Comment les produits avariés empoisonnent à petit feu les pauvres centrafricains….

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Consommer devient un pari risqué en Centrafrique. Poissons putréfiés, viandes gâtées, conserves hors d’âge : les produits avariés pullulent, fruits d’une négligence chronique. Ce péril alimentaire, tapi dans l’ombre, grignote la vitalité d’une nation laissée à l’abandon. Ce n’est pas une récente découverte, mais un mal insidieux qui s’étend sur des décennies, gangrenant le quotidien des habitants sous le regard impuissant – ou indifférent – des autorités.
Le problème commence bien avant que les produits n’atteignent les étals. Prenons la viande : dès l’abattage, souvent réalisé dans des conditions précaires, elle souffre d’un manque criant d’hygiène et de conservation. Les températures élevées, les coupures d’électricité fréquentes et l’absence de chambres froides dignes de ce nom accélèrent sa dégradation. Puis viennent les produits congelés, importés de pays comme la Chine, la Turquie ou le Cameroun. Ces cargaisons, entassées dans des conteneurs mal réfrigérés, subissent des trajets interminables – par mer ou par route – dans des conditions qui annihileraient toute tentative de préservation. À leur arrivée, près de 80 % de ces poissons ou viandes sont déjà dans un état de putréfaction avancée. Pourtant, ils s’écoulent sur les marchés, vendus à bas prix à une population qui, acculée par la pauvreté, n’a souvent d’autre choix que de fermer les yeux.
Un exemple concret illustre cette dérive. En 2004, un Centrafricain revenu de France envoie ses enfants acheter une boîte de lait dans une boutique du coin, quartier Fouh, dans le quatrième arrondissement de Bangui. En examinant le produit, il s’aperçoit que la date de péremption est dépassée depuis longtemps. Furieux, il renvoie ses enfants le rapporter au vendeur avec un message clair : ce produit est impropre, il est expiré. La réponse du boutiquier fuse, teintée d’ironie : « Ton père, depuis qu’il est revenu de France, il lit tout, même les petites lignes sur les boîtes! ». Cette réplique, presque anecdotique, révèle une vérité glaçante : l’omniprésence des denrées avariées est si banale qu’elle en devient une norme tacitement acceptée. Les conserves périmées, les poissons nauséabonds, les viandes verdâtres ne choquent plus ; ils font partie du paysage.
Mais le tableau s’assombrit encore. Dans les grandes villes comme Bangui ou dans les zones rurales, la misère pousse les plus démunis à des extrémités désespérées. Enfants aux pieds nus, familles brisées par la précarité : ils sont nombreux à fouiller les décharges pour récupérer des rebuts alimentaires. Ces déchets, parfois jetés par la douane après une saisie tardive, ou abandonnés par la MINUSCA et les administrations, deviennent une pitance pour ceux que la société a oubliés. Ce qui était censé être détruit finit dans leurs estomacs, au mépris de toute dignité humaine et des risques sanitaires évidents.
Les conséquences sont toutes aussi dramatiques. Les intoxications alimentaires se multiplient, souvent masquées par le manque d’accès aux soins. Des maladies plus sournoises : infections, troubles digestifs chroniques, voire empoisonnements à long terme, minent la santé d’une population déjà fragilisée par la malnutrition et les conditions de vie rudes.
Les produits avariés ne tuent pas toujours sur le coup ; ils usent les corps à petit feu, dans une indifférence qui confine à l’absurde.
Devant cette hécatombe silencieuse, les autorités brillent par leur inertie. Les contrôles, quand ils existent, sont sporadiques, mal équipés et rarement suivis d’effet. Les abattoirs ne sont pas surveillés, les importations échappent à toute vérification rigoureuse, et les boutiquiers écoulent leurs stocks périmés sans craindre de sanctions. Les rares mesures annoncées – comme des campagnes d’inspection ou des promesses de normes renforcées – restent lettres mortes, engluées dans une bureaucratie sclérosée et un manque criant de moyens. Pendant ce temps, le peuple paie le prix fort, victime d’un système qui semble avoir abdiqué toute responsabilité.
Pourtant, des solutions existent. Un contrôle implacable dès l’entrée des marchandises sur le territoire, des infrastructures de stockage dignes de ce nom, des sanctions dissuasives pour les contrevenants : ces mesures, si elles étaient appliquées, pourraient enrayer le fléau. Mais cela exige une volonté politique qui, pour l’heure, fait défaut. Restaurer la salubrité des aliments, ce n’est pas seulement une question de santé publique ; c’est un impératif moral pour redonner aux Centrafricains la certitude qu’ils peuvent nourrir leurs familles sans jouer à la roulette russe.
Ce scandale, ancré dans l’habitude et l’abandon, ne peut plus être ignoré. Les produits avariés ne sont pas une fatalité ; ils sont le signal d’un désintérêt coupable. Il est temps que la Centrafrique cesse de laisser son peuple se consumer à petit feu, empoisonné par ce qu’il mange….
CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE
Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21
Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com
Rejoignez notre communauté
Chaine officielle du CNC
Invitation à suivre la chaine du CNC
Note : les deux premiers groupes sont réservés uniquement aux publications officielles du CNC