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CENTRAFRIQUE : LES MOYENS DE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE ÉTOUFFÉS PAR L’ALTÉRATION DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES. 

Monsieur Bernard Selembi Doudou, l’auteur de l’article. Photo courtoisie.

 

 

 

Bangui (CNC) – Le parlement centrafricain composé de cent quarante (140) députés comprend juridiquement deux (2) chambres dont une seule chambre c’est à dire l’assemblée nationale est opérationnelle.

 

Cette noble chambre monocamerale représentative de la population centrafricaine est chargée essentiellement et selon les dispositions de l’article 77 de la constitution de voter les lois de la République, de lever l’impôt et de contrôler les actions du gouvernement.

 

Dans le cadre de contrôle de l’action gouvernementale, l’article 88 alinéa 1 de la constitution du 30 mars 2016 a mis à la disposition des parlementaires des moyens ou des outils juridiques colossaux pour équilibrer le jeu démocratique. Ainsi, on relève d’abord des moyens d’information comme les questions écrites, les questions orales avec ou sans débat, des missions d’information et l’audition en commission. Ensuite, les élus du peuple disposent également des outils de contrôle et d’investigation comme la commission d’enquête parlementaire qui a la particularité de recueillir des informations sur des questions précises sans oublier l’interpellation des membres du gouvernement pour s’expliquer avec des arguments pour convaincre sur des dossiers relevant de leur département ministériel respectif.

 

Enfin, les élus du haut lieu de la démocratie centrafricaine disposent des moyens d’actions et de sanctions comme la motion de censure prévue par l’article 88 alinéa 3 de la constitution qui met en cause la responsabilité du gouvernement sans oublier l’approbation ou non de la motion de confiance sur la politique générale du gouvernement.

 

De prime abord, il est important de rappeler que la majorité du travail parlementaire s’effectue au sein des différentes commissions définies par la constitution. La réunion périodique des présidents de chaque commission avec le Président de l’assemblée nationale pour évaluer les travaux est appelée dans le jargon parlementaire « la conférence des présidents ». C’est en activant l’un de ses outils de contrôle parlementaire qu’un rapport de la commission d’enquête parlementaire a accablé le pouvoir exécutif en relevant le bradage systématique des contrats miniers avec des conséquences écologiques graves.

 

Cette mafia institutionnalisée est née de la relecture biaisée de l’esprit du législateur notamment de l’article 60 de la constitution par la cour constitutionnelle qui au lieu de recueillir l’autorisation préalable de l’assemblée nationale avant la signature de tous contrats miniers le soumet  à la seule autorisation du bureau de l’assemblée nationale majoritairement composée de disciples du pouvoir.

Ainsi, la vanne de la mafia, de la corruption a grande échelle et de la fraude organisée est largement ouverte.

 

A cette escroquerie démocratique, s’ajoute le tripatouillage du projet loi portant portant code électoral qui, malgré qu’il est l’émanation ou l’apanage du pouvoir exécutif a été réécrit par cette même cour constitutionnelle après quelques amendements substantiels apportés par le parlement. Le comble de ce scénario est que ces honteuses manœuvres se font au delà du délai légal de promulgation par le Président de la république.

 

Lassé par le mutisme complice de la majorité des parlementaires de la sixième législature et surtout s’agissant de l’altération des dispositions constitutionnelles, le citoyen lambda s’interroge :

 

Pourquoi les dispositions des articles 88 et 89 de la constitution du 30 mars 2016 peinent à s’imposer dans le paysage politique centrafricain  ? La corruption et la fraude ont-elles triomphé sur les valeurs démocratiques ? A qui impute t-on l’inefficacité des moyens de contrôle parlementaire ? En d’autres termes, ces arsenaux constitutionnels ne sont-ils pas suffisants pour contribuer à l’efficacité de la mission parlementaire ? Les députés qui font la honte de cette noble et prestigieuse Assemblée nationale oseront-ils encore solliciter les suffrages du peuple aux prochaines échéances électorales ? Le peuple souverain peut-il être fier des élus de cette sixième et corruptible législature ?

 

Tant de questionnement qui interpelle l’opinion nationale et internationale à revoir la moralité de nos élus surtout à durcir les conditions d’éligibilité. Les perpétuels dérapages de cette législature remettent également en cause notre système parlementaire calqué sur le modèle de la cinquième République française. Ce mode opaque de gouvernance parlementaire est notoirement inadapté à nos réalités socio-politiques d’où la nécessité de tenter un autre modèle à l’instar du Sénégal qui a abandonné le caduque régime parlementaire au profit d’un régime présidentiel.

 

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 19 juillet 2019.

Bernard SELEMBY DOUDOU.

Juriste, Administrateur des élections.

Tel : 0666830062.

 

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