Les autorités affirment avoir arrêté des “étrangers” qui voulaient destabiliser le pays. L’opposition et les défenseurs des droits humains affirment qu’il s’agit de Négro-Mauritaniens et parlent de “racisme”.
Au moins une centaine de personnes ont été arrêtées depuis le début de la semaine en marge des manifestations qui se sont tenues à travers la Mauritanie. Les autorités affirment qu’il s’agit surtout d'”étrangers” qui se seraient associés à la contestation des résultats du premier tour de la présidentielle.
L’opposition et les défenseurs des droits de l’Homme accusent le pouvoir de racisme anti-noir.
Sénégal, Gambie, Mali
Les ambassadeurs du Sénégal, de la Gambie et du Mali ont été convoqués au ministère des Affaires étrangères. Les diplomates doivent appeler leurs ressortissants à ne pas “participer aux manifestations et à tout ce qui perturbe l’ordre public en Mauritanie”.
Le ministre de l’Intérieur dénonce une « main étrangère » qui attiserait les tensions entre communautés selon un “plan de déstabilisation”.
Mais l’opposition dénonce une répression brutale.
Violations des droits de l’Homme
Mamadou Aly Dia est coordinateur de la Coalition Vivre ensemble, du candidat Baba Hamidou Kane (crédité de 8,71% au premier tour), dans la région de Gorgol, frontalière avec le Sénégal. Il évoque des rafles, des incarcérations et même des cas de “torture”.
Selon lui, “il n’y a eu aucun étranger qui soit descendu sur le terrain. Ce sont des Mauritaniens, des Négro-Africains, victimes de cette injustice [électorale] qui sont venus pour réclamer leurs droits. Les gens ont été intimidés avant les élections, pendant les élections, et même après les élections.”
Mamadou Aly Dia décrit aussi des pressions sur les fonctionnaires notamment, de la part des autorités.
De l’autre côté de la frontière avec le Mali, Seydou Jacques Traoré travaille pour l’Association malienne des expulsés (AME), à Nioro du Sahel.
Depuis dix ans, il prête assistance à de nombreuses personnes refoulées de Mauritanie.
“Il y a des Maliens et il y a aussi des Mauritaniens, des noirs qui sont en Mauritanie depuis très longtemps, des noirs mauritaniens qui sont des Peuls. Souvent, quand il y a des élections, pour [que le pouvoir ait] beaucoup de voix, les noirs sont expulsés vers le Sénégal et le Mali parce que ça permet d’éviter qu’ils ne votent. Ces gens arrivent les mains vides. Ils sont expulsés, souvent menottés ou enchaînés jusqu’à la frontière mauritanienne. Une fois à la frontière, on leur demande de descendre du bus ou du camion et ils sont livrés à leur sort, ils ne sont pas remis aux autorités maliennes.”
Pour l’instant, toute manifestation est interdite sur le territoire mauritanien. L’opposition n’a pas encore précisé quand elle comptait appeler à une nouvelle mobilisation.
Dans la capitale, Nouakchott, des militaires en armes et des policiers ont été déployés aux abords des bâtiments officiels.
Cet après-midi, l’accès à internet était toujours coupé.
Par Sandrine Blanchard
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