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Division et Haine en Centrafrique : Manifestation de nos Troubles identitaires hérités de l’esclavage !

Anti-BalakaDepuis que le chaos s’est installé en Centrafrique le 24 mars 2013, chacun y est allé de son analyse pour tenter d’expliquer le processus par lequel nous en sommes en arrivés là.
D’un côté, il y a certains médias notamment occidentaux qui défendent la thèse d’un conflit armé sur fond de tensions ethnique et religieux. De prime abord et au regard des faits, cette lecture semble défendable et exacte. En réalité, cette analyse est erronée car trop simpliste au vue de la complexité de la situation. Ces médias font leurs analyses suivant le paradigme occidental et sans oublier qu’il y a en toile de fond la volonté consciente ou inconsciente de légitimer la thèse officielle justifiant les interventions militaires motivées en priorité par des questions géopolitiques.

De l’autre côté, la grande majorité des Centrafricains réfutent la thèse du conflit armé sur fond de tensions ethnique et religieux mais ne semblent pas être outillés pour expliquer ou du moins comprendre le processus par lequel des Oubanguiens, devenus Centrafricains par la suite, vivant en harmonie et en paix depuis plusieurs siècles, se sont mis subitement à s’entretuer pour des concepts religieux, qu’il faut le rappeler, sont exogènes à la spiritualité africaine héritage de nos ancêtres. Point besoin de rappeler que nous avions nos propres croyances et pratiques spirituelles avant l’Islam et le Christianisme.
Faute d’analyse profonde, on s’adonne à des conclusions hâtives telles que : « nous nous entretuons entre nous parce que nous nous n’aimons pas entre nous, parce que nous sommes méchants et foncièrement mauvais. Cela suppose que nos cœurs seraient remplis de haine !
Effectivement, personne ne peut l’ignorer qu’entre nous, il y a souvent des rivalités exacerbées, sur fond de différences futiles, qui nous empêchent de nous organiser (du moins efficacement) collectivement et financièrement, contrairement aux autres communautés.
Il ne s’agit pas là d’un fantasme mais d’une réalité que chacun de nous peut aisément constater notamment en France. Regardez, toutes les autres communautés arrivent à s’organiser tant bien que mal ce qui est loin d’être le cas de la diaspora centrafricaine. Toutes les tentatives de rassemblement ont échoué. C’est exactement ce qui se passe en Centrafrique actuellement, avec la SELEKA qui refuse d’entrer au gouvernement, qui ne veut pas la PAIX.
Cette haine de l’autre enfoui en nous, dormante dans nos cœurs, exacerbée aujourd’hui par l’étincelle ethnique ou religieuse, dont nous n’avons pas souvent conscience, n’est pas l’ordre naturel des choses. Ce n’est pas quelque chose d’inné.
Cette haine de l’autre est le résultat du traumatisme historique que nous avons subi pendant plusieurs siècles. Cette haine de l’autre nous a été instituée progressivement dans le cadre d’un processus dans le but de nous diviser pour mieux nous contrôler.
Attention, l’objet de cette analyse ne consiste pas à nous trouver des excuses et encore moins demander une reconnaissance ou une réparation des préjudices historiques subies ou pour pointer du doigt qui que ce soit.
Il s’agit ici de chercher à comprendre les raisons profondes de notre mal être, de nos agissements aberrants.
Comment se fait-il que deux familles voisines depuis plusieurs décennies, dont les parents et les enfants entretiennent des relations amicales fortes voire dans certains cas quasi familiales, se mettent subitement à s’entretuer sur fond de différences futiles (ethnique ou religieuse) ?
La clé pour comprendre nos agissements aberrants est à chercher dans notre passé historique, au-delà de la période de colonisation récente, afin de mieux analyser le présent et se projeter pour bâtir un futur meilleur où le bien-être de notre communauté (centrafricaine et par extension noire) sera notre priorité.
Notre approche consiste à « laver le linge sale en famille » en nous reconcentrons sur nous-mêmes dans le but de traiter ce traumatisme à la racine (la source) c’est-à-dire en nous. Comme la France et l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, nous devons prendre le temps de se parler, de se dire, « plus jamais ça ». Utiliser notre énergie pour le bien de nos parents, pour le développement de notre économie, pour rayonner sur le plan mondial.
Le temps est venu pour chacun de nous de retourner dans nos villages respectifs et de nous asseoir autour d’un grand baobab pour échanger exclusivement entre nous, au sujet de nos troubles identitaires et ce sans tabou. Il faut une prise de conscience collective. Chacun de nous a potentiellement en lui des troubles identitaires qui se manifestent de façon diverses et variées au quotidien : détestation des génies et des personnes compétentes de sa communauté, violence et agressivité extrêmes entre nous, agressivité et violence pour des concepts religieux extérieurs à la spiritualité de nos ancêtres, blanchissement de la peau, utilisation des produits pour rendre nos cheveux lisses, …….
Historiquement, le processus, consistant à nous instituer la haine de l’autre pour nous diviser dans le but de mieux nous contrôler, a débuté avec l’esclavage, notamment avec le fameux discours de Willie LYNCH en 1712, et s’est poursuivi au moment de la colonisation.

La question fondamentale qui sous-tend cette réflexion est de savoir qui contrôle notre pensée, la pensée des africains en générale. Car du contrôle de cette pensée procède toutes les autres formes d’aliénations. En effet, celui qui contrôle le processus de réflexion, contrôle l’homme.

Aujourd’hui, les mêmes méthodes et techniques utilisées à l’époque de l’esclavage pour nous diviser et nous contrôler, sont à l’œuvre. Nos conflits sont souvent analysés sous le prisme ethnique ou religieux. Jadis, on utilise nos différences telles que la couleur de la peau, la physionomie, l’intelligence, le physique, la texture des cheveux pour nous diviser. Aujourd’hui, l’ethnie et la religion ont pris le relais. La peur et la méfiance sont également utilisées pour des fins de contrôle. L’exploitation des différences continue.
« Le très long processus de lavage de cerveau a consisté à évacuer de notre esprit notre mémoire historique entrainant dans sa chute la perte de notre sociologie, de notre spiritualité, et la perte de nos méthodes de gestion de conflits et de résolution de nos problèmes, héritage que nous avons accumulé sur des millénaires de nos ancêtres.
Nous nous retrouvons aujourd’hui dans la position d’un amnésique ou d’un petit enfant qui doit encore tout réapprendre/apprendre de ses parents. N’ayant presque plus de repères, il nous devient difficile de jeter un regard critique à tout ce qui nous est proposé ni même d’opposer une résistance significative à notre instrumentalisation et notre exploitation car nous opérons selon le modèle qu’ils nous ont prescrits sans même nous en rendre compte.
Nous sommes donc devenus par-là, les principaux agents de notre propre asservissement, et tirons énormément de plaisir dans le suivisme. Nous nous détruisons.
Nous affranchir de cette misère va nous demander des efforts. Il nous faudra nous réorganiser sur le plan politique, économique et même social autour de nos valeurs, réorganisation qui devrait naturellement nous permettre de reprendre le contrôle de notre destin.
En effet la construction des pyramides, ou encore le rayonnement de nos grands empires ne reposaient pas sur du néant. Cela n’a été rendu possible que dans un contexte socio-économique, et même philosophique particulier. Il est clair que l’on ne peut pas prospérer sans un minimum d’organisation sociale et sans mettre la science au service du bien-être des masses, et évidemment pas sans un contrôle sérieux de ses ressources essentielles. » Selon Paul Daniel BEKINA
Se faire violence pour échanger sans tabou, de nos troubles identitaires, va nous permettre de nous libérer psychologiquement et se dépasser pour nous organiser collectivement et financièrement dans le but de redevenir nous-même et à terme reconquérir progressivement notre possession historique, spirituelle et sociologique et faire du bien-être une réalité pour nos enfants et arrières petits-enfants.

 
MAZANGUE MBOYA Saint-Cyr
Membre de SANGO THINK TANK,

http://sangothinktank.com/

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