Bangui : 30 accidents graves par jour, l’hécatombe silencieuse des taxis-motos
Par la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique.
Le service de traumatologie de l’hôpital communautaire de Bangui croule sous l’afflux quotidien des blessés. Chaque matin, le professeur Bertrand Tekpa et son équipe doivent traiter une trentaine de cas graves d’accidents, principalement causés par les taxis-motos. Ces drames, devenus routine, endeuillent des familles entières dans la capitale centrafricaine.
Une urgence quotidienne à Bangui
“Entre 6 heures du matin et 6 heures le lendemain, nous recevons en moyenne 30 blessés graves à l’hôpital communautaire de Bangui, nécessitant une intervention immédiate”, révèle le professeur Bertrand Tekpa, chef du service de traumatologie. Ces chiffres ne représentent que la partie visible de l’iceberg. De nombreuses victimes sont dirigées vers l’hôpital MSF-SICA de Bangui, où les soins sont gratuits, tandis que d’autres succombent directement sur les lieux des accidents.
Les statistiques hospitalières dressent un tableau alarmant. En 2012, le service avait déjà enregistré 1665 victimes d’accidents graves et 250 décès. Douze ans plus tard, la situation s’est considérablement aggravée avec la multiplication des taxis-motos dans la capitale.
Les causes d’une catastrophe
Dans les rues de Bangui, le spectacle est édifiant. Des motos surchargées transportent des familles entières, avec des enfants sur le réservoir et des bébés dans le dos des mamans. D’autres servent au transport de marchandises, les conductrices perchées dangereusement au sommet de sacs de manioc.
“Vous voyez des motos qui traversent plusieurs checkpoints de gendarmerie. Ils sont surchargés comme une 4×4, avec la propriétaire des marchandises perchée en haut sans appui”, décrit le professeur Bertrand Tekpa. Les forces de l’ordre, censées faire respecter la réglementation, se contentent de prélever 200 ou 500 francs avant de laisser passer ces véhicules en infraction.
Le chaos institutionnalisé
Le directeur général des transports urbains, Nono Wenceslas Nguelekoumou , reconnaît l’ampleur du désastre : “Dans Bangui, le nombre de taxis automobiles n’atteint pas 100, et nous avons à peine 70 bus”. Cette pénurie de transports en commun a favorisé l’explosion incontrôlée des taxis-motos.
Plus préoccupant encore, 90% des motos appartiennent à des membres des forces de sécurité qui les confient souvent à des mineurs ou des conducteurs sans formation. “Un homme en tenue qui achète une moto peut la donner à son enfant, même mineur, pour aller chercher de quoi manger après l’école”, explique un responsable du ministère des Transports.
Les tentatives de régulation se heurtent à ce système bien établi. “Chaque année, nous formons un millier de conducteurs, mais 3000 nouveaux arrivent sur le marché”, admet le directeur des transports. Les arrêtés ministériels qui imposent le port du casque et limitent le nombre de passagers restent lettre morte.
Un drame humain quotidien à Bangui
Les conséquences sont dramatiques à Bangui par exemple. “Les victimes meurent toutes de traumatisme crânien”, souligne le professeur Tekpa. Les femmes perchées sur les chargements sont particulièrement vulnérables. En cas d’accident, elles atterrissent sur la tête, avec des blessures souvent fatales.
Antoinette Montaigne, ancienne ministre de la Communication, pointe un autre aspect du drame : “Les femmes dont on parle, qui sont obligées d’être perchées au-dessus de leurs feuilles de manioc, c’est leur seul moyen de survie avec leurs enfants. Si on les empêche, elles vont mourir de faim“.
Le ministère des Transports de son côté promet une nouvelle stratégie nationale de sécurité routière, avec la création d’une agence spécialisée. Mais sans une véritable volonté politique d’affronter le problème des propriétaires en uniforme, la situation risque de perdurer.
Les routes défoncées de la capitale Bangui aggravent encore la situation. “Quand vous quittez le PK-9 pour entrer à Pétévo, vous tombez dans des fossés tellement profonds que les petites voitures restent coincées”, témoigne Antoinette Montaigne. Cette dégradation des infrastructures rend impossible le respect du code de la route, même pour les conducteurs les plus prudents.
Karl Blagué, coordinateur des organisations de la société civile, résume l’ampleur du désastre : “De 2012 à 2024, ça fait douze ans que nous vivons cette situation. Le problème des taxis-motos est passé d’une solution conjoncturelle au chômage à un problème structurel profond“. En attendant une hypothétique solution, les morgues de Bangui continuent de se remplir.
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