Bangui, quand le ministre Bertrand Arthur Piri, invité dans une église des frères de Bégoua, annonce aux fidèles des choses dangereuses qui vont arriver après les élections du décembre prochain. Quelle surprise ?

Rédigé le 11 novembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
La visite de Bertrand Arthur Piri à l’église évangélique des frères du quartier PK15, sur la route de Boali, s’est transformée la semaine dernière en un moment de malaise généralisé.
En effet, le ministre de l’Énergie et neveu du président Touadéra, également candidat aux législatives dans la circonscription de Bégoua, a tenu des propos qui ont glacé tous les fidèles de cette église des frères.
Invité exceptionnel du culte du dimanche dernier, le ministre Bertrand Arthur Piri, par ailleurs musicien et animateur radio, a pris la parole après les prières pour lancer un appel pressant aux fidèles. « Il faut beaucoup prier pour le pays », a-t-il martelé, avant d’ajouter que « ce qui va arriver après les élections risque d’être très, très dangereux pour le pays ». Bertrand Arthur Piri est allé jusqu’à évoquer une situation « pire que celle de 2013 en Centrafrique », référence directe à la crise qui avait secoué le pays après la prise du pouvoir de la Séléka qui avait chasser le président François Bozizé du pouvoir.
Après les propos glaçants du ministre Bertrand Arthur Piri , le silence s’est abattu dans l’église. Les fidèles, venus pour un culte dominical ordinaire, se sont retrouvés face à un membre du gouvernement leur annonçant des « choses violentes » à venir après les élections groupées de décembre.
« Ça sent très, très mal », a insisté le ministre, multipliant les appels à la prière.
Ces élections groupées – qui doivent réunir les présidentielles, législatives, municipales et régionales, sont déjà au cœur d’une crise politique majeure. Le président Faustin-Archange Touadéra alias Baba Kongoboro y brigue un troisième mandat, en violation de la Constitution centrafricaine de 2016 qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux. C’est précisément cette candidature illégale qui cristallise les tensions et fait redouter une explosion post-électorale.
À la sortie du culte, la stupéfaction a laissé place à l’indignation. « Quelle est cette histoire ? », se demandaient les fidèles entre eux. Nombreux sont ceux qui y voient un aveu : le gouvernement serait lui-même à l’origine des crises qu’il prétend redouter. « Ils sont au pouvoir, ils ont tout. Ce sont eux-mêmes qui créent les crises », résumait un fidèle. « Ils ne veulent pas que l’opposition aille aux élections, ils créent personnellement les crises post-électorales, et maintenant ils viennent nous demander de prier pour eux ? »
La comparaison utilisée par les fidèles est cinglante : ils se sentent comme des chercheurs d’or qu’on fait travailler avant de leur confisquer le fruit de leur labeur. « Ils sont au pouvoir, ils bénéficient, ils mangent, ils construisent des immeubles partout, ils ne pensent même pas à la population. Et maintenant ils viennent demander à cette même population de prier pour eux ? Leur intérêt, c’est seulement de protéger leur richesse ».
Le contexte politique donne du poids à ces accusations. À quelques semaines des élections groupées de décembre, le pays connaît déjà une crise pré-électorale avec le boycott de l’opposition, hostile au troisième mandat du président Touadéra. Dans un climat où les tensions sont palpables et où de nombreux acteurs politiques sont écartés du processus électoral, les propos alarmistes d’un ministre en campagne prennent une résonance particulière.
« Tout le monde sait que le pays ne va pas bien », confiait un autre fidèle à la sortie de l’église. « Le pays va bien pour ceux qui sont au pouvoir. Pour le reste, c’est le chaos. Routes, écoles, rien ne fonctionne. La vie est dure et chère. Et ils viennent à l’église annoncer des mauvaises nouvelles ? »
La visite de Bertrand Arthur Piri au PK15 a donc eu l’effet inverse de celui probablement escompté. Au lieu de rassurer ou de mobiliser les fidèles, le ministre a alimenté la colère d’une population qui se sent instrumentalisée par un pouvoir qu’elle accuse de préparer le terrain d’une crise dont il serait lui-même l’artisan. En évoquant le spectre de 2013, année noire de l’histoire centrafricaine, Piri a involontairement révélé les craintes d’un régime conscient de jouer avec le feu en maintenant un troisième mandat inconstitutionnel.
Par Gisèle MOLOMA….
Rejoignez notre communauté
Chaine officielle du CNC
Invitation à suivre la chaine du CNC
Note : les deux premiers groupes sont réservés uniquement aux publications officielles du CNC




