Sénégal: les étudiants centrafricains appellent les autorités de Bangui à la rescousse
Dakar 29 novembre 2017, CNC.
Par Eric NGABA
Interview : Ils sont environ six milles citoyens centrafricains dont trois milles étudiants qui vivent au Sénégal pour des raisons d’études pour certains et personnelles pour d’autres. Dans des conditions d’études et de vie difficiles, les étudiants centrafricains en particulier appellent les autorités du Bangui à leur secours. L’absence de la représentation diplomatique centrafricaine au Sénégal, le maigre taux d’octroi de bourses aux Etudiants centrafricains au Sénégal (29 sur 3 milles étudiants sont bénéficiaires de bourses), sourde d’oreille des autorités de Bangui sur leur situation sont entre autres autant de questions abordées dans cette interview réalisée depuis Dakar par notre rédaction depuis le Sénégal avec le Secrétaire Général de l’Union des Élèves Étudiants et Stagiaires Centrafricains au Sénégal (UECAS), Grégory Cédric Yoroto.
Corbeau News Centrafrique (CNC) : Que peut-on savoir de la situation des étudiants centrafricains au Sénégal ?
Grégory Cédric Yoroto (GCY) : L’Amicale des Elèves, Etudiants et Stagiaires centrafricains au Sénégal (UECAS). En ce qui concerne la situation des étudiants centrafricains au Sénégal, AECAS a pu récemment, organiser une compagne de recensement au cours de laquelle nous avons dénombré 3000 étudiants, élèves et stagiaires centrafricains vivant sur le territoire sénégalais.
Quant aux conditions d’études des étudiants que je viens de citer, seulement 29 parmi les 3000 étudiants qui sont détenteurs de bourses d’études octroyées par l’Etat centrafricain. Cela ne fait même pas 1% de l’effectif total. C’est ce qui explique toutes les difficultés des étudiants, car pour le reste des étudiants, ce sont les parents qui subventionnent leurs études.
Comme vous le savez, la vie au Sénégal est très difficile. Les loyers coûtent extrêmement chers, la santé entre autre. En plus de cela, nous n’avons aucune représentation diplomatique et consulaire. Ce qui fait que quand il y a des difficultés, nous nous sentons abandonnés à nous-mêmes. Très souvent, ce n’est que l’AECAS qui, au regard de ses missions et de ses attributions dans la limite de ses moyens, se voit dans l’obligation de secourir les compatriotes en difficulté.
CNC: Comment fonctionne l’UECAS ?
Nous sommes une association qui est reconnue par l’Etat sénégalais, ce qui explique la fiabilité aussi de la collaboration avec les autorités et la population. Je pense que n’importe quel Centrafricain qui arrive au Sénégal, l’UECAS qui existe depuis 30 ans, est la première instance à laquelle les autorités sénégalaises font appel quand il s’agit d’un Centrafricain tout cours pour ne pas parler seulement d’un étudiant, à défaut de l’absence de l’ambassade ou de consulat ou de l’inexistence de l’ACAS Tongo, l’association qui gère toute la communauté centrafricaine au Sénégal.
Et l’UECAS n’a aucune subvention, tant du côté du gouvernement centrafricain que du gouvernement sénégalais. Ce ne sont que les cotisations sociales des étudiants membres qui nous permettent de fonctionner. C’est même difficile pour ces cotisations parce que ce que les parents envoient ne suffisent pas aux étudiants de couvrir leurs charges.
CNC: Quel est le niveau de la collaboration entre les étudiants centrafricains au Sénégal et les citoyens sénégalais ainsi que les autorités ?
Nous avons une parfaite collaboration avec la population sénégalaise. Le Sénégal est la terre de l’hospitalité, c’est la terre de la Teranga. Les Sénégalais nous acceptent. Je pense qu’au Sénégal, si tu n’es pas délinquant, tu es en règle avec l’administration, tu es tranquille. C’est une collaboration fraternelle qui existe entre nous.
CNC: Quand les Centrafricains finissent leurs études, ils cherchent à rentrer au pays, ou bien, ils envisagent d’intégrer la société sénégalaise ?
Il y a ceux-là qui finissent et rentrent automatiquement au pays pour pouvoir prêter main forte à l’Etat, et il y a ceux qui finissent et décident de chercher du travail au Sénégal, vue la situation du pays avec l’instabilité, le manque d’emploi ; et le faible niveau de rémunération. A défaut, ceux qui n’arrivent pas à se faire une place au Sénégal décident d’aller en Europe ou en Amérique. C’est ce que nous déplorons tous, car c’est une perte de compétences, et une fuite d’intellectuel. C’est une grosse perte pour l’Etat. Je pense que dans ce sens, il faut définir une véritable politique diplomatique et une sensibilisation de la part de nos autorités.
CNC: Est-ce que vous avez le soutien des autorités centrales de Bangui ?
Ça fait plus de 2 ans que je suis ici au Sénégal, mais aucune des autorités centrales de Bangui n’est venue et a décidé de rencontrer officiellement avec la communauté centrafricaine pour pouvoir échanger avec elle. Personne n’est venu prendre contact, échanger avec la communauté pour s’enquérir de la situation des citoyens centrafricains vivant sur le territoire sénégalais. Que ce soit les ministres qui viennent ici en mission, ou les cadres de la représentation diplomatique. C’est un fait majeur. C’est le minimum que nous demandons, que quelqu’un viennent prendre nos préoccupations pour les porter à la connaissance des hautes autorités du pays. Nous avons essayé d’envoyer des correspondances à la présidence, à la primature et à la présidence de l’assemblée nationale mais ces correspondances sont restées sans suite. Et nous disons que ça ne sert à rien d’écrire pour ne pas avoir des réponses.
CNC: Pour débloquer cette situation, quelles sont vos principaux souhaits ?
La première préoccupation de toute la communauté centrafricaine du Sénégal, c’est d’abord l’installation d’une représentation consulaire pour ne pas dire diplomatique qui puisse vraiment faire office de défenseur de droits et intérêts des citoyens centrafricains sur le territoire Sénégalais. Il y a 3000 étudiants centrafricains, et si on devrait élargir l’effectif à toute la communauté je pense qu’on aura un effectif d’environ 6000 citoyens centrafricains au Sénégal. C’est un effectif assez important qui explique que la diaspora centrafricaine du Sénégal est une diaspora imposante. Notre vœu le plus cher est qu’il y ait une représentation consulaire au Sénégal pour faire face à notre situation. Il y a parfois des situations difficiles que nous n’arrivons pas à résoudre parce qu’il faut à un certain moment, un certain lobby pour appuyer.
La deuxième préoccupation est qu’au moins, les autorités centrales de Bangui prêtent l’oreille aux préoccupations des citoyens centrafricains vivant au Sénégal, surtout les étudiants. Imaginez, sur 3000 étudiants, seulement 29 qui ont une bourse d’études. Là je pourrais dire qu’on ne prend aucunement en considération la situation des étudiants qui sont les cadres de demain.
Et aujourd’hui comment comprendre que des gens qui paient leurs études, par leurs parents puissent être redevables demain à l’Etat. Si la personne elle-même subventionne toute sa formation c’est-à-dire à la fin de ses études, elle ne pourra que satisfaire leur ambition ou celle de ses parents qui ont financé tes études.
Or, si c’est l’Etat qui subventionne, tu as une dette envers l’Etat. Mais je pense que par patriotisme, nous avons toujours ce besoin d’aller prêter main forte au pays, mais il faut que les autorités prêtent attention à nous et je pense qu’ils le veuillent ou non, nous serons leurs remplaçants. C’est pourquoi ils doivent nous prendre en considération.
La dernière préoccupation est que si notre représentation diplomatique ne peut pas être installée et si les quotas de bourses ne peuvent pas être dans l’immédiat rehaussés, il faudrait qu’ils viennent nous écouter et comprendre nos préoccupations pour témoigner leur bonne foi. C’est tout ce que nous leur demandons. Bien évidemment l’UECAS qui se bat pour sauver l’honneur de la communauté centrafricaine au Sénégal, le gouvernement du moins les autorités centrafricaines doivent néanmoins octroyer une petite subvention pour soutenir cette association qui se bat avec ses maigres moyens, ça sera une bonne chose. Voilà notre cri de cœur.
CNC: Mettons un cap sur l’actualité, quelle est votre lecture de la situation en Centrafrique ?
C’est toujours alarmant de pouvoir suivre les nouvelles à apprendre qu’il y a eu des cas d’exactions par-ci, des cas de meurtres par-là, et parfois dans le grand silence de nos autorités et on peut dire également dans un silence complice. Pour nous qui sommes à l’étranger, cela nous met mal alaise, et c’est un des facteurs qui découragent et démotivent ceux qui veulent rentrer au pays. Quand, tu termines et que tu entends parler de meurtres, tu es démotivé de rentrer. Il faut que les autorités arrivent à ramener un minimum de sécurité dans le pays.
CNC: Nous vous remercions pour votre disponibilité.
C’est à nous de vous remercier pour cet effort que vous avez déployé pour venir à Dakar, nous rencontrer afin de porter nos préoccupations aux autorités centrales de Bangui.
Interview réalisée par Eric NGABA en mission à Dakar