mercredi, novembre 20, 2024
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Trois initiatives de paix en Afrique

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Trois initiatives de paix en Afrique

 

 

Le continent africain a connu des guerres, mais aussi des paix, qui ont pu être conquises par une volonté politique, comme entre l’Éthiopie et l’Érythrée, par la force des armes comme en Côte d’Ivoire ou encore par une médiation extérieure comme au Mozambique.

 

La paix par la force

 

En Côte d’Ivoire, les bombes françaises, appuyées par une mission de l’ONU, ont obligé Laurent Gbagbo à céder la présidence à son concurrent Alassane Ouattara.

Les armes peuvent faire taire un conflit et contribuer à la paix. C’est ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, en 2011, après presque une décennie de haines recuites et de règnes de petits chefs sur des territoires laissés à l’abandon par les autorités d’Abidjan. Tout commence en 2002 par un putsch qui fait perdre au président Laurent Gbagbo le contrôle du nord, au-dessus de Bouaké. Il accuse Alassane Ouattara d’être le « cerveau » de la rébellion. Il demande, en vain, à la France de l’aider à vaincre les rebelles.

La communauté internationale en appelle au verdict des urnes. Six fois, l’élection présidentielle est reportée. La tension monte dans le pays, jusqu’au second tour du vote, en novembre 2010, opposant Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara. Ce scrutin ne règle rien. Le 3 décembre, le pays se retrouve avec deux présidents : le Conseil constitutionnel proclame la victoire de Laurent Gbagbo et la commission électorale celle de son concurrent. L’ONU, la France et les États-Unis demandent à Laurent Gbagbo de s’incliner.

Il demeure au palais présidentiel, tandis qu’Alassane Ouattara se retranche à l’hôtel du Golf. Dans Abidjan, la peur s’installe. Les partisans du « candidat du nord » redoutent les rafles des « jeunes patriotes » de Laurent Gbagbo. La télévision relaie des appels aux règlements de compte. Le souvenir du génocide au Rwanda flotte dans les esprits. Le gouvernement ferme les frontières. Les travailleurs non ivoiriens originaires du Sahel fuient la capitale. Les combats feront 3 000 morts.

La France qui avait refusé son soutien à Laurent Gbagbo, quelques années plus tôt, estime cette fois que les armes seules éviteront un massacre en dénouant la crise au profit d’Alassane Ouattara.

À l’issue d’une bataille de dix jours dans la capitale, des bombardements de la force française Licorne et de l’appui de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), Alassane Ouattara parvient à s’installer au palais présidentiel.

Les armes se taisent, Laurent Gbagbo est arrêté, Alas- sane Ouattara est investi devant une vingtaine de chefs d’État africains et le président français Nicolas Sarkozy. Le pays retrouve un crédit international et les bailleurs de fonds internationaux ouvrent leurs bourses. Abidjan s’enrichit et pendant ce temps, la justice internationale s’intéresse à La Haye au rôle de Laurent Gbagbo, accusé de crimes contre l’humanité..

 

  • L’été dernier,

en Éthiopie, un nouveau premier ministre a tendu la main à son voisin érythréen qui vivait en état de siège. Depuis les signes de paix se multiplient.

Une volonté politique peut conduire à la paix. Elle nécessite des compromis, des gestes et un soutien populaire, nourri souvent par une bonne propagande. Dans la corne de l’Afrique, deux politiques semblent avoir décidé seuls de conclure la paix, à la surprise quasi générale. L’un, Issaias Afeworki, préside depuis 27 ans l’Érythrée, l’autre, Abiy Ahmed, âgé de 42 ans, vient d’arriver au pouvoir en Éthiopie et met fin à la mainmise du pouvoir par les Tigréens, une ethnie du nord qui s’était brouillée avec l’Érythrée.

En 1998, les deux voisins étaient entrés en guerre pour quelques centaines de kilomètres carrés de désert. En deux ans, 80 000 combattants trouveront la mort. Le conflit conduit des centaines de milliers d’Érythréens à fuir. Ils voulaient échapper à l’enrôlement à vie décidé par un dictateur obsédé par la présence de l’armée éthiopienne à sa frontière du sud.

Vingt ans plus tard, Abiy Ahmed, se dit soudain prêt à appliquer les conclusions d’un arbitrage international – rejeté jusque-là par l’Éthiopie – sur le tracé de la frontière. Tout s’accélère.

Quelques jours plus tard, une délégation érythréenne se rend en Éthiopie pour discuter de la paix. Le 8 juillet, une rencontre historique entre le premier ministre éthiopien et le président érythréen,inimaginable quelques semaines plus tôt, a lieu à Asmara, saluée par la foule, sans doute convoquée par le dictateur. Le lendemain, les deux dirigeants signent une déclaration commune mettant fin à l’état de guerre. Issaias Afeworki effectue une visite en Éthiopie au cours de laquelle l’ambassade de son pays à Addis-Abeba est rouverte. Un vol commercial relie Addis-Abeba à Asmara.

Des pays étrangers ont, sans doute, aidé les politiques à se décider à rendre les armes. Isaias Afwerki s’est rapproché depuis trois ans de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis les autorisant à utiliser le port d’Assab pour mener une autre guerre, celle du Yémen. Fin avril, le sous-secrétaire d’État américain en charge de l’Afrique a effectué la première visite d’un responsable américain en Érythrée depuis longtemps.

En septembre, l’Éthiopie et l’Érythrée ont signé en Arabie saoudite un accord consolidant leur réconciliation, en présence du secrétaire général de l’ONU. Antonio Guterres a estimé que les sanctions appliquées envers l’Érythrée pourraient ne plus être justifiées.

 

  • La paix par la médiation

 

Au Mozambique, la communauté de Sant’Egidio a réussi à mettre les belligérants autour d’une même table. Et à les convaincre de rendre les armes.

Convaincre des belligérants de faire la paix en se parlant autour d’une même table. C’est ce que s’applique à faire depuis 1968 la dizaine de membres du bureau international de Sant’Egidio. La paix au Mozambique, après seize années de guerre fratricide, a été la plus belle victoire de cette communauté chrétienne établie à Rome. Sa force est de ne posséder aucun « agenda caché », aucun intérêt « géostratégique » à défendre.

En 1992, après deux années d’efforts et onze rencontres organisées à Rome entre le pouvoir marxiste et la guérilla soutenue par le régime d’apartheid sud-africain, le président Joaquim Chissano et Afonso Dhlakama, le chef de la Renamo, ont décidé de rendre les armes.

Cette guerre civile avait fait un million de morts et contraints à l’exode deux millions de Mozambicains, sans parler des blessés, des mines et des destructions.

Tout avait commencé par l’envoi en 1984 de trois avions et deux bateaux d’aide humanitaire au Mozambique. Cet appui à une population qui souffrait à la fois du conflit et du régime marxiste ouvrait le chemin d’un dialogue. Une première rencontre est organisée par Sant’Egidio en 1988 entre Afonso Dhlakama et Mgr Jaime Gonçalves, archevêque de Beira. Sans succès.

Deux ans plus tard, une autre rencontre entre le gouvernement et la Renamo se tient au siège romain de la communauté. La médiation peut commencer. Elle durera deux ans jusqu’à la paix.

Il ne suffisait pas d’aider les combattants à signer cette paix. Il fallait ensuite la rendre effective. Les médiateurs de Sant’Egidio cèdent leur place à l’énorme machine onusienne. Dès la fin de 1992, 7 500 Casques bleus sont déployés. La mission des Nations unies au Mozambique assure l’application des accords de paix depuis la démobilisation des soldats et leur désarmement jusqu’à l’organisation des élections. Le Haut-Commissariat aux réfugiés, de son côté, investit 80 millions d’euros pour le retour des réfugiés. Deux ans plus tard, en 1994, les Mozambicains peuvent élire librement, pour la première fois, leur président parmi les dix candidats en lice et désigner 250 députés pour les cinq prochaines années.

Vingt-quatre ans plus tard, le pays est toujours gouverné par le même parti, le Frelimo et la Renamo constitue toujours la principale force d’opposition avec une forte implantation au nord du pays. Mais, depuis, la paix règne sans interruption, malgré des heurts réguliers et une corruption endémique.

 

Par : Journal Lacroix.fr

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