Scène spectaculaire  à Bangui : comment l’une de nos équipe de journalistes est tombée dans le piège des gendarmes et des mercenaires russes près du lycée de Fatima. Les discussions sont houleuses  

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Scène spectaculaire  à Bangui : comment l’une de nos équipe de journalistes est tombée dans le piège des gendarmes et des mercenaires russes près du lycée de Fatima. Les discussions sont houleuses  

Sur l'avenue qui passe devant l'église catholique de Fatima à Bangui et qui descend vers le marché Kette Nguéré, dans le sixième arrondissement. Photo CNC
Sur l’avenue qui passe devant l’église catholique de Fatima à Bangui et qui descend vers le marché Kette Nguéré, dans le sixième arrondissement. Photo CNC

 

Rédigé le 23 novembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

Depuis plusieurs années, dans les rues de la capitale centrafricaine, la nuit cache une réalité que beaucoup préfèrent taire. Depuis l’arrivée massive des forces russes du groupe Wagner en République centrafricaine, les témoignages se multiplient sur des pratiques qui échappent à tout cadre légal. Ce que notre équipe a vécu mardi dernier dans la soirée près de l’église catholique de Fatima montre une dérive criminelle : le racket de la population par des forces censées la protéger.

 

 

Les mercenaires russes, désignés dans le langage populaire à Bangui sous le terme de “Gbengba main”,  littéralement veut dire en français les “ oreilles blanches”. Cette expression veut surtout désigner les  Blancs. Ces Gbengba main  venus de Moscou ont progressivement étendu leur emprise sur différents secteurs de la vie économique centrafricaine. Des mines d’or aux barrages routiers, leur présence se fait sentir partout. Mais c’est dans l’ombre de la nuit que leur collaboration avec certains éléments des forces de sécurité nationale prend une tournure particulièrement inquiétante.

 

Ce mardi 18 novembre dans la soirée, vers 19 heures, notre équipe se déplaçait en moto sur la grande route qui relie le quartier KM5 au marché Ketté Nguéré, en direction du croisement de Pétévo, dans le sixième arrondissement. Un trajet ordinaire dans cette partie de Bangui, où la circulation demeure dense même à la tombée de la nuit. Nous venions de dépasser légèrement l’église catholique de Fatima, ce lieu de culte bien connu des Banguissois, lorsque la scène a basculé.

 

Sur le bord de la route, une silhouette se détachait dans la pénombre. Un homme agitait une lampe torche, faisant des signes clairs pour nous intimer l’ordre de nous arrêter. Dans un premier temps, nous avons pensé à un contrôle de routine. Les forces de l’ordre procèdent régulièrement à ce type de vérifications, surtout à cette heure où la circulation ralentit. Notre équipe s’est donc conformée et a immobilisé la moto. C’est une moto que nous venons d’acheter il y’a une semaine. Elle est encore neuve. Et c’est avec plaisir pour nous de rouler à bord de notre nouvel engin.

 

Mais la surprise de cette nuit nous inquiète sérieusement. Justement, l’homme était effectivement un gendarme centrafricain. Mais ses instructions ont immédiatement éveillé notre méfiance. Au lieu de procéder à un contrôle classique d’identité ou de documents, il nous a demandé d’aller garer notre moto dans un endroit précis, en retrait de la route, pointant du doigt une zone sombre, un peu à l’intérieur. “Allez stationner la moto là-bas”, a-t-il ordonné, ajoutant qu’une autre équipe de gendarmes viendrait ensuite nous poser des questions.

 

Cette procédure inhabituelle a immédiatement éveillé nos interrogations. Nous avons interpellé le gendarme : “Vous êtes gendarme, vous nous arrêtez et vous nous demandez d’aller stationner la moto dans l’obscurité pour qu’une équipe vienne nous interroger ? Si vous avez besoin de vérifier nos papiers, demandez-les ici, sur la route. Si vous voulez voir le document de la moto ou nos pièces d’identité, c’est maintenant qu’il faut les demander. Pourquoi cette mise en scène absurde  ?”

 

Face à nos questions insistantes, le gendarme a commencé à montrer des signes d’embarras. Il répétait mécaniquement : “Allez déposer la moto là-bas, c’est tout”. Mais il était clair qu’il ne maîtrisait pas la situation. Nous avons poursuivi notre questionnement : “Selon vous, est-ce normal qu’un gendarme procède ainsi ? La procédure standard, c’est de demander les documents sur place. Pourquoi cette exception ?

 

Acculé, le gendarme a fini par lâcher le morceau. Contrarié par notre résistance, il a avoué : “Il faut aller voir les Gbengba main. Ce sont les Gbengba main qui ont imposé cela”. Nous avons fait semblant de ne rien savoir des Gbengba main : “Gbengba main, c’est qui ? Expliquez-nous. Vous êtes gendarme, vous parlez de Gbengba main sans expliquer ?”

 

Bien entendu, nous savions parfaitement à qui il faisait référence. Dans le langage de la rue à Bangui, “Gbengba main” désigne sans ambiguïté les mercenaires russes. Cette expression imagée, qui évoque les “oreilles blanches”, est devenue le terme codé pour parler de ces hommes que personne n’ose critiquer ouvertement.

 

Notre refus de coopérer a créé un début d’agitation. Un autre gendarme, observant la scène depuis sa position dans l’ombre, s’est alors approché avec une proposition très différente : “Vous donnez seulement mille francs, c’est tout”. La réalité du dispositif se dévoilait enfin dans toute sa crudité. Il ne s’agissait pas d’un contrôle de sécurité, mais d’un racket pur et simple.

 

Nous avons répondu avec une certaine ironie : “Voilà donc ! Si vous avez faim et que vous voulez de l’argent, on peut vous donner mille francs, cinq cents francs. Mais soyez honnêtes. Ne venez pas nous fatiguer avec l’histoire des Gbengba main. Si c’est pour manger, dites-le simplement. Qu’est-ce qu’on a à faire avec les Gbengba main ?”

 

Le gendarme a tenté de justifier la situation : “C’est normal, nous cherchons à aider nos amis, c’est normal”. Une phrase qui confirmait la subordination de certains éléments des forces de l’ordre nationales aux intérêts des mercenaires russes. Finalement, nous avons sorti mille francs CFA que nous avons remis aux gendarmes. Ils nous ont alors laissé passer.

 

Mais pendant ces échanges tendus, nous avons eu le temps d’observer ce qui se passait autour de nous. Derrière le gendarme qui nous retenait, dans la zone sombre où il voulait nous diriger, une scène stupéfiante se déroulait. Des dizaines et des dizaines de motos étaient garées. Nous avons compté approximativement une centaine de deux-roues stationnés là. Une foule de motocyclistes se trouvait bloquée, tous contraints d’attendre pour payer leur “taxe” informelle pour pouvoir continuer leur route.

 

Le système était parfaitement mis en place. Les gendarmes centrafricains servaient de rabatteurs, interceptant les usagers de la route à l’aide de leurs lampes torches. Les motocyclistes étaient ensuite dirigés vers cette zone de stationnement où, sous la supervision des mercenaires russes restés dans l’ombre, ils devaient s’acquitter de sommes variant entre cinq cents et trois mille francs CFA. Avec près de cent motos interceptées ce soir-là, on imagine aisément le montant de la collecte.

 

Par Gisèle MOLOMA….

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