À Bangui, la police taxe un salon de coiffure pour une télé : jusqu’où ira la folie ?

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À Bangui, la police taxe un salon de coiffure pour une télé : jusqu’où ira la folie ?

 

Activité commerciale au marché Gobongo . CopyrightCNC 

 

L’interieur du salon de coiffure que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d’un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant. CopyrightCNC

Un coiffé dans le salon de coiffure à Gobongo que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d'un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant
Un coiffé dans le salon de coiffure à Gobongo que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d’un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant. CopyrightCNC

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 À Gobongo, vers la sortie nord de la capitale, un coiffeur, qui dispose d’un salon de coiffure au bord de la route du 15 mars,  est sommé de payer 150 000 francs pour une télévision dans son salon. Une absurdité qui vise à étrangler les petits entrepreneurs centrafricains.

 

En effet, dans le quartier populaire de Gobongo, au quatrième arrondissement de Bangui, un coiffeur se retrouve au cœur d’une affaire aussi grotesque qu’injuste. Son tort ? Avoir installé une télévision dans son salon, Edel Coiffure, pour divertir ses clients en attente d’une coupe. Une pratique banale, presque universelle, qui transforme son salon en un lieu convivial où l’on discute, regarde les matchs, rit et échange. Mais pour les autorités policières, ce téléviseur n’est pas un simple outil de confort : c’est une “exploitation illégale de ciné-vidéo”. Résultat : une amende de 150 000 francs CFA, exigée sous 48 heures, sous la menace de sanctions supplémentaires. Cette histoire, révélée par une notification officielle datée du 5 mai 2023, expose une bureaucratie déconnectée, qui asphyxie les petits commerçants et ridiculise la Centrafrique.

L'interieur du salon de coiffure que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d'un bar/cave/restaurant au quartier Gobongo pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant
L’interieur du salon de coiffure que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d’un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant. CopyrightCNC

 

Une amende démesurée pour un téléviseur

 

Le document, signé par le Commissaire Divisionnaire de Police Dieudonné-Marius Damandji-Bella, Secrétaire Général du Comité Interministériel de Censure et de Surveillance des Films Cinématographiques, Ciné-Vidéo, Jeux de Loisirs et de Hasard, est d’une clarté glaçante. Le gérant d’Edel Coiffure doit payer 150 000 francs CFA pour avoir enfreint les articles 26 et 27 de l’Arrêté n°98 du 29 octobre 2018, qui régit l’exploitation des salles de cinéma et des activités similaires. En d’autres termes, poser une télévision sur un comptoir pour diffuser un match ou une émission équivaut, aux yeux de ce comité, à gérer une salle de projection clandestine. Le délai de 48 heures pour s’acquitter de cette somme colossale ajoute une pression insoutenable sur un petit commerçant, dont les revenus mensuels dépassent rarement les 40 000 francs CFA.

 

Cette amende n’est pas seulement disproportionnée, elle est absurde. Dans quel monde un téléviseur dans un salon de coiffure devient-il une salle de cinéma ? À Gobongo, comme partout à Bangui, les coiffeurs, tailleurs et petits commerçants utilisent des télévisions pour créer une ambiance accueillante. C’est une stratégie de survie dans un marché concurrentiel, où chaque client compte. En taxant cette initiative, les autorités ne punissent pas une infraction : elles criminalisent le bon sens.

 

Une réglementation floue, un prétexte à l’extorsion

 

Le texte de l’amende s’appuie sur un arrêté de 2018, censé réguler les salles de cinéma et les jeux de hasard. Mais comment un téléviseur branché dans un salon de coiffure tombe-t-il sous le coup de cette loi ? La réponse est simple : il n’y a pas de réponse. L’application de cet arrêté à un coiffeur est une interprétation abusive, un prétexte pour soutirer de l’argent à un entrepreneur vulnérable. Aucune précision n’est donnée sur ce qui constitue une “exploitation illégale de ciné-vidéo”. Diffuse-t-on des films payants ? Organise-t-on des projections publiques avec entrée payante ? Rien de tout cela. Le coiffeur offre simplement un divertissement gratuit à ses clients, comme le font des milliers de salons à travers l’Afrique et le monde.

 

Cette pratique rappelle des tactiques observées ailleurs sur le continent. Au Cameroun, des petits commerçants de Yaoundé ont dénoncé des amendes arbitraires imposées par des agents municipaux pour des motifs aussi vagues que “occupation illégale de l’espace public” ou “nuisance visuelle” à cause d’une enseigne trop colorée. En Ouganda, les vendeurs de rue de Kampala ont protesté contre des taxes imprévues sur des équipements comme des haut-parleurs, accusés de “perturber l’ordre public”. Ces exemples montrent comment des réglementations floues deviennent des outils d’extorsion, ciblant les plus faibles pour remplir les caisses – ou les poches – de fonctionnaires.

 

Un coup dur pour les héros du quotidien

 

À Gobongo, ce coiffeur n’est pas un délinquant. C’est un héros du quotidien, comme des milliers d’autres Centrafricains qui se battent pour gagner leur vie dans un pays tombé au fond du trou par les crises. Installer une télévision dans son salon de coiffure, c’est sa façon de se démarquer, d’attirer les clients, de faire vivre son quartier. En le taxant, les autorités ne se contentent pas de lui couper les ailes : elles envoient un message décourageant à tous les petits entrepreneurs. Si un téléviseur devient un crime, alors quoi d’autre ? La musique dans un bar ? Un ventilateur dans une boutique ? Cette logique absurde asphyxie l’initiative et tue l’espoir d’une relance économique.

 

Le contraste avec d’autres réalités est frappant. À quelques kilomètres de Gobongo, au quartier Castors, une vidéo récente montre la population et les forces de l’ordre collaborer pour arrêter deux voleurs en moto. Là-bas, la police est applaudie pour son intervention rapide. Mais à Gobongo, elle devient le bourreau d’un coiffeur honnête. Cette incohérence décrédibilise les institutions et alimente la méfiance des citoyens. Comment respecter une autorité qui protège d’un côté et opprime de l’autre ?

 

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Le salon de coiffure que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d'un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant
Le salon de coiffure que le commissaire divisionnaire de Police Dieudonné Marius DAMANDJI-BELLA qualifie d’un bar/cave/restaurant pour infliger une amande de 100 000 FCFA à son gérant. CopyrightCNC