Le chercheur Paul-Simon Handy, de l’ISS Pretoria, préconise une lutte plus ferme contre les groupes armés en Centrafrique.
“ Sortir de l’impasse politico-sécuritaire en République centrafricaine ” : c’est le titre d’une note d’analyse publiée par l’Institut d’études de sécurité. La note en question propose des options de sortie de crise pour le gouvernement en RCA et l’ensemble de la communauté internationale. Il est question des actions prioritaires à mener en Centrafrique afin de s’assurer que les ressources financières injectées soient utilisées pour sortir durablement le pays de la crise. Paul-Simon Handy est l’un des rédacteurs de la note d’analyse.
Paul-Simon Handy, conseiller régional principal à l’Institut d’études de sécurité insiste par ailleurs sur l’importance du rôle des pays de la sous-région dans la résolution du conflit centrafricain. Il répond aux questions de Carole Assignon.
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Interview avec Paul-Simon Handy Conseiller régional principal à l’Institut d’études de sécurité sur la crise sécuritaire en Centrafrique et les propositions de sortie de crise
Vous présentez des propositions de sortie de crise cela tant à l’endroit du gouvernement que de l’ensemble de la communauté internationale. Pourquoi cette démarche maintenant ?
La démarche a été dictée par deux choses. D’abord la tenue des élections groupées de fin décembre 2020 et le regain de tension qui s’en est suivi. On peut ajouter une troisième dimension qui est aussi la réaction de la communauté internationale. Ce ensemble de chose nous a fait penser qu’il était temps peut-être que la communauté internationale revoie son approche, son engagement en RCA pour éviter que dans cinq ans, lorsque les prochaines élections groupées se tiendront, que nous soyons dans la même situation.
Dans tout les cas en RCA l’instabilité persiste, les autorités dénoncent notamment l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies, depuis 2013. L’embargo a été allégé mais vous dites dans votre document qu’il n’a jamais empêché les autorités centrafricaines d’obtenir des dérogations pour armer les FACA (forces armés centrafricaines), pourquoi ?
L’embargo c’est un très bon bouc émissaire. Cela dénote deux choses : d’abord que le gouvernement a une approche militariste de la crise et de ses solutions et puis deuxièmement cela suggère qu’il suffirait de donner plus d’équipement létaux aux militaires pour que la crise soit résolue, c’est un deuxième leurre. On l’a vu avec les attaques de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), la nouvelle coalition des rebelles, lorsque en décembre ils ont commencé leurs campagne, les FACA, qui étaient armés, beaucoup ont déserté.
Ce qu’il faudrait c’est restructurer, réformer ce secteur de la sécurité en Centrafrique ?
Au-delà des formations qui sont nécessaires, ce qu’il faudrait en RCA c’est aussi réformer la gouvernance, particulièrement dans le secteur de la défense, la chaîne d’approvisionnement pour éviter la corruption.
L’accord de Khartoum, c’est un accord caduc vu le contexte actuel en RCA ?
L’accord de paix a le mérite d’avoir été signé, il faut dépasser ce cadre maintenant. Asseoir un autre cadre de discussion qui part naturellement de l’accord de Khartoum pour s’accorder sur certains principes mais aussi être très ferme sur le fait de sanctionner ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements.
Pour arriver à la paix en Centrafrique, il y a eu plusieurs accords qui ont été signés, vous recommandez de relancer ce nouveau cadre de médiation… est-ce que cela ne risque pas d’aboutir sur un accord de plus qui ne sera pas appliqué sur le terrain ?
Justement pour éviter cela, il faudrait le rendre plus inclusif. Une autre solution que nous recommandons dans le papier, c’est la réconciliation nationale. Si les politiques sont unis, les groupes armés auront un bloc beaucoup plus fort en face d’eux et si en plus on arrive à donner du muscle aux interventions militaires, les groupes armés n’auraient pas d’autre choix que de respecter leurs engagements.
Dans le contexte actuel, le président Touadera a été élu par une frange très réduite de la population, il y a un problème de légitimité qui se pose. Est-ce qu’il a la marge de manœuvre nécessaire pour arriver à ce dialogue notamment avec l’opposition qui conteste sa réélection ?
Pour résoudre ce problème de légitimité, il faudrait peut-être se rapprocher, tendre la main aux autres acteurs, particulièrement aux acteurs politiques de manière à constituer un front unis. Cela passe par certaines concessions de la part du gouvernement de manière à pouvoir ramener les groupes armés autour d’une table de négociation en mettant un peu plus de pression militaire sur eux.
Vous préconisez la mise en place d’un dispositif militaire autre que la Minusca pourquoi?
Pour qui connait les missions de paix de l’Onu, elles sont soumises à ce que l’on appelle les règles d’engagement qui restreignent un peu leur champ et liberté d’action. Il faut du muscle, ce muscle il doit être encadré par l’Onu mais il doit être en dehors du déploiement de la force même de l’Onu. Il doit pouvoir avoir des prérogatives beaucoup plus élargies comme on a vu à un certain moment, toute proportion gardée, en RDC, avec la brigade d’intervention qui a eu raison du M23 de Laurent Nkounda.
Alain Nzilo
Directeur de publications
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