Sam-Ouandja : quand les gendarmes deviennent pires que les rebelles

0
45

Sam-Ouandja : quand les gendarmes deviennent pires que les rebelles

 

 

Sam-Ouandja : quand les gendarmes deviennent pires que les rebelles
Brigade de gendarmerie de Sam-Ouandja dans la Vakaga à gauche

 

Rédigé le 09 novembre 2025 .

Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

 Il y a des moments où les mots manquent. Des moments où la réalité dépasse tellement l’entendement qu’on se demande si on parle vraiment de la Centrafrique ou d’un pays imaginaire quelque part entre l’enfer et l’absurde. À Sam-Ouandja, dans la Vakaga, les habitants ont commencé à dire quelque chose d’hallucinant : ils préféraient vivre sous les rebelles.

 

 

Oui, vous avez bien lu. Les rebelles. Ces hommes armés qu’on accuse de tous les maux. Ces groupes qu’on présente comme la source de tous les problèmes du pays. Eh bien, à Sam-Ouandja, les gens disent qu’avec eux, au moins, on pouvait vivre. On pouvait respirer. On pouvait travailler. Mais avec les forces de l’ordre, avec les gendarmes, les policiers, les soldats de l’armée nationale, c’est devenu l’enfer. Un enfer où chaque barrière est une razzia. Où chaque uniforme est une menace. Où chaque moto qui transporte des marchandises doit cracher 6000 francs ou voir ses bagages pourrir sous la pluie pendant que les gendarmes regardent, les bras croisés, sans le moindre scrupule. Bienvenue à Sam-Ouandja, où les forces de l’ordre sont devenues pires que les rebelles.

 

La population se plaint. Tout le monde se plaint. Mais personne n’écoute. Parce que les gendarmes, les policiers, les soldats s’en fichent totalement. Ils savent qu’il n’y a pas de sanction dans ce pays. Ils savent qu’ils peuvent faire n’importe quoi sans risquer quoi que ce soit. Ils savent que le gouvernement les laisse faire. Alors ils continuent. Ils pressent. Ils rackettent. Ils volent. Tranquillement. Méthodiquement.

 

Les habitants de Sam-Ouandja disent qu’avec les rebelles, ils étaient totalement libres. Libres comme des électrons. Ils pouvaient circuler. Ils pouvaient commercer. Ils pouvaient vivre. Mais maintenant, avec les forces de l’ordre, c’est fini. Chaque déplacement est un calvaire. Chaque transport de marchandises est une ruine financière.

 

Si on racontait aujourd’hui ce qui se passe à Sam-Ouandja à des Centrafricains d’autres régions, ils diraient peut-être que ce n’est pas possible. Que c’est exagéré. Que ça doit être un autre pays. Un pays sous terre ou au ciel. Parce que ce qui se passe là-bas dépasse l’imagination.

 

Pendant la saison sèche comme pendant la saison pluvieuse, le ravitaillement de Sam-Ouandja et de beaucoup d’autres villes de la région se fait par motos. Les taxis-motos. Ces jeunes hommes courageux qui prennent des risques énormes pour transporter des marchandises. Ils chargent leurs motos avec des sacs de vivres, des bidons, des marchandises diverses. Et ils partent. Sur des pistes défoncées. Sous le soleil brûlant ou sous la pluie battante. Avec le risque d’être attaqués par des bandits. Avec le risque d’avoir un accident. Avec le risque de tomber en panne au milieu de nulle part.

 

Ils prennent tous ces risques pour ravitailler leurs compatriotes. Pour que les gens de Sam-Ouandja puissent manger. Pour que les commerçants puissent vendre. Pour que l’économie locale puisse tourner. Si on calcule ce qu’ils gagnent par rapport aux risques qu’ils prennent, on comprend vite que ce n’est pas l’argent qui les motive. C’est le service. C’est la solidarité. C’est le sens du bien commun.

 

Prenons un exemple concret. Un taxi-moto part de Bria avec des marchandises pour Sam-Ouandja. De Bria à Sam-Ouandja, il faut traverser plus de 350 kilomètres. Il faut passer par Ouadda-Maïkaga. Et tout au long du trajet, à chaque barrière des forces de l’ordre, à l’entrée et à la sortie de chaque ville, il faut payer. 2000 francs. Puis encore 2000 francs. Puis encore 2000 francs. À chaque barrière. Sans exception. Sans négociation.

 

C’est énorme. Mais le pire, c’est à l’arrivée. Quand le taxi-moto arrive enfin à Sam-Ouandja, après avoir payé partout, après avoir roulé pendant des heures sur des pistes impossibles, après avoir risqué sa vie, il tombe sur les gendarmes de Sam-Ouandja. Et là, on ne parle plus de 2000 francs. Non. Les gendarmes demandent 6000 francs. Le triple. Pour quoi ? Pour rien. Juste pour passer. Juste pour entrer dans la ville. C’est ce qu’ils appellent “la formalité”.

 

La formalité. Un mot criminel inventé par les forces de l’ordre pour légitimer leur racket. Quand tu veux traverser une barrière, il faut payer quelque chose. Ce paiement, c’est “la formalité”. Pas une taxe officielle. Pas un droit enregistré quelque part. Non. C’est du vol pur et simple déguisé en procédure administrative.

 

Mais hormis cette “formalité” de 6000 francs, il y a encore autre chose. Il faut aussi payer pour les marchandises. Il faut payer selon ce que tu transportes. Comme si tu passais une frontière internationale. Comme si tu faisais de la contrebande. Alors qu’en réalité, tu transportes des marchandises d’une ville centrafricaine à une autre ville centrafricaine. Sur le territoire national. Mais il faut payer une sorte de “douane”. Une douane intérieure. Une taxe inventée par les gendarmes pour remplir leurs poches.

 

Comment un pays peut-il fonctionner comme ça ? Comment peut-on accepter qu’un commerçant qui transporte des marchandises d’une ville à une autre du même pays soit rackettée comme s’il traversait une frontière internationale ? C’est du délire. C’est du banditisme institutionnalisé.

 

Et le plus choquant, c’est que même à l’époque des rebelles, ça ne fonctionnait pas comme ça. Même les rebelles n’étaient pas aussi gourmands. Même eux avaient une certaine retenue. Parfois, ils demandaient 500 francs. Parfois 1000 francs. Et parfois, quand tu n’avais rien, tu pouvais négocier. Tu pouvais expliquer ta situation. Parfois, tu passais gratuitement.

 

Mais avec les forces de l’ordre, il n’y a pas de gratuité. Il n’y a pas de négociation. Le prix est fixe. Minimum 2000 francs sur la route. Et 6000 francs à Sam-Ouandja. Point final. Tu paies ou tu ne passes pas.

 

Et si tu n’as pas l’argent ? Eh bien, ils te bloquent. Ils prennent ta moto en otage. Avec tes marchandises dessus. Et tu dois aller chercher l’argent. Pendant ce temps, ta moto reste là. Avec tes bagages. Sous le soleil. Sous la pluie. Peu importe.

 

Le dimanche 19 octobre dernier, plusieurs motos qui transportaient des marchandises de Bria vers Sam-Ouandja sont arrivées à la barrière des gendarmes. Les chauffeurs n’avaient pas les 6000 francs. Alors les gendarmes ont bloqué les motos. Avec les marchandises. Et ils ont dit aux chauffeurs d’aller chercher l’argent.

 

Les chauffeurs sont partis à pied pour aller chercher l’argent en ville. Pendant ce temps, il a commencé à pleuvoir. Une grosse pluie. Une de ces pluies tropicales qui trempe tout en quelques minutes. Les marchandises sont restées sur les motos. Sous la pluie. Les sacs de farine, de riz, de sucre, tout a commencé à être trempé. Abîmé. Détruit.

 

Les gendarmes regardaient. Tranquillement. Sans bouger. Sans couvrir les marchandises. Sans les mettre à l’abri. Ils regardaient la pluie tomber sur des marchandises qui représentaient peut-être tout l’investissement d’un petit commerçant. Tout le fruit du travail d’un taxi-moto qui avait risqué sa vie pour transporter ces bagages. Et ils s’en fichaient. Complètement. Totalement.

 

Parce qu’ils n’ont pas de cœur. Parce qu’ils savent que ce pays est maintenant livré aux criminels économiques. Au voyoutisme. Aux mafieux. Ils savent qu’il n’y a pas de sanctions. Ils savent que le gouvernement ne fera rien contre eux. Alors ils font ce qu’ils veulent. Ils rackettent. Ils volent. Ils détruisent. Sans aucune conséquence.

 

C’est pour ça que les habitants de Sam-Ouandja disent qu’ils préféraient vivre avec les rebelles. Parce qu’au moins, avec les rebelles, il y avait une certaine logique. Une certaine prévisibilité. Tu savais à quoi t’attendre. Tu savais ce qu’ils allaient demander. Et souvent, tu pouvais négocier. Tu pouvais expliquer. Tu pouvais trouver un arrangement.

 

Mais avec les forces de l’ordre, c’est pire. Parce que ce sont eux qui sont censés protéger la population. Ce sont eux qui portent l’uniforme de la République. Ce sont eux qui touchent un salaire de l’État. Et pourtant, ce sont eux qui terrorisent la population. Ce sont eux qui rackettent. Ce sont eux qui détruisent l’économie locale.

 

Vraiment, c’est grave. C’est plus que grave. C’est une catastrophe. Parce que quand les forces de l’ordre deviennent pires que les rebelles, ça veut dire que le pays est foutu. Ça veut dire qu’il n’y a plus d’État. Qu’il n’y a plus de règles. Qu’il n’y a plus de protection. Que c’est la loi de la jungle. La loi du plus fort. La loi du plus armé.

 

Rejoignez notre communauté

Chaine officielle du CNC

Invitation à suivre la chaine du CNC

CNC Groupe 3

CNC groupe 4

CNC groupe le Soleil

Note : les deux premiers groupes sont réservés  uniquement aux publications officielles du CNC