Kwa ti kodro de Touadera : le grand gaspillage qui engloutit les millions
Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.
Le spectacle se répète chaque samedi matin dans les rues de Bangui. Des tractopelles et camions sillonnent la capitale, accompagnés de centaines de personnes en gilets multicolores scandant des slogans sur la propreté. L’opération Kwa ti kodro, initiative présidentielle censée assainir la ville, avale des millions de francs CFA par semaine. Pourtant, dès la fin de l’opération, la capitale retrouve invariablement son triste visage : ordures débordantes, caniveaux engorgés, rues nauséabondes.
Kwa ti kodro , un système coûteux et inefficace
Au marché central de Bangui, Madeleine, vendeuse de légumes depuis 20 ans, ne cache plus son exaspération sur cette opération de Kwa ti kodro : “Ils viennent faire leur cinéma chaque weekend. Ils ramassent trois sacs d’ordures, prennent des photos et repartent. Quelques heures plus tard, tout est à recommencer. Cet argent pourrait servir à acheter de vraies bennes à ordures pour la mairie “.
Dans les bureaux du ministère des finances, les chiffres du budget de Kwa ti kodro donnent le vertige. Un fonctionnaire, sous couvert d’anonymat, détaille : “Chaque semaine, c’est au minimum 15 millions de francs CFA qui partent en fumée dans l’opération Kwa ti kodro. Location d’engins : 5 millions. Carburant : 3 millions. Indemnités diverses : 7 millions. Sans compter les frais ‘administratifs’ dont personne ne voit la trace“.
La mascarade des associations de Kwa ti kodro
L’argent coule à flots vers une constellation d’associations aux noms ronflants derrière cette opération Kwa ti kodro. Le ministre de l’Administration du territoire, Bruno Yapandé, coordinateur de l’opération Kwa ti kodro, publie des communiqués interminables listant plus de cinquante associations mobilisées. Un responsable associatif confie, amer : “On nous appelle la veille pour défiler avec nos t-shirts. On touche 2000 francs, les chefs se partagent le reste. C’est devenu une entreprise familiale. La moitié des associations citées n’existe même pas“.
L’échec sanitaire de Kwa ti kodro
À l’hôpital communautaire de Bangui, le Dr Pascal soigne chaque jour les victimes de cette incurie : “Les cas de typhoïde explosent. Les enfants jouent dans les eaux stagnantes pleines de déchets. C’est une bombe sanitaire“. En 2023, son service a traité 30% de cas de maladies hydriques de plus qu’en 2022.
Le président face à l’évidence
Le constat d’échec est tel que le Président Baba Kongoboro lui-même ne peut plus le nier. En visite aux alentours du lycée Ben Rachid, situé sur l’avenue des Martyrs non loin de l’université de Bangui, il a dû admettre l’évidence devant les tas d’ordures : “Ce n’est pas encore ça, nous devons continuer“. Une litote qui masque mal la faillite de son opération phare.
Plus spectaculaire encore, le Président affirme que “dans l’arrière-pays, dans les grandes villes, dans les villes de province, les responsables, les autorités locales s’y mettent et font du bon travail dans l’opération Kwa ti kodro “. Une déclaration qui fait sourire à Boali, à 95 km de Bangui, où aucune action concrète n’a été menée. Même constat à Bossembélé, Bouar, ou Bambari : l’opération Kwa ti kodro reste une fiction administrative qui ne dépasse pas les frontières de la capitale Bangui.
Devant cet échec de l’opération Kwa ti kodro , Baba Kongoboro menace désormais de “sévir et donner des amendes” aux riverains. Une fuite en avant qui fait dire à Jean-Marc, commerçant au marché Sica 2 : “Au lieu d’avouer leur incompétence, ils veulent nous faire payer pour leur échec. C’est le monde à l’envers“.
Un gaspillage organisé
Un expert centrafricain en gestion urbaine a fait les calculs : “Avec l’argent englouti depuis le début de l’opération Kwa ti kodro, la ville aurait pu acheter 20 camions-bennes neufs, construire 3 centres de tri et former 100 agents qualifiés. Au lieu de ça, on jette l’argent dans des opérations coup de poing sans lendemain“.
Dans le quartier Gobongo , François, chef de quartier, ne décolère pas : “Nos jeunes veulent travailler, créer un vrai service de ramassage. Mais on préfère donner l’argent aux copains et aux cousins. Pendant ce temps, nos enfants tombent malades“.
La mairie dépossédée
La mairie de Bangui, censée superviser la propreté urbaine, a été dépossédée de ses prérogatives au profit du ministère de l’Administration territoriale. Un ancien cadre municipal témoigne : “Avant, nous avions un service technique qui connaissait son travail. Maintenant, tout passe par les réseaux politiques“.
Les communiqués du ministère continuent de vanter une mobilisation massive, citant pêle-mêle des dizaines d’associations : “Kiné-Kiné”, “Kolyo-Origala”, “Les patriotes ATS”, et tant d’autres dont personne n’a jamais vu les membres. Un système opaque qui permet de justifier des décaissements hebdomadaires sans contrôle réel.
Pendant ce temps, au marché Kéténguéré , Michel Ramada, un des responsables de l’opération, avoue lui-même les limites de l’action : “Nous avons beaucoup de difficultés… Ce matin en travaillant nous avons vu qu’on a déposé des cadavres de chiens là où on devrait déblayer, ce qui a limité vraiment notre circonférence de travail“.
Bangui continue de suffoquer sous ses déchets pendant que les millions s’évaporent dans cette mascarade hebdomadaire. Les habitants attendent toujours une vraie politique d’assainissement, mais l’argent public se perd dans les égouts de la mauvaise gestion, entre incompétence et détournements organisés. L’opération Kwa ti kodro apparaît désormais pour ce qu’elle est : un gouffre financier qui enrichit quelques-uns pendant que la capitale s’enfonce chaque jour davantage dans l’insalubrité.
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