TV5 / CNC: 07-11-2014, 16h07.
Les troubles persistants en Centrafrique ont provoqué une nouvelle flambée des prix à Bangui sur fond d’effondrement de la production agricole, aggravant encore les difficultés au quotidien d’une population épuisée.
La dernière vague de violences dans la capitale, en octobre, s’est traduite par une paralysie du quartier du PK-5, poumon commercial de la ville et épicentre des affrontements intercommunautaires depuis le déclenchement de la crise centrafricaine, en 2013.
Le centre commercial a depuis repris ses activités mais la peur continue de hanter les esprits. “Bon, si c’est calme on revient vendre. Si ce n’est pas le cas, on se terre c’est tout”, explique à l’AFP Assan Aoudou Mahamat, jeune quincailler.
Au PK-5, on trouve un peu de tout sur les étalages, dans les échoppes et sur les marchés.
Mais les taxis refusent de desservir le secteur, redoutant de nouvelles violences dans le quartier, dont presque tous les commerçants sont musulmans et qui a été assiégé pendant des mois par des miliciens anti-balaka à majorité chrétienne, hostiles à la minorité musulmane, et des bandes de pillards.
Ils s’arrêtent à plus d’un kilomètre, déposent les passagers et repartent vers le centre-ville dans un concert de klaxons.
– Manioc ‘pas à la portée de tous’ –
L’accès difficile aux commerces, ajouté à l’insécurité dans le pays, alimente l’inflation des produits de base: farine de manioc – aliment de base des Centrafricains -, viande de boeuf, lait en poudre, huile, sucre, ciment…
“On ne peut pas circuler librement pour atteindre l’arrière-pays ou bien la frontière camerounaise et ramener assez de denrées et de produits pouvant changer la donne. Partout il y a l’insécurité”, déplore Albert Yonga, commerçant.
“Le sac de manioc est passé de 13.000 francs (CFA, près de 20 euros) à 16.000 francs, voire 18.000 francs. Ce n’est pas à la portée de tous les ménages”, constate, dépitée, Marie Yassé, mère au foyer.
“Avant la crise, on pouvait bien manger avec 3.000 CFA par jour. Désormais ce n’est plus le cas. Il faut au moins 6.000 CFA ou 9.000 pour qu’une famille nombreuse puisse s’alimenter normalement”, soupire Agnès Nguiba, fonctionnaire.
Car la crise s’est aussi traduite par un effondrement de la production agricole, aggravé par la présence de groupes armés éparpillés dans le pays qui pillent les camions de marchandises, malgré le déploiement de forces internationales.
“On ne peut pas circuler librement pour atteindre l’arrière-pays ou bien la frontière camerounaise et ramener assez de denrées et de produits pouvant changer la donne. Partout il y a l’insécurité”, s’insurge Albert Yonga, commerçant.
– “Razzias récurrentes” –
Cette semaine, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) ont redit leur forte préoccupation sur la situation alimentaire des 4,8 millions de Centrafricains.
Dans un rapport, elles soulignent que “le secteur primaire, pilier de l’économie centrafricaine, a régressé de 46% par rapport au niveau d’avant la crise. On note une fuite importante de la production agricole à la suite de la crise qui a provoqué des déplacements massifs des populations”.
Même si en 2014, les productions de céréales et de manioc ont augmenté par rapport à 2013 – année particulièrement calamiteuse -, elles restent “inférieures de 58% à la moyenne de la période 2008-2012”, selon les deux agences.
“Les chiffres de l’élevage sont également en baisse. Ils ont régressé de 77% par rapport au niveau d’avant la crise du fait des razzias et des vols de bétails. Les stocks des réserves alimentaires dans les zones rurales sont actuellement inférieurs d’environ 40 à 50% à leur niveau antérieur du fait des razzias récurrentes”, indique le rapport.
“Le PAM est particulièrement préoccupé par la situation des communautés isolées et des personnes déplacées à l’intérieur du pays (…) Les niveaux de consommation alimentaire de la moitié de ces ménages sont très bas. Ce qui aggrave le risque de malnutrition et rend les familles largement dépendant de l’aide alimentaire”, dans un pays qui figure parmi les plus pauvres de la planète malgré son potentiel agricole et minier, s’inquiète Arif Hussein économiste en chef du PAM.
©AFP