politique caractérisé par la pléthore de députés « indépendants » et des partis politiques qui n’inspirent plus beaucoup confiance, car aucun n’a pu avoir la majorité parlementaire, malgré la percée aux élections législatives d’un ou deux partis nouvellement créés, on en est arrivé à ce nouveau paysage politique dont les lignes de force sont malheureusement le débauchage et l’achat de députés pour la constitution d’une majorité parlementaire où les priorités vont se circonscrire aux avantages économiques, financiers et au bénéfice de l’immunité. Alors que la recherche et la consolidation de la paix, la préservation de l’unité nationale, la sécurisation du pays, la prise en charge des déplacés internes et externes, la remise à flot des institutions socio-éducatives, le contrôle et l’exercice du pouvoir d’Etat sur tout le territoire national, en somme, la remise à l’endroit du pays, sont la priorité des priorités. A terme, cette sixième législature va avoir tous les contours de la quatrième législature 2005-2010 décrite par Olivier Gabirault dans « La responsabilité historique des députés dans la déconfiture de la République centrafricaine » (cf.oliviergabirault.over-blog.com), c’est-à-dire :
- Une assemblée nationale de complaisance ;
- Une assemblée nationale porte-parole et complice de l’Exécutif dans la dilapidation des ressources du pays ;
- Une assemblée nationale complice du recul de la démocratie ;
- Une assemblée nationale plus respectueuse de la volonté de l’Exécutif que du consensus national ;
- Une assemblée nationale préoccupée uniquement par les intérêts de ses membres.
A cela, il faut peut-être ajouter cette propension de randonnées à Boali pour les succulentes carpes qui vont rendre de plus en plus muets les élus de la Nation sur les problèmes essentiels.
Toute cette situation est de la responsabilité de la classe politique et l’existence des « indépendants » n’est que le corollaire d’une « anormalité politique » induite et qu’il convient de corriger maintenant par une recomposition. Et l’heure a sonné pour nettoyer les écuries d’Augias de la politique centrafricaine.
Fort de tout ce qui précède, je lance ici un appel – étant donné que personne n’a le monopole de parler de la politique – pour l’organisation des Etats généraux des Partis politiques en vue d’aboutir à la réduction drastique de leur nombre et permettre ainsi à l’Etat de leur allouer des financements qui seraient définis par la loi. Ce qui favorisera l’émergence d’une nouvelle classe politique responsable. Le schéma de cette recomposition pourrait être :
- La dissolution et le regroupement des partis existants en cinq (05) ou six (06) grands partis politiques, avec de nouvelles appellations, autour des partis qui ont déjà gouverné ou autour des affinités idéologiques ou personnalités crédibles, ou bien ;
- L’autodissolution des partis politiques à l’issue des prochaines élections législatives pour ceux qui n’auront pas obtenu un nombre de députés, à définir par consensus. Ce qui permettra aux nouveaux partis qui naissent, à bien naître, pour bien occuper l’échiquier politique.
Cette action de recomposition ne peut se faire sans le renouvellement et le rajeunissement au niveau de tous les partis existants et la nouvelle génération politique se doit de bien préparer les futures élections, tant présidentielle que législatives.
Par : Clotaire SAULET SURUNGBA, Ancien Parlementaire
Fait à Paris, le 29/10/2018