Centrafrique : Touadéra et les groupes armés, vers une déportation du pouvoir de Bangui sur le sol angolais ?
Bangui, le 13 avril 2017.
Par : Gisèle MOLOMA, CNC.
Si le président Touadéra allia Tortue de Damara marche comme son pseudonyme la tortue dans le traitement des gros dossiers comme ceux des groupes armés à travers des pourparlers de Luanda, la Communauté internationale, quant à elle, ne cesse de se diviser sur ces nièmes négociations avec les groupes qu’elle qualifie des criminels. Pour les Nations unies et certains pays d’Europe et d’Amérique, il est pratiquement inutile d’envisager une autre négociation, probablement coûteuse en terme financier, avec les potentiels clients de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui ne veulent que se soustraire à la justice. Tandis que pour certains présidents d’Afrique centrale, une véritable négociation directe avec les principaux acteurs du conflit centrafricain, criminels et mes voleurs confondus, avec à la clé une amnistie, pourrait résoudre dans la durée le problème socio-politico-militaire de ce pays. Qu’en est-il pour le pouvoir de Bangui ?
Très discrets et confidentiels, selon les termes utilisés par les acteurs de ce dossier, les pourparlers de Luanda en Angola entre les groupes armés d’une part et entre eux et le président Touadéra d’autre part s’étaient très vite retrouvés sur la place publique en raison d’importants écarts des points de vue des différents meneurs de cette tractation.
Pour ceux qui n’ont rien à se reprocher dans cette crise, la justice pour les victimes reste l’unique chemin qui mènera la Centrafrique vers une réconciliation véritable et un développement durable. « Si tous les leaders des groupes armés sont jugés et condamnés, les jeunes criminels grandissants réfléchiront mille et une fois avant de prendre les armes et s’en prendre au civil». Renchérit un avocat centrafricain contacté par CNC. Cette idée est soutenue par les Nations unies et les pays d’Europe et d’Amérique. D’où l’idée de la création de la Cour Pénale Spéciale en Centrafrique pour juger les moyens criminels de 2002 à 2025 et l’ouverture d’enquête internationale par la CPI pour s’occuper des baobabs.
Pour les acteurs du terrain, leurs parrains et pourvoyeurs de fonds et matériels, il n’est pas opportun de créer des tribunaux sur tribunaux, des Cours sur les Cours déjà nombreux. Amnistier tout le monde et ils se réconcilieront d’eux-mêmes. La justice, c’est l’affaire des victimes et non d’une tierce personne réunie. C’est l’idée soutenue par certains Chefs d’État d’Afrique centrale dont Idris Déby Itno.
Pour ce dernier qui a repris le lead, les anciens rebelles devenus Chefs de l’État grâce aux sangs de leurs compatriotes, à savoir François Bozizé et Michel Dojotdja, doivent rentrer en Centrafrique et jouir d’une immunité judiciaire totale de leurs statuts des anciens Chef d’État dans leur pays. Ils ne doivent, en aucun cas, ni inquiétés, ni poursuivis en justice par la Communauté internationale, mais par leurs propres frères centrafricains si ceux-ci souhaitent le faire. Une position très embarrassante pour le président Touadéra et son entourage qui ne savent plus quoi dire et faire d’autant plus que celle-ci est très appréciée par les leaders des groupes armés qui s’activent depuis des mois pour la concrétisation de rendez-vous de Luanda.
Quelle est la position du président Touadéra ?
Difficile à ce jour de la savoir. Sommé par le Conseil de sécurité des Nations-Unies à mettre dans son to-do-list pour sa deuxième année au pouvoir l’arrestation de tous les leaders des groupes armés y compris Michel Djotodja, Nourredin Adam et François Bozizé d’une part et d’autre part sous les pressions et directives de ses paires d’Afrique centrale, Faustin Archange Touadéra a du mal à s’exprimer d’une seule voix. C’est désormais avec ses deux voix qu’il s’exprime : La voix de son mental et celle de son âme, selon que vous êtes « blancs » ou « noirs ».
« La réconciliation ne peut s’accomplir au prix de l’impunité », avait déclaré le président Touadéra lors de la conférence de bailleurs de fonds de Bruxelles en novembre 2016.
Devant le Conseil de sécurité lors de son dernier voyage à New York, le président Touadéra répète : « On nous demande d’appliquer l’amnistie aux auteurs de crimes graves et autres atteintes aux droits en oubliant que l’amnistie est une mesure législative qui ne relève pas des compétences du pouvoir exécutif… » et fonce et enfonce le clou : « Pourquoi l’on continue de faire pression sur les autorités légitimes à accorder un traitement de faveur, c’est-à-dire l’impunité, à ceux- là qui refusent de reconnaître la légitimité établie avec le soutien de la communauté internationale….. »
D’après nos informations, la position prise par le président Touadéra devant la Communauté Internationale n’a pas du tout plu à ses paires d’Afrique centrale. D’ailleurs l’Un d’eux, d’après nos sources, lui aurait téléphoné afin qu’il lui répète exactement ce qu’il a dit devant les membres de Conseil de sécurité. Et le président Touadéra lui aurait signifié que ce qu’il a dit aux Etats-Unis, il l’a dit pour les « blancs » par ce qu’il lui faut tenir un tel langage devant eux, mais entre nous en Afrique c’est un autre leangage.
Cette pratique politicienne à facette double et cette bipolarisation, à la manière des diables, de langage diplomatique du président Touadéra, d’après nos informations, auraient irrité gravement les nerfs des initiateurs des pourparlers de Luanda. Selon nos sources, ils envisagent de déporter dans cette capitale d’Angola, comme l’a fait Idriss Déby Itno en 2013 à Ndjamena, le gouvernement, l’Assemblée nationale, le président Touadéra et certains hommes politiques afin de finaliser ces pourparlers. D’après nos sources, tout doit se faire en moins de 48 heures, à jeun à Luanda : une fois l’Accord de Paix signé entre le président Touadéra et les rebelles, le gouvernement démissionne et l’Assemblée vote la loi d’amnistie ou paraphe le texte avant qu’ils reprennent le ciel pour Bangui. Des moyens financiers comme logistiques sont en train d’être mobilisés.
Pour un diplomate africain en poste à Bangui, c’est une solution idéale aux lenteurs du président Touadéra et de son gouvernement. « L’homme est extrêmement lent dans sa prise de décision. Il se laisse trop entraîner par des gourous qui veulent à tout prix profiter du chao centrafricain pour s’enrichir. Pour une décision à prendre en une minute, il lui faut 30 jours, voire plus, pour décider. Du jamais vu » poursuit ce diplomate.
Pour un politologue centrafricain contacté par CNC, la Centrafrique ne connaîtra plus cet affront subi en 2013, notamment l’idée de déportation de nos Institutions pour aller débattre le problème du pays dans une autre capitale. Il ne croit plus, non plus, aux pourparlers de Luanda, car le président Touadéra, d’après ses contacts à lui, court-circuite et consulte en ce moment les groupes armés afin de former son gouvernement Sarandji II.
Rappelons que depuis 2012, plusieurs tables rondes et négociations ont été organisées afin d’achever la crise centrafricaine, mais aucun début de solution n’est jusqu’alors, remarqué. Peut-on dire que celle de l’Angola trouverait-elle un début de solution ? Loin, s’en faut. Et d’après ce qui se crayonne au Palais de Touadéra, les pourparlers de Luanda ne sont que des projets mort-nés comme l’Accord de Nairobi au temps de la transition.
Copyright2017CNC.