DECLARATION N°002/18 DU KNK RELATIVE A LA SITUATION DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Depuis quelques mois, notre pays connaît un regain de violences sans précédent. De l’Est au Nord-Ouest en passant par le Centre du pays, les groupes armés ainsi que des mercenaires ont réussi à imposer leur “impérium” et se livrent à des massacres de populations civiles, des violations inadmissibles des droits de l’homme et à la prédation des ressources naturelles.
C’est dans ce contexte infernal que des extrémistes, retranchés dans l’enclave du PK5, se sont livrés à une barbarie terroriste contre des fidèles réunis lors de la célébration de la fête de Saint Joseph, le 1er Mai dernier à la Paroisse Notre Dame de Fatima.
Le bilan de cette folie meurtrière s’est élevé à plus d’une centaine de blessés et plusieurs dizaines de victimes dont le Prêtre Albert TOUNGOUMALE BABA, froidement abattu.
Dans la foulée des évènements de Fatima, des actes de “Vendetta” ont été commis dans le 2e Arrondissement de Bangui suivis de la destruction de la Mosquée de Lakouanga.
Cette préoccupante recrudescence de l’insécurité met à nu l’incapacité aussi bien des Forces de Sécurité Intérieures (FSI) que de la MINUSCA, munie d’un mandat onusien, à travers notamment la résolution 2149 sous chapitre 7 du Conseil de Sécurité des Nations Unies et dotée de plus de 10.000 casques bleus ainsi que des moyens logistiques conséquents avec pour missions principales : la protection des civils, la restauration de l’autorité de l’Etat ainsi que les tâches de désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement des éléments étrangers.
“La MINUSCA n’a plus de crédibilité aux yeux de la population” avait asséné Roland MARCHAL, Chercheur au Centre de Recherches Internationales des Sciences Politiques de Paris.
De son côté, la Journaliste Maria MALAGARDIS du quotidien français Libération avait publié un article sous le titre : “La Mission de l’ONU n’est plus crédible aux yeux de la population centrafricaine“.
Présenté comme la panacée, le DDR-R n’a pas apporté les résultats escomptés au regard du niveau de dégradation de la situation sécuritaire. Ce qui démontre, à suffisance, les limites du schéma gouvernemental de sortie de crise qui a consisté, jusqu’à présent, à ne prioriser seulement le dialogue qu’avec les groupes armés à travers la mise en œuvre du processus DDR-R.
En outre, quelques indicateurs socio-économiques révèlent la grave et dramatique situation humanitaire à laquelle fait face une partie de la population centrafricaine. Selon les chiffres, on note :
- Plus de 577.000 réfugiés centrafricains dans les pays voisins ;
- Plus de 669.997 déplacés internes dont près de 50.000 à Bangui ;
- Près de 2.500.000 personnes ayant besoin d’une aide humanitaire d’urgence ;
- Près de 63% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.
A cela s’ajoute, un inquiétant isolement diplomatique de notre pays comme l’attestent des faits tels que :
- Le refroidissement des relations entre la RCA et la GUINEE EQUATORIALE suite à l’implication de certains ressortissants centrafricains dans l’affaire du Coup d’Etat manqué contre les Autorités de Malabo ;
- L’évasion de la prison du Camp de ROUX d’Officiers rebelles congolais qui a provoqué l’ire des Autorités de la République Démocratique du Congo ;
- La délocalisation du siège de la CEMAC à Malabo ;
- L’annonce du retrait prochain du contingent Gabonais de la MINUSCA ;
- L’assassinat d’un Diplomate soudanais à Bangui, etc.
Après un moment de silence et craignant sans doute un effet de contagion de la crise centrafricaine dans la Sous-Région, la FRANCE vient de se réapproprier la gestion du dossier centrafricain à travers deux (2) initiatives majeures :
- La déclaration faite par le Porte-parole du Quai d’Orsay (Ministère des Affaires Etrangères) en date du 23 Mai 2018 dans laquelle, il a affirmé : “La France encourage l’ensemble des acteurs centrafricains à agir dans un esprit d’unité et de réconciliation nationale. Elle soutient les efforts entrepris pour y rétablir la sécurité et l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire et appelle à la mise en œuvre rapide du processus de désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement.“
- La tournée diplomatique que vient d’effectuer Mr Jean Yves Le DRIAN Ministre français des Affaires Etrangères dans certaines capitales africaines dont le choix ne doit rien au hasard. Il s’agit de Brazzaville, N’Djamena et de la capitale éthiopienne qui abrite le siège de l’Union Africaine, désormais placée en avant-garde dans la gestion de la crise centrafricaine.
Car, il n’est un secret pour personne que le règlement de la crise centrafricaine dépend en grande partie de l’implication des Présidents congolais et tchadien.
Sur le plan financier, les recettes intérieures sont globalement insuffisantes en raison de l’insécurité et ne peuvent suffire à couvrir les charges régaliennes : paiements des salaires, pensions, bourses et autres dépenses prioritaires. Cette situation place le Gouvernement dans un besoin pressant de faire recours aux Facilités de Crédit Rapide (FCR) du FMI. Une telle dépendance financière renferme de potentiels risques de conflits sociaux en cas de refus de la part des Institutions financières de Bretton Woods ou de l’Union Européenne d’accéder à des demandes de décaissements. A propos de risques de conflits sociaux, la récente grève observée dans les régies financières est une alerte à prendre très au sérieux.
Dans ces moments difficiles que la République Centrafricaine traverse, notre formation politique et son Leader François BOZIZE YANGOUVONDA, tout en réaffirmant notre soutien au Président de la République, le Professeur Faustin Archange TOUADERA et au Gouvernement :
- Invitons l’Exécutif à faire preuve d’inventivité voire d’agressivité diplomatiques pour sortir notre pays de son isolement ;
- Apportons notre soutien sans réserves à l’Initiative Africaine de Paix et de Réconciliation en RCA sous l’égide de l’Union Africaine ;
- Exhortons le Médiateur International dans la crise centrafricaine S.E Denis SASSOU N’GUESSO, au nom de la solidarité africaine en général et des valeurs bantoues en particulier, à se ré-investir dans la gestion de la crise centrafricaine comme il avait su le faire, à l’époque, dans la partie australe de notre continent avec succès ;
- Exhortons également S.E Idriss DEBY ITNO, Président du TCHAD, fin connaisseur de la crise centrafricaine et des différents acteurs, Président en exercice de la CEMAC à œuvrer à la stabilisation de la situation en RCA ;
- Apprécions, à sa juste valeur, la volonté clairement affichée d’une reprise en main du dossier centrafricain par notre partenaire privilégié, la FRANCE, qui avait su agir, en son temps, au MALI. Ce qui avait permis d’éviter la propagation de la peste djihadiste dans ce pays et dans la Sous-Région d’Afrique de l’Ouest.
Aux termes de cette analyse sur la situation de la République Centrafricaine, il apparait clairement que toutes les initiatives extérieures de règlement de la crise centrafricaine ne sauraient se substituer ni à la volonté ni à la responsabilité des acteurs centrafricains eux-mêmes pour faire sortir notre pays de l’actuel engrenage mortifère.
Evoquant le rôle qui incombe aux acteurs nationaux dans le règlement des crises sur le continent africain, l’Ancien Secrétaire Général des Nations Unies S.E Kofi ANNAN affirmait : “La paix et la sécurité ne peuvent être imposées de l’extérieur. La responsabilité première en revient aux dirigeants des pays concernés“.
Fait à Bangui, le 28 Juin 2018
Pour le Bureau Politique
Honorable Bertin BEA,
Secrétaire Général,
Ancien Ministre