La politique de gestion gouvernementale ou la RCA ne pourra marcher sur ses deux (2) jambes que si les ministres sont dorénavant évalués, périodiquement, afin d’ajuster, éventuellement, la mise en œuvre efficiente et la performance des politiques publiques.
Soixante (60) ans après les indépendances et près de trois décennies- toute une génération pour ainsi dire- d’errements, en politique de pilotage à vue, de crises politico-militaires récurrentes en organisation de différents raouts regroupant les principaux protagonistes de la classe politique en passant par des phases de mutineries (soulèvements) à répétition d’une partie de l’armée, parfois, injustement traitée pour des raisons purement politiciennes au milieu des années 1990 ont, sans conteste, achevé de désorganiser, de saper même les bases et fondements de l’Etat centrafricain et, par ricochet, de ceux de la nation centrafricaine.
Et, en même temps, la RCA en a perdu l’essentiel de ses repères, son âme, ce qui fait sa raison d’être, son substrat. Avec son corollaire en termes de déficit de culture de gouvernement, de déficit de culture de la bonne gouvernance (publique). Pour reprendre, un tant soit peu, les exigences d’un concept désormais en vogue, popularisé, depuis, par les institutions et organismes spécialisés dans le financement du développement.
Dans un tel contexte, malheureusement, aucun segment de la société n’est épargné, n’est en reste. La culture de l’incivisme et du reniement des institutions républicaines a pris le pas, à notre corps défendant, sur le respect de la démocratie, de la défense des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Des esprits chagrins, en mal d’existence politique ou guidés par des intérêts bassement matériels et égoïstes, n’hésitent plus à recourir aux armes pour exprimer leurs desiderata et revendications légitimes, bafouant ainsi au passage et sans état d’âme, les institutions constitutionnellement reconnues.
Pour espérer renouer avec les repères de la République, impératif catégorique, condition sine qua non et indispensable au vivre ensemble, à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale– je pense au respect de la constitution, de la loi, de l’éthique dans la gestion des affaires publiques, aux valeurs qui fondent notre pacte républicain, à la conscience aigue du bien public, du bien commun, à l’esprit d’abnégation, au sens du service public, au sens du travail bien fait, au réflexe de l’obligation de réserve, à celui du devoir de neutralité etc.-, Ses représentants au plus haut niveau de l’Etat, en l’occurrence, les membres du gouvernement, doivent être évalués périodiquement, régulièrement afin de mesurer, de façon optimale, l’efficacité, l’impact réel de la mise en œuvre des politiques publiques (sectorielles) sur le quotidien et la vie des citoyens.
Politiques publiques, qui s’inscrivent dans les principales fonctions et les grandes missions régaliennes de l’Etat dans un Etat de droit.
Notons, sans plus tarder, que les missions de l’Etat sont déclinées globalement au regard du nombre et des intitulés de départements ministériels.
Ainsi, la politique de gestion gouvernementale- objet de notre étude- qui induit, inexorablement, l’évaluation objective, sans parti pris, des membres de l’exécutif, suppose, au préalable, la remise, en début de mission à chaque membre, d’une feuille de route non exhaustive reprenant les grandes actions à réaliser à court terme (I) et l’obligation de reddition périodique, par chaque membre, de comptes afin que le pays puisse être situé, en temps réel, sur l’état d’avancement des chantiers engagés ou à engager rapidement, à plus ou moins mi-mandat présidentiel (II).
C’est dire que les membres de l’exécutif doivent être jugés à l’aune de l’espace du quinquennat dévolu au chef de l’Etat. Dans ces conditions, il n’y a pas beaucoup de temps à perdre. Chaque ministre doit s’aviser d’aller vite pour réaliser son programme de travail dans le laps de temps imparti.
- La remise d’une feuille de route non exhaustive à chaque membre du gouvernement lors de son entrée en fonction.
Au moment de prendre ses responsabilités ministérielles, chaque ministre doit recevoir, du premier ministre, chef de gouvernement, une feuille de route (une lettre de mission) non exhaustive relative aux exigences réclamées à son département. A charge, pour lui, de l’approfondir afin de l’améliorer conformément à la vision prospective et au projet de société décliné par le président de la République, chef de l’Etat, pendant la campagne. Projet, qui lui a permis d’être élu victorieusement à la magistrature suprême de l’Etat.
Cette feuille de route s’inscrit également dans le cap, la dynamique insufflée par le chef de l’Etat lors la tenue des travaux du premier conseil des ministres, qui immortalisera la photo de famille gouvernementale.
En conséquence, le ministre doit travailler d’arrache pied, s’atteler à la réalisation de cette feuille de route, qui renferme les politiques publiques correspondant à son secteur d’activités. Faut-il rappeler que cette phase requiert du volontarisme et de l’exemplarité. Car, il dispose, à ce titre, d’un temps relativement court pour appliquer ce programme.
Dans la foulée de la tenue périodique de séminaires gouvernementaux ou en conseils de cabinet sous la direction du premier ministre, il aura le loisir de présenter ses difficultés probables, son bilan d’étapes afin de rectifier, le cas échéant, le tir et d’évaluer l’état d’avancement de ses travaux. Ca peut être sur le plan législatif, règlementaire, financier, en termes de besoins en personnel qualifié ou d’exécution d’acte matériel.
Dans ce contexte, le premier ministre, chef du gouvernement, reste le véritable manager, le chef d’orchestre de l’équipe, de l’attelage au pouvoir.
Il anime et coordonne non seulement toute l’action de la structure gouvernementale mais aussi veille à la bonne exécution, à l’aboutissement des politiques publiques sectorielles mises en musique, à leur tour, par ses autres collègues ministres, chefs des différentes administrations de l’Etat placées sous leur contrôle respectif.
I I. L’obligation de reddition périodique, par chaque ministre, de comptes.
Au bout d’une période de 2 ans d’activités gouvernementales, chaque ministre est appelé à rendre compte de son action à la tête de son département afin d’évaluer ses performances ou contre-performances et ainsi ajuster ou corriger les ratés éventuels de la mise en œuvre des politiques publiques le concernant.
Dans cet esprit, le ministre est soumis a priori à une obligation de résultat. Sauf, cas de force majeure justifié par des circonstances exceptionnelles où sa responsabilité sera, dans ce cas, limitée à une obligation de moyens. Encore faudrait-il qu’il soit à même de démontrer, de bonne foi, qu’il a tout tenté, tout essayé pour atteindre le ou les résultats escomptés mais que des conditions ou évènements extérieurs, insurmontables et irrésistibles l’ont en dûment empêché.
Il lui appartiendra d’apporter la preuve de l’impossibilité de réalisation son action. Dans ce cas, il doit pouvoir s’exonérer, s’extraire de sa responsabilité. Dans le droit fil de l’adage « à l’impossible, nul ne peut être tenu ».
N’empêche, il reste tenu de mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés et qui sont consignés dans la feuille de route, qui lui a été remise au moment de son entrée en fonction. Du moins, les objectifs, qui ont été, objectivement, à sa portée.
En d’autres termes, au bout de 2 ans d’activités, le ministre doit présenter son bilan. Il présentera, au premier ministre, chef du gouvernement, ce qu’il a fait et ce qu’il n’a pas pu faire ainsi que les raisons objectives de cette impossibilité ou de cette incapacité de faire.
C’est sur la foi de ce bilan circonstancié qu’il sera évalué par le premier ministre, chef du gouvernement et, bien sûr in fine par le président de la République, chef de l’exécutif.
Le ministre, qui aura manifestement démérité, en dépit de tous les moyens, qui auront été mis à sa disposition, devra se voir remercier sans ménagement et céder sa place à un autre censément plus méritant.
Les ministres doivent être évalués, notés selon des critères objectifs de probité, de compétence et de performance liés à leur travail. En sus naturellement des critères, qui président, généralement, à la formation de chaque équipe gouvernementale. A savoir, les critères fondés sur le respect des équilibres politiques et sociétaux du moment.
Surtout, dans le contexte de crise politique structurelle, de conflit militaire sans précédent et de crispation identitaire que connaît notre pays où la tendance -encouragée, en cela, par la communauté internationale, qui nous assiste, nous porte à bout de bras sur le plan sécuritaire à travers la présence de la Minusca, financier, logistique, etc. – est, depuis quelques années, à la formation de gouvernements de large union nationale ou de forte cohésion sociale, qui voient apparaître en leur sein, outre des membres de la majorité présidentielle, mais également ceux de l’opposition démocratique, des groupes armés (14) et de la société civile, entrainant, de facto, la mise en place d’un attelage hétéroclite aux intérêts divergents.
Mais, qu’à cela ne tienne, c’est d’autant plus le prix (à payer) de la paix et du retour d’un minium de conditions de sécurité réclamées, à juste titre et à cor et cri, par les paisibles populations, qui sont surtout en première ligne à pâtir des affres de cette guerre injuste imposée par des esprits chagrins, sans foi ni loi. Guerre imposée au nom d’intérêts inavoués et inavouables.
Si, comme nous l’avions déjà évoqué, un ministre, qui a lamentablement échoué, dans le département à lui confié, ne devrait pas pouvoir être maintenu au gouvernement, celui, qui se serait rendu coupable de gabegie, corruption ou de concussion avérée devra également quitter le gouvernement.
La RCA doit construire un Etat, une République irréprochable, impartiale, exemplaire. Et, l’exemple doit venir d’en haut. Du sommet de la pyramide.
Un ministre, qui est mis en examen ou sur qui pèsent des soupçons ou des présomptions de fraude ou de corruption doit démissionner jusqu’à ce que son innocence soit judiciairement établie. Conformément à la jurisprudence dite Balladur, du nom de l’ancien premier ministre français durant la 2e cohabitation française de 1993 à 1995.
La politique de gestion de l’activité ministérielle assurée sous la férule du chef de gouvernement doit être regardée comme une technique, qui requiert stratégie, méthode, savoir-faire. Elle s’appuie sur une éthique et les critères de la performance et du mérite de chaque membre du gouvernement.
Wilfried Willy Hetman-Roosalem