CENTRAFRIQUE : LETTRE OUVERTE AUX MÉDIAS OCCIDENTAUX
OBJET : MORT D’UNE NATION
La République Centrafricaine, ancienne colonie française, est menacée de dislocation dans une indifférence quasi-générale. A de rares exceptions près, la presse occidentale, à propos du chaos centrafricain, garde un silence qui laisse pantois. C’est surtout le désintérêt de la France qui interpelle, à l’endroit d’un pays qui a largement contribué, par ses richesses naturelles, à l’essor industriel de l’ancienne puissance coloniale et qui partage sa langue : le français.
La République Centrafricaine est en effet le symbole de la Françafrique. Depuis son indépendance fictive en 1960, c’est la France qui fait et défait les rois, en fomentant des coups d’état pour porter au pouvoir des présidents incompétents, mais efficaces chiens de garde de ses intérêts. Des dirigeants corrompus ont ainsi toujours confondu les deniers de l’État avec leur cassette personnelle, laissant leur peuple croupir dans une pauvreté crasse et leur pays survivre grâce à l’aumône internationale, alors qu’il dispose d’énormes richesses en ressources naturelles.
Ces dirigeants, dont la France a favorisé l’accession au pouvoir par ses interventions militaires, ont institué une scandaleuse gouvernance, mélange de népotisme, de tribalisme, de régionalisme, de dictature et d’injustice sociale. En outre, ces marionnettes se sont mises au service de prédateurs étrangers, tel le voisin tchadien, le redoutable Idriss Déby Itno. La mauvaise gouvernance à l’intérieur et les interventions venues de l’extérieur ont fait plonger le pays dans un chaos sanglant. La descente aux enfers de la République centrafricaine est corollaire de cette mainmise de l’étranger et de cette mauvaise gouvernance endémique qui sévit sur la terre des Bantous depuis maintenant soixante ans.
La population, quant à elle, paie un lourd tribut aux violences indicibles des bandes armées. Rien que pour l’année 2017, on a pu dénombrer près de 5 000 morts. Un million de personnes environ ont dû trouver refuge dans des forêts hostiles. Combien sont mortes à cause d’innombrables infections chroniques et de malnutrition, avec un système sanitaire à la renverse et des hôpitaux devenus des mouroirs ? Quel avenir pour tous les enfants en errance désormais orphelins ?
Les massacres sont quasi quotidiens, avec leurs lots de désolation. Et combien de disparus ? On soupçonne des charniers sous des monticules de terre, dans les broussailles. Les derniers massacres de population ont eu lieu au nord-ouest du pays, à Paoua, devenue ville martyre. Depuis le 27 décembre, deux groupes armés s’affrontent dans des combats sans pitié. Les premières victimes sont évidemment les habitants désarmés, oubliés d’un pouvoir incapable de protéger ses citoyens : 13 000 maisons incendiées, 30 000 habitants des villages environnants venus se réfugier dans la ville engorgée pour fuir la zone des affrontements…
Sur ces événements sanglants : pas une brève dans la presse écrite occidentale, pas un écho à la radio, pas une image sur les chaînes de télévision, alors qu’il s’agit d’un drame aux relents pré-génocidaires, d’un crime contre l’humanité.
Il est grand temps de briser le mur du silence et d’informer sur le drame apocalyptique qui se joue en République Centrafricaine. Il faut que l’opinion internationale soit informée de ces massacres qui sont autant des crimes de guerre que des crimes contre l’humanité.
C’est de l’avenir d’un pays souverain, membre de l’ONU, qu’il s’agit. C’est une portion de l’humanité qui est menacée de disparition.
Chers médias occidentaux, ne regardez plus ailleurs. Contribuez à éteindre l’incendie qui a embrasé la savane centrafricaine par vos plumes, vos micros et vos caméras. Et faites renaître l’espoir !
Cordialement.
JOSEPH AKOUISSONNE
JOURNALISTE FRANCO-CENTRAFRICAIN