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Début de l’entraînement de la milice AZANDE ANI KPI GBE par des mercenaires russes

Début de l’entraînement de la milice AZANDE ANI KPI GBE par des mercenaires russes

 

Les miliciens AZANDE ANI KPI GBE en joie après leur réunion avec les mercenaires russes le 1er mars 2024 à Obo, dans la préfecture du Haut-Mbomou
Les miliciens AZANDE ANI KPI GBE en joie après leur réunion avec les mercenaires russes le 1er mars 2024.

 

 

Bangui, 27 mars 2024 (CNC)  

 Dans la quête controversée de sécurité, Obo devient l’épicentre de tensions croissantes.

 

Dans le calme apparemment précaire de la préfecture du Haut-Mbomou, un nouvel acteur prend une place prépondérante dans le ballet géopolitique qui se déroule en République centrafricaine. À l’ombre de la paix souhaitée par les populations locales, les autorités centrafricaines semblent naviguer sur une mer agitée par des vents contraires. Leur récente décision d’engager des mercenaires russes pour former les milices AZANDE ANI KPI GBE à Obo suscite des inquiétudes et inquiète profondément une partie de la population du Haut-Mbomou.

 

La spirale de la violence dans le Haut-Mbomou

 

Depuis près de deux ans, la préfecture du Haut-Mbomou est le théâtre de violences incessantes qui marquent profondément le tissu social et économique de la région. Les affrontements sanglants entre les miliciens AZANDE ANI KPI GBE et les rebelles de l’UPC, l’Unité pour la paix en République centrafricaine, ont laissé derrière eux une traînée de destruction et de désolation, faisant de nombreuses victimes tant parmi les combattants que parmi la population civile.

 

 Les efforts infructueux de la MINUSCA

 

La MINUSCA, la mission de l’ONU chargée de la stabilisation de la République centrafricaine, s’est efforcée de mettre fin à ce cycle de violence par des négociations de paix et des appels au désarmement. Malgré ces efforts, les miliciens d’Azande restent fermement opposés à toute idée de déposer les armes, alimentant un conflit qui semble sans fin. Les civils, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, se retrouvent souvent pris entre deux feux, payant un lourd tribut dans un conflit qui les submerge.

Les AZANDE ANI KPI GBE manifestent leur joie pour leur formation par les mercenaires russes du groupe Wagner.
Les AZANDE ANI KPI GBE manifestent leur joie pour leur formation par les mercenaires russes du groupe Wagner.

 

LArrivée Stratégique de Wagner à Obo

 

Le 1er mars marque une date charnière dans l’histoire récente de la préfecture du Haut-Mbomou. Un premier groupe de mercenaires russes du groupe Wagner débarque à Obo ce jour-là, signalant une escalade dans un conflit déjà complexe. Leur mission est de rencontrer et de coordonner les opérations avec les miliciens azande, mais l’issue de cette réunion révèle des intentions bien plus sombres.

 

Une Réunion Exclusive et Excluante

 

Organisant une rencontre le 1er mars avec la milice AZANDE ANI KPI GBE, le groupe Wagner prend immédiatement une position provocatrice en chassant de la salle de la réunion des figures clés de l’autorité locale : le préfet du Haut-Mbomou et le commandant du détachement de l’armée nationale à Obo. Les raisons de cette exclusion sont claires et troublantes. Les mercenaires russes accusent ces autorités de ne suivre que les directives de la MINUSCA, l’accusant de favoriser le désordre plutôt que de rechercher la paix.

 

« En ne suivant que les ordres de la Minusca, vous choisissez le chaos au lieu de la souveraineté de votre nation », a déclaré un membre du groupe Wagner lors de la réunion, illustrant la méfiance à l’égard des efforts de paix internationaux.

 

Des promesses lourdes de conséquences

 

Plus inquiétant encore, lors de cette réunion, les mercenaires russes font une promesse aux miliciens de l’AZANDE ANI KPI GBE : les armer et les former à lutter contre les rebelles de l’UPC. Cette décision marque un tournant, non seulement dans la stratégie militaire de la région, mais aussi dans l’équilibre précaire entre les forces en présence.

 

« Nous vous donnerons les moyens de défendre votre terre contre les rebelles », assure un autre mercenaire wagnérien aux miliciens, soulignant un engagement qui pourrait bien changer la donne.

Trois combattants rebelle de l'UPC à Mboki, au sud-est de la République centrafricaine. CopyrightCNC
Trois combattants rebelle de l’UPC à Mboki, au sud-est de la République centrafricaine. CopyrightCNC

 

Une dynamique conflictuelle modifiée

 

L’introduction de Wagner dans l’équation modifie profondément la dynamique du conflit dans le Haut-Mbomou. En choisissant de soutenir activement les miliciens azandes, le groupe Wagner ne se contente pas de prendre parti dans le conflit ; Il en redéfinit les termes et les enjeux, ce qui risque d’exacerber la violence dans une région déjà secouée par des années de lutte.

 

Le début formel de l’entraînement militaire à Obo

 

Après une première réunion le 1er mars marquée par des promesses audacieuses et des exclusions notables, le groupe Wagner passe à l’action. Samedi 23 mars dernier, un contingent composé de 18 mercenaires russes, accompagnés de 15 soldats des FACA, marque son arrivée à Obo. L’objectif ? Pour commencer la formation militaire annoncée des miliciens, un projet qui suscite autant d’espoirs de sécurité chez les uns que de craintes d’escalade chez les autres.

 

Un déploiement logistique considérable

 

Arrivées avec un équipement conséquent, les forces Wagner et les soldats des FACA semblent préparer le terrain pour une opération de grande envergure. Le lieu choisi pour cette formation n’est autre que le terrain de football de l’église catholique, situé derrière le collège Saint-Paul 2, un choix symbolique qui ne manque pas de susciter des tensions au sein d’une communauté déjà fragile.

 

« L’église était censée être un lieu de paix, et maintenant elle devient un terrain d’entraînement militaire », commente un habitant du quartier AIM à Obo, soulignant le contraste choquant entre la vocation initiale de l’espace et son utilisation actuelle.

 

Des objectifs militaires ambitieux

 

L’ambition affichée par le groupe Wagner et le gouvernement centrafricain à travers cette formation est claire : fournir aux miliciens d’Azande les compétences et l’armement nécessaires pour lutter efficacement contre les rebelles de l’UPC. Cette décision, bien qu’elle puisse sembler répondre à un besoin de sécurité, soulève de nombreuses questions quant à la pérennité de la paix dans la région.

 

« Nous sommes là pour vous rendre maîtres de votre destin », affirme un formateur wagnérien, promettant une transformation radicale des capacités de combat des miliciens.

 

Vagues successives de formation

 

Wagner et les forces des FACA ont planifié un programme en plusieurs étapes, divisé en vagues successives, chacune destinée à préparer et à armer un groupe différent de miliciens. La promesse d’une formation accélérée sur un mois pour chaque vague reflète l’urgence perçue par Wagner et les autorités centrafricaines face à la menace rebelle de l’UPC. Cette stratégie d’entraînement par vagues suggère une volonté de maximiser rapidement le potentiel militaire des miliciens azandes.

Enjeux sécuritaires et éthiques

 

Cette opération d’envergure soulève des questions éthiques et sécuritaires. L’utilisation d’un lieu de culte et d’éducation comme centre d’entraînement militaire interroge les conséquences à long terme de telles décisions sur la cohésion sociale et le tissu urbain d’Obo. De plus, la stratégie d’intégration de Wagner dans la vie quotidienne des habitants pourrait avoir des répercussions imprévues sur la dynamique du conflit dans la région.

Un milicien AZANDE ANI KPI GBE capturé par les rebelles de l'UPC lors de leur dernier affrontement entre Mboki et Obo

 

L’initiative de formation menée par Wagner à Obo est un moment charnière pour la préfecture du Haut-Mbomou, promettant de modifier considérablement le paysage sécuritaire local. Alors que les vagues d’entraînement se succèdent, l’avenir de la région reste incertain, oscillant entre espoirs de renforcement défensif et craintes d’une escalade de la violence. La communauté d’Obo, témoin et partie prenante de cette transformation, se trouve à un moment charnière, face à un avenir dont les contours restent à dessiner.

 

La divergence des missions : la MINUSCA contre Wagner

 

La présence de la MINUSCA, la mission de paix des Nations unies en République centrafricaine, est particulièrement critique pour les mercenaires du groupe Wagner. Pour eux, l’intervention de la MINUSCA, majoritairement composée et soutenue par les pays occidentaux, est loin d’être bénéfique. Selon eux, loin de contribuer à la paix, la MINUSCA serait un facteur de désordre, une revendication qui s’enracine dans une vision profondément divergente des objectifs de paix dans la région.

 

Le choc des philosophies

 

Cette tension n’est pas seulement idéologique, elle se manifeste aussi sur le terrain. Les mercenaires de Wagner et leurs alliés locaux considèrent la MINUSCA comme un obstacle à leurs opérations, accusant même la mission de paix de promouvoir le chaos. Cette hostilité trouve son origine dans les tentatives de la MINUSCA de négocier le désarmement des groupes armés, efforts qui se sont heurtés à une forte résistance de la part des miliciens d’Azande.

 

Suprématie contestée

 

Dans la ville d’Obo, le groupe Wagner, en étroite collaboration avec les miliciens azandes, cherche à établir un nouvel ordre de force. Les mercenaires russes, tout en travaillant aux côtés des forces des FACA, semblent promouvoir les miliciens comme les nouveaux gardiens de la sécurité. Cette dynamique complique encore la situation, les miliciens azandais gagnant en influence et en pouvoir, souvent aux dépens des forces armées nationales.

 

Le rôle ambigu des FACA

 

Les soldats des FACA, bien que présents et actifs dans la région, se trouvent dans une position délicate. Leur rôle est à la fois complémentaire et en concurrence avec celui des miliciens azande, désormais promus par Wagner comme la principale force de la ville. Cette réorganisation des pouvoirs locaux laisse présager une possible marginalisation des forces régulières au profit d’une milice dont la légitimité et les méthodes sont contestées.

 

Vers quelle paix ?

 

L’évolution de la situation à Obo soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la mission de paix en République centrafricaine. Avec le groupe Wagner imposant un nouvel ordre, souvent en contradiction avec les principes et les objectifs de la MINUSCA, le chemin vers la paix semble plus incertain que jamais. La coexistence de ces forces aux philosophies diamétralement opposées laisse présager un avenir complexe et potentiellement conflictuel pour la région.

 

La situation à Obo et dans la préfecture du Haut-Mbomou illustre parfaitement les défis auxquels est confrontée la mission de paix de la MINUSCA face à des acteurs comme le groupe Wagner, qui promeuvent une approche radicalement différente. Dans ce contexte de pouvoir contesté et de missions divergentes, trouver un terrain d’entente pour la paix s’avère être un défi majeur. Les implications de cette confrontation entre la MINUSCA et Wagner pour la population locale sont profondes, soulignant la complexité du rétablissement de la stabilité dans une région où les visions de paix et de sécurité s’affrontent.

 

Naviguer dans l’incertitude

 

Dans l’écheveau complexe de conflits, d’intérêts et de missions qui caractérise la situation actuelle à Obo et dans la préfecture du Haut-Mbomou, la présence concomitante de la MINUSCA et du groupe Wagner soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la paix et de la stabilité en République centrafricaine. Alors que la MINUSCA poursuit ses efforts pour une résolution pacifique des conflits, l’arrivée et les actions de Wagner introduisent une nouvelle dynamique potentiellement déstabilisatrice, favorisant les miliciens azandés au détriment de l’ordre établi et des forces nationales.

 

Par Alain Nzilo

 

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