Rédigé Par Jeune Afrique
Publié par Corbeaunews Centrafrique (CNC), le samedi 26 mars 2022
Depuis dix mois, Moscou n’a plus d’ambassadeur à Bangui. Un vide que le groupe militaire Wagner n’a pas tardé à combler.
Nommé ambassadeur de Russie en Centrafrique le 10 janvier, Alexandre Bikantov, qui a été directeur adjoint chargé de la Communication au ministère des Affaires étrangères, n’a toujours pas posé ses valises à Bangui. Depuis mai 2021, Moscou n’a donc plus d’ambassadeur à Bangui, le dernier, Vladimir Titorenko, ayant officiellement quitté son poste pour raisons de santé (les séquelles d’une blessure par balle reçue en Irak en 2003).
Plusieurs fois annoncée, l’arrivée d’Alexandre Bikantov n’a cessé d’être repoussée. Selon nos informations, une nouvelle date avait été #xée ce 25 mars –, mais le diplomate ne figure pas parmi les passagers du vol Air France qui devait le mener en Centrafrique.
L’ambassade de Russie doit donc continuer de fonctionner avec un chef de section consulaire et un chargé d’affaires. Une situation étonnante dans ce pays où Moscou et Paris sont engagés dans un bras de fer depuis des mois.
Confusion
Le groupe paramilitaire russe Wagner a su profiter de cette situation. Ce sont ses cadres qui s’achent lors des cérémonies o” siège qu’organisent les autorités centrafricaines à l’Assemblée nationale, à la primature ou à la présidence. Les diplomates russes en poste en Centrafrique commencent d’ailleurs à s’inquiéter de cette omniprésence et de la confusion qui en découle.
Lorsqu’il prendra ses fonctions, Alexandre Bikantov aura donc fort à faire pour s’imposer face à cette « Russie officieuse », solidement implantée au cœur du pouvoir centrafricain. À Bangui, on soupçonne même le groupe Wagner d’intriguer à Moscou pour retarder l’arrivée de l’ambassadeur.
Contacté par Jeune Afrique, un ministre centrafricain raconte ne pas toujours savoir avec qui traiter. « Les Russes débarquent au ministère sans se soucier du protocole. Mais on doit les recevoir et, souvent, donner suite à leur requête, parce que personne ne sait qui est membre de l’ambassade et qui fait partie de Wagner », raconte-t-il.
Deux mille combattants
Dans les chancelleries étrangères, le malaise est tout aussi palpable. « Les autorités centrafricaines n’arrêtent pas de dire que la Russie est un partenaire privilégié. Les efforts [pour trouver une issue à la crise politico-sécuritaire] seront vains tant que nous n’aurons pas d’interlocuteur officiel [russe] dans le pays », soupire un diplomate occidental.
Reste que Wagner a indéniablement un coup d’avance sur l’ambassade de Russie. Avec un peu plus de deux mille combattants dans le pays, cette organisation renforce les capacités militaires des Forces armées centrafricaines dans la lutte contre les groupes armés. Pendant ce temps, la Russie officielle en est encore à tisser des liens avec le gouvernement et à tenter de lancer des projets ou de proposer des bourses à une poignée d’étudiants méritants.
Est-ce un signe ?
Depuis sa nomination, en février, Félix Moloua, le nouveau Premier ministre centrafricain, a reçu la plupart des diplomates en poste à Bangui, à l’exception des Russes.