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Coup de théâtre à Bangui : le communiqué du parquet qui accuse en voulant disculper le ministre Abazène de sa mafia

Coup de théâtre à Bangui : le communiqué du parquet qui accuse en voulant disculper le ministre Abazène de sa mafia

 

Le ministre d'État en charge de la justice Arnaud Djoubaye Abazene copyright CNC
Le ministre d’État en charge de la justice Arnaud Djoubaye Abazene. copyright CNC

 

Un nouveau rebondissement dans l’affaire des faux billets secoue la capitale centrafricaine. Le communiqué du parquet du Tribunal de Grande Instance de Bangui, publié le 23 août, loin d’éclaircir la situation, semble être une tentative maladroite de disculper le ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène, pourtant au cœur du scandale.

 

Bangui, 26 août 2024.

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique.

 

Un communiqué suspect.

 

Le document officiel reconnaît l’arrestation de trois suspects : Moro Dasylva Sylvain, Yaya Saidou Younous et Aboubakar Abdoulaye,  en possession de 44 950 000 francs CFA en faux billets. Cependant, il insiste curieusement sur des détails procéduraux, accusant l’officier de police chargé de l’enquête d’avoir déposé les billets à la Banque centrale sans l’aval du parquet.

 

Plus troublant encore, le communiqué affirme que le ministre Abazène “n’est impliqué ni de près ni de loin dans ce dossier”. Cette déclaration contredit de nombreux témoignages recueillis sur les interventions répétées du ministre pour faire libérer les suspects, dont l’un serait son cousin.

 

Un magistrat sous couvert d’anonymat déclare : “Ce communiqué pue la manipulation. On tente de noyer le poisson en se focalisant sur des détails de procédure, alors que l’essentiel est ailleurs. Pourquoi le ministre s’acharne-t-il tant à récupérer ces faux billets ?”

 

Les pressions du ministre Abazène.

 

Selon plusieurs sources au sein de la police, le ministre Abazène aurait personnellement tenté d’intervenir dès le lendemain de l’arrestation pour obtenir la libération des suspects. Il aurait d’abord exercé des pressions sur un substitut du procureur, puis directement sur le procureur de la République.

 

Un greffier témoigne : “Ce n’est pas la première fois que le ministre use de son influence pour protéger son parent impliqué dans des activités illégales. Il est habitué à faire libérer des malfrats dans la capitale”.

 

Un système mafieux bien rodé du

ministre Abazène.

 

L’affaire lève le voile sur un système impliquant de hauts responsables de l’État centrafricain. Le réseau disposerait de complices au sein même des banques, facilitant l’échange des faux billets contre de vrais.

 

“Ils ont leurs complices dans des banques. Ils amènent ça à la banque et la banque récupère. Puis ils donnent des vrais billets, un échange rapide. À travers cet échange, ils ont maintenant un faux billet transformé en vrai billet de banque et ça circule”, explique un ancien enquêteur familier de ces pratiques.

 

Le ministre Abazène utiliserait ce système depuis longtemps pour s’enrichir illégalement. Son acharnement à récupérer les faux billets saisis témoigne de son implication directe dans ce trafic.

 

Un bras de fer entre police et justice.

 

Face aux pressions, le chef du service de sûreté urbaine, qui est également l’enquêteur principal du dossier,  a pris l’initiative de déposer les faux billets à la Banque centrale, obtenant un reçu officiel. Cette décision a provoqué la colère du parquet, qui a refusé de recevoir le dossier sans les billets en nature.

 

“Le procureur a dit qu’il faut que le chef du service apporte les 43 millions de faux billets en espèces dans son bureau. Il veut tous les billets en espèces, pas les reçus de la banque centrale”, rapporte une source proche du dossier.

 

En réaction, le procureur a coupé toute relation avec le commissariat central, paralysant de fait le travail de la police judiciaire. Cette situation révèle les tensions profondes entre institutions et les luttes d’influence qui gangrènent l’appareil judiciaire centrafricain.

 

Un conflit d’autorité révélateur.

 

Le communiqué du parquet révèle un autre aspect troublant de l’affaire. Le procureur accuse l’officier de police d’avoir obéi aux ordres du Directeur Général de la police nationale plutôt qu’à ceux du parquet. Cette accusation prend une dimension particulière à la lumière des déclarations du ministre Abazène lui-même.

Selon des sources proches des familles des suspects, le ministre aurait affirmé que c’est le Directeur Général de la police, monsieur Bienvenu Zokoué  qui a confisqué les 44 millions de francs CFA en faux billets. Cette contradiction flagrante soulève de sérieuses questions. Pourquoi le ministre cherche-t-il à impliquer le Directeur de la police ? S’agit-il d’une tentative de détourner l’attention de sa propre implication ?

Ce conflit apparent entre le parquet, la police et le ministère de la Justice révèle les luttes intestines qui paralysent l’appareil d’État centrafricain. Il démontre en plus un dysfonctionnement profond du système judiciaire, où les intérêts personnels semblent primer sur la recherche de la vérité et la justice.

Les détails de l’arrestation.

 

L’affaire a éclaté le 3 août 2024, lorsque les trois suspects ont été appréhendés à la station Relais Sica. L’un d’eux tentait d’écouler un faux billet pour acheter du carburant. La fouille de leur véhicule a révélé l’ampleur du trafic : des millions en fausses coupures, fraîchement importées du Qatar selon les premières informations de l’enquête.

 

Des questions sans réponses.

 

Malgré le communiqué du parquet, de nombreuses zones d’ombre persistent. D’où proviennent exactement ces faux billets ? Qui sont les commanditaires de ce trafic ? Pourquoi le ministre de la Justice est-il si désireux de récupérer ces faux billets ?

 

Le silence du gouvernement sur ces questions cruciales est assourdissant. Le Premier ministre Félix Moloua n’a fait aucune déclaration sur cette affaire qui ébranle pourtant les fondements de l’État.

 

Un test pour l’État de droit.

 

Cette affaire constitue un test majeur pour l’État de droit en Centrafrique. La capacité des institutions à mener une enquête impartiale, y compris sur de hauts responsables, est remise en question.

 

“On dit que la justice c’est la mafia, c’est la mafia, Abazène a instauré la mafia au sein de la justice. Les gens disent que c’est du mensonge. Voilà maintenant une autre preuve”, s’indigne un jeune magistrat centrafricain.

 

Le président Faustin-Archange Touadéra, surnommé Baba Kongoboro, qui a fait de la lutte contre la corruption l’un des axes majeurs de son mandat, se trouve maintenant au pied du mur. Sa capacité à sanctionner un ministre de premier plan impliqué dans une affaire aussi grave sera un test décisif pour la crédibilité de son action.

 

L’avenir de l’enquête incertain.

 

Pour l’heure, le bras de fer entre la police et le parquet se poursuit. Le chef de la sûreté urbaine a été convoqué par le procureur, probablement pour subir des pressions. L’issue de cette confrontation sera déterminante pour l’avenir de l’enquête.

 

Les citoyens centrafricains, eux, attendent des actes concrets pour restaurer leur confiance dans les institutions. L’avenir de l’État de droit en Centrafrique pourrait bien se jouer dans la résolution de ce scandale qui ébranle les fondements mêmes de la République.

 

Alors que le communiqué du parquet tente maladroitement de blanchir le ministre Abazène, l’opinion publique reste sceptique. La vérité sur cette affaire de faux billets sera-t-elle un jour révélée ? Ou assistons-nous à une énième tentative d’étouffer un scandale d’État ? Seule une enquête indépendante et transparente pourrait apporter des réponses à ces questions cruciales pour l’avenir de la démocratie centrafricaine.

 

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