CENTRAFRIQUE : LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE EST-IL MENACÉ ?
DEUX SOLDATS TCHADIENS ARMES FRANCHISSENT ILLÉGALEMENT LA FRONTIÈRE A PAOUA
Comment deux soldats armés du dictateur tchadien peuvent-ils violer une frontière sans y être autorisés ? Cette nouvelle intrusion d’Idriss Deby en Centrafrique interpelle. Après leur arrestation par les Forces Armées Centrafricaines (FACAS), les deux soldats ont fait une déclaration pour le moins incongrue, indiquant qu’ils auraient franchi la frontière centrafricaine « pour rapatrier nos compatriotes qui sont encore sur le sol centrafricain… » Comment deux soldats pourraient-ils procéder au rapatriement des milliers de leurs compatriotes qui vivent en Centrafrique depuis des lustres ? De qui se moque-t-on ? Ces deux pieds nickelés de l’armée tchadienne ne seraient-ils pas plutôt en mission, en vue de déstabiliser le régime du président Touadera ?
Dans ces circonstances tendues, le voyage du ministre français des Affaires Étrangères à Ndjamena pour y rencontrer le dictateur tchadien, les agitations d’Emmanuel Macron et d’Idriss Deby pour forcer le chef de l’État centrafricain à quitter le pouvoir, confortent les pires soupçons. Tout indique que les présidents français et tchadien ont décidé d’imposer leur paix impérialiste aux Centrafricains, quitte à menacer leur président, élu légitime d’un pays souverain, membre de l’ONU.
UNE NOUVELLE PROVOCATION D’IDRISS DEBY ?
Les deux soldats sont peut-être des agents fomenteurs de troubles ou des appuis pour les ex-Sélékas dans leur besogne de partition. Le sud du Tchad, frontière avec la République Centrafricaine, fourmille, on le sait, de mercenaires tchadiens qui ont pour mission de déstabiliser la Centrafrique et de mettre en difficulté le président Touadera. Ces manœuvres grossières qui surgissent de partout, sont autant de gestes inamicaux qui vont accentuer la mésentente entre les autorités centrafricaines, françaises et tchadiennes.
Si Emmanuel Macron et Idriss Deby persistent dans leur manipulation des ex-Sélékas en leur promettant l’impunité, le partage du pouvoir et la partition, si la tête de Touadera est mise à prix comme cela semble se confirmer, on peut considérer qu’il s’agit d’une immense provocation à l’égard des Centrafricains.
Le temps des opérations BARRACUDA et autres interventions militaires de la France en Centrafrique pour fabriquer des rois corrompus est pourtant révolu. Le président Macron n’avait-il pas déclaré qu’il fallait une autre politique africaine ? Or, ce à quoi nous assistons rappelle furieusement les moments fastueux de la Françafrique. La déclaration du Premier ministre, Simplice Sarandji, nous semble inacceptable : « Le Tchad est un pays frère, nous vivons en parfaite harmonie avec nos frères tchadiens. Nous demandons au président Idriss Déby Itno de refuser que son territoire soit utilisé pour nous déstabiliser. Nous avons à ce sujet beaucoup d’informations venant du Tchad mais nous comptons sur la bonne foi du président Déby pour faire arrêter ces terroristes qui utilisent le sol tchadien… »
Monsieur le Premier Ministre, devons-nous prendre ceci pour de l’humour ? Oui, les peuples tchadien et centrafricain sont frères depuis toujours. Mais un président qui sème la zizanie entre ces deux peuples, qui passe son temps à armer des mercenaires pour déstabiliser le pays voisin, n’éprouve rien de fraternel. Inutile de demander aux Centrafricains ce qu’ils pensent de sa bonne foi. N’est-il pas, en ce moment, en train d’ourdir avec le président français de funestes plans pour abréger le quinquennat de Touadera ?
DU PAIN BÉNI POUR LES RUSSES
Ceux qui veulent punir le président centrafricain d’avoir fait appel aux Russes pour l’aider à combattre les bandes armées qui occupent son pays, ceux qui veulent soumettre la République Centrafricaine à leurs désidératas, risquent d’obtenir les effets contraires. Par patriotisme, le peuple va se rassembler derrière ses dirigeants, pour se dresser contre ce qui ressemble à une négation de leur souveraineté.
Face à l’embargo injuste sur les armes à destination de la République Centrafricaine, décrété par l’ONU à l’initiative de la France, face aux échecs répétés des forces internationales pour ramener la paix et protéger les populations, le président Touadera n’avait d’autre choix que celui de faire appel aux Russes, seul moyen de renforcer les capacités offensives des FACAS. C’est du pain béni pour l’influence russe au cœur du continent noir.
Les pays qui se disent amis de la République Centrafricaine devraient se joindre aux Russes pour désarmer les criminels qui ont le sang des Centrafricains sur les mains et empêcher sa partition. Pays souverain, elle a le droit de conclure des accords de défense avec qui elle veut, sans pour autant renier ses anciennes amitiés.
PS : Le Potentiel, journal en ligne centrafricain, donne, en date du mercredi 15 août, cette information inquiétante : « une colonne des Forces Armées Tchadiennes se dirige vers à la frontière entre le Tchad et la République Centrafricaine. D’après les mêmes sources, ces éléments ont quitté précipitamment la capitale Ndjamena le mardi 14 août pour se rendre dans la localité de Moundou, au sud du Tchad, proche de la frontière centrafricaine. Cette colonne est lourdement armée, avec des chars chenilles, des automitrailleuses légères, des armes lourdes et une centaine de véhicules militaires… » Si ces informations s’avéraient, nous serions peut-être en face des préparatifs d’une agression de la RCA. Il pourrait aussi s’agir de renforts destinés aux ex-Sélékas. Car on se demande quelle menace pour le Tchad aux frontières nord et nord-est de la République Centrafricaine exigerait le regroupement d’une telle armada. Pour l’instant, si menace il y a, elle viendrait plutôt du Tibesti : les forces de Déby viennent de subir un revers sévère à la frontière libyenne, infligé par des rebelles tchadiens.
Les autorités centrafricaines doivent demander des explications aux autorités de N’Djamena sur le comportement hostile de leurs ressortissants envers le pays des Bantous.
Par : JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI
(21 août 2018)