Séquestré, frappé, racketté : le calvaire d’un chauffeur aux mains de la police de Gamboula

Rédigé le 22 décembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Un homme s’arrête devant un hôpital, des agents de la police l’embarquent sans explication et le tabassent au commissariat de Gamboula. Les faits datent du 13 décembre. La police est-elle devenue une bande criminelle qui enferme et rançonne les citoyens au lieu de les protéger?
Le dossier que notre rédaction a pu consulter au parquet de Gamboula raconte une histoire glaçante. Ahmadou Narke, chauffeur domicilié à Berberati, patientait devant l’hôpital suédois ce soir du 13 décembre quand deux agents en uniforme se sont approchés de lui. Pas de convocation écrite, pas d’ordre de mission, pas la moindre explication. Ils lui ont simplement ordonné de les suivre au poste.
Le chauffeur, dans sa plainte que la rédaction du CNC a pu consulter, explique qu’il a accepté de les accompagner par respect, pensant qu’on allait lui expliquer la raison de cette interpellation. Il ne pouvait pas imaginer ce qui l’attendait derrière les murs du commissariat. Arrivé sur place, le commissaire par intérim l’a fait enfermer immédiatement, sans procédure, sans notification, sans témoin.
Puis les insultes ont commencé. Le plaignant rapporte qu’on l’a traité de Camerounais clandestin, une accusation destinée à le rabaisser et à justifier le traitement qu’on s’apprêtait à lui infliger. Les mots ont vite laissé place aux mains. Des gifles d’abord, puis des coups répétés à la tête et autour de l’oreille gauche. Le chauffeur écrit qu’il a encaissé sans comprendre ce qu’on lui reprochait vraiment.
Le certificat médical signé par le docteur Caleb Koyambenguia, que notre rédaction a également consulté, confirme ces violences. Daté du 15 décembre, soit deux jours après les faits, le document mentionne des traumatismes crâniens, des douleurs auriculaires persistantes et des traces visibles sur le corps. Le praticien a prescrit une incapacité temporaire de cinq jours, preuve que les coups n’étaient pas léger.
Mais l’histoire ne s’arrête pas aux violences physiques. Après l’avoir frappé, le commissaire intérimaire lui a réclamé de l’argent. Dans sa plainte, le plaignant mentionne une somme de 200 000 francs CFA comme prix de sa libération. Pas de procès-verbal, pas d’infraction consignée, juste une demande d’argent lancée entre quatre murs. Le commissariat s’est transformé en lieu de transaction criminelle, où l’uniforme sert à intimider et la cellule à négocier.
Le calvaire du chauffeur aurait pu durer plus longtemps sans l’intervention d’un parlementaire de Gamboula. Un simple appel téléphonique de cet élu a suffi pour que tout cesse. Les violences se sont arrêtées net, et le chauffeur a été libéré dans la foulée. Cette intervention montre comment fonctionne ce commissariat : on obéit aux puissants, on écrase les anonymes, et on rançonne ceux qui n’ont personne pour les défendre.
Un enquêteur aurait même accusé le chauffeur de détenir de la drogue, sans preuve, sans fouille en règle, uniquement pour ajouter une pression supplémentaire. Ahmadou Narke écrit dans sa plainte qu’il a accepté ces accusations « avec dignité », autrement dit qu’il a encaissé les offenses pour sortir vivant de cet endroit. Il précise qu’il souffrait encore au moment de rédiger sa requête, plusieurs jours après les faits.
Rien dans ce dossier ne correspond à une procédure normale. Pas de notification légale remise au suspect, pas de témoin indépendant présent lors de l’interpellation, pas de procès-verbal d’audition, aucune infraction précise mentionnée dans les documents. Juste des cris, des coups, des insultes et une demande d’argent. Le chauffeur a été traité comme une marchandise, un portefeuille sur deux jambes qu’on peut presser jusqu’à ce qu’il crache des billets.
Le plaignant se retrouve contraint de préciser dans sa lettre au procureur qu’il n’est ni dealer ni fauteur de troubles ni immigré illégal, comme si ces accusations suffisaient à légitimer une détention hors la loi et des passages à tabac. Il travaillait tranquillement au volant, il attendait devant un hôpital, puis deux agents sont venus le chercher sans raison apparente. Transporté au commissariat, il a subi des humiliations, des coups et une tentative d’extorsion en bonne et due forme.
Gamboula se trouve en zone frontalière, un endroit où les contrôles se multiplient et où les circuits migratoires se croisent avec les arrangements financiers. Un chauffeur peut y devenir une cible facile, surtout s’il n’a pas de réseau pour le protéger. L’uniforme policier, censé garantir la sécurité, devient ici un instrument de pression et de racket. Les agents ne demandent plus de papiers pour vérifier une situation, ils demandent de l’argent pour libérer une personne.
Le certificat médical reste la seule pièce objective du dossier. Il confirme que le plaignant a bien reçu des coups à la tête et à l’oreille gauche, qu’il souffre encore plusieurs jours après et qu’un médecin a jugé nécessaire de lui prescrire une incapacité de cinq jours. Le reste repose sur la parole du chauffeur contre celle d’agents qui ne se sont pas encore exprimés publiquement et qui n’ont laissé aucune trace écrite de leurs actes.
La plainte a été déposée au parquet de Gamboula. Aucune information ne circule sur l’avancement du dossier ni sur d’éventuelles auditions des agents mis en cause. Le commissaire intérimaire visé par les accusations n’a donné aucune version des faits. Les deux agents qui ont procédé à l’interpellation ne sont pas identifiés dans les documents que notre rédaction a consultés. Aucune enquête administrative interne n’a été mentionnée, aucune mesure disciplinaire annoncée, aucun responsable hiérarchique cité pour rendre des comptes.
Ahmadou Narke demande dans sa requête que justice soit rendue. Il veut que les responsables soient identifiés et que des sanctions soient prises. Il insiste sur les séquelles physiques qu’il porte encore et sur l’humiliation qu’il a subie. Il termine sa lettre en suppliant le procureur de faire en sorte que la loi soit appliquée, que les coupables répondent de leurs actes et que ce genre de scène ne se reproduise plus.
Pour l’instant, le silence administratif perdure. Le dossier dort quelque part entre le parquet et les bureaux de la hiérarchie policière. Le chauffeur attend qu’on entende sa version et qu’on examine les preuves médicales. Il espère que son certificat médical et sa plainte suffiront à déclencher une véritable enquête. Il ne sait pas combien de temps il devra patienter avant qu’on lui réponde, ni si on lui répondra un jour
Par Ghislain Korombolo
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