Éleveurs, agriculteurs, milices armées : la Centrafrique risque de plonger dans un chaos intercommunautaire  imminente

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Éleveurs, agriculteurs, milices armées : la Centrafrique risque de plonger dans un chaos intercommunautaire  imminente

 

Éleveurs, agriculteurs, milices armées : la Centrafrique risque de plonger dans un chaos intercommunautaire imminente
Un cultivateur centrafricain qui se plaint d’arrivée massive des peuls dans son village, et potentiellement pour détruire les champs agricoles

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 Depuis plus d’un mois, les tensions entre éleveurs peuls et agriculteurs s’enveniment en RCA, attisées par des milices armées, souvent proches du régime. Ce cocktail explosif fait craindre un chaos intercommunautaire, alors que les forces de l’ordre peinent à contenir la violence.

 

Une montée des hostilités

 

Depuis le début de l’année 2025, la situation s’est dangereusement dégradée dans plusieurs zones rurales du nord et nord-ouest. Ce qui avait débuté comme des conflits entre cultivateurs et éleveurs, notamment autour de l’accès aux terres et des dégâts causés par le bétail, a pris une ampleur intercommunautaire explosive. Les affrontements opposent désormais des groupes armés issus de communautés chrétiennes et musulmanes, ravivant des blessures jamais cicatrisées depuis la crise de 2013-2015.

 

En février 2025, les incidents se multiplient, avec une violence agressive et un cycle de représailles qui échappe à tout contrôle.

 

Dans le nord-ouest, près de villes comme Bozoum et Paoua, des milices armées, souvent composées de jeunes armés des fusils artisanaux, parfois fournies par des soutiens obscurs, ciblent les campements peuls. Ces attaques, précédées de pillages de bétail ou de destructions de champs, entraînent des ripostes sanglantes. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des cultivateurs dénonçant la dévastation de leurs récoltes, comme le manioc arraché pour nourrir les troupeaux, tandis que des éleveurs peuls dénoncent les attaques des milices armées contre leurs campements et promettent vengeance. Cette spirale, loin de s’apaiser, gagne en intensité chaque jour.

Éleveurs, agriculteurs, milices armées : la Centrafrique risque de plonger dans un chaos intercommunautaire imminente
Les miliciens armés se réunissent pour boire leur potion magique quelques minutes avant leur opération contre les éleveurs Peuls dans l’Ouham-Pendé

 

Un passé douloureux comme carburant

 

Les racines de cette crise ne sont pas nouvelles. Entre 2013 et 2015, des milliers de personnes ont péri dans des affrontements intercommunautaires, opposant milices anti-balaka, majoritairement chrétiennes, à des groupes armés musulmans, dont la Séléka. L’économie s’est effondrée, les liens sociaux ont été brisés, et le pays a plongé dans une instabilité chronique. L’arrivée au pouvoir de Faustin-Archange Touadéra en 2016 avait causé l’espoir d’une reconstruction, avec des promesses de refondation économique et sociale. Pourtant, près d’une décennie plus tard, ces ambitions semblent s’être évanouies face à une réalité choquante : les tensions, jamais résolues, resurgissent avec une violence accrue dans le Haut-Mbomou, l’Ouham-Pendé et Lim-Pendé, sans citer l’Ouham-Fafa et la Nana-Mambéré.

 

Les récents massacres, comme ceux près de Bozoum en février 2025, expliquent cette récurrence tragique. Des dizaines d’éleveurs peuls ont été tués par des miliciens armés équipés par la préfète de l’Ouham-Pendé, leurs troupeaux abattus ou volés, leurs campements réduits en cendres. En réponse, des groupes peuls, parfois armés et organisés, ont menacé de frapper des villages. Ces actes, loin d’être spontanés, s’inscrivent dans une logique de vengeance alimentée par des événements antérieurs ignorés ou minimisés par les autorités.

 

Des responsabilités pointées du doigt

 

Le rôle des autorités préfectorales et nationales dans cette escalade alimente de vives critiques. Dans le nord et le nord-ouest, des préfets et responsables communaux sont accusés d’armer des milices ou de fermer les yeux sur leurs exactions. À Bozoum, par exemple, des témoignages crédibles évoquent l’implication de la préfète dans la crise. Elle aurait équipé et encouragé des jeunes villageois à s’en prendre aux éleveurs peuls, déclenchant une vague de violences qui a vidé des villages entiers. Les habitants, fuyant vers des villes comme Baoro ou Bozoum, expliquent une peur constante d’attaques nocturnes des Peuls armés. Certains ont annoncé même publiquement sur les réseaux sociaux des représailles immédiates. Ils parlent même d’une attaque très matinales qui pourrait avoir lieu dans les prochains jours.

 

Le gouvernement, comme dans son habitude, reste étrangement silencieux. Les Forces armées centrafricaines (FACA), lorsqu’elles interviennent, arrivent souvent après les massacres, incapables de prévenir ou d’arrêter les cycles de violence. Cette inertie contraste avec la présence active des mercenaires russes de Wagner, dont l’influence dans le pays ne cesse de croître depuis des années. Formant des milices et sécurisant des intérêts économiques, ces acteurs russes sont soupçonnés d’attiser les tensions pour maintenir un statu quo profitable, au détriment de la population.

 

Une guerre des récits et des silences

 

Certains médias locaux jouent un rôle ambigu dans cette crise. Lorsqu’un village est attaqué, comme ce fut le cas récemment près de Ngaoundaye et Ndim, les titres s’enflamment, déplorant les victimes. Pourtant, le massacre de soixantaine de Peuls près de Bozoum ou dans des zones reculées passe souvent sous silence, révélant une couverture biaisée ou alignée sur les priorités du pouvoir.

 

Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, la colère monte : des cultivateurs accusent les éleveurs de détruire leurs moyens de subsistance, tandis que les Peuls dénoncent un acharnement militarisé, parfois qualifié de “traque” méthodiquement organisée.

 

Cette polarisation s’accompagne d’une montée des discours de haine. Des jeunes, galvanisés par des chefs des villages ou des “gris-gris” censés les rendre invincibles, se lancent dans des expéditions punitives contre les éleveurs Peuls. En face, des groupes peuls, lassés d’être des cibles, s’organisent pour contre-attaquer, menaçant des villages entiers et promettant de s’en prendre aux responsables, jusqu’aux autorités préfectorales qu’ils jugent complices.

 

Une crise humanitaire en gestation

 

Les conséquences de cette montée des tensions sont déjà visibles. Des villages se vident, leurs habitants fuyant vers des centres urbains ou des zones jugées plus sûres, comme Baoro ou Bossemptélé. Les champs, abandonnés ou ravagés, laissent présager une insécurité alimentaire croissante. Les éleveurs, privés de leurs troupeaux, perdent leur principale source de revenus, tandis que les marchés locaux, autrefois animés par le commerce du bétail, s’effondrent. Dans les hôpitaux, les blessés affluent, mais les ressources manquent pour soigner les victimes d’une violence qui ne faiblit pas.

 

Les récits des survivants, qu’ils soient cultivateurs ou éleveurs, convergent sur un point : le sentiment d’abandon. “Le gouvernement ne fait rien, nous allons mourir de faim”, déplorent un cultivateur. “Ils nous attaquent, et personne ne vient”, renchérissent les éleveurs Peuls de leur côté. Cette désespérance, couplée à la prolifération des armes, artisanales ou modernes, alimente un climat où chaque communauté se prépare au pire.

 

Une dynamique incontrôlable

 

En ce mois de mars 2025, la Centrafrique semble au bord d’un chaos. Les tensions intercommunautaires, amplifiée par des rivalités économiques et des manipulations politiques, échappent aux mécanismes traditionnels de résolution des conflits. Les affrontements, jadis localisés, s’étendent désormais à plusieurs préfectures, de l’Ouham-Pendé à l’Ombella-M’Poko, en passant par la Nana-Gribizi. Les menaces proférées sur les réseaux sociaux, promettant des attaques à l’aube ou des assauts contre des villes entières, ajoutent une dimension psychologique à cette guerre larvée.

 

Les acteurs impliqués – milices, autorités locales, mercenaires étrangers – opèrent dans un vide institutionnel où la justice reste une illusion. Les fosses communes, creusées à la hâte pour dissimuler les corps, témoignent d’une volonté d’effacer les traces, tandis que les survivants, dispersés, peinent à faire entendre leur voix. La situation, déjà critique, pourrait encore s’aggraver si les dynamiques actuelles persistent….

 

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