Bangui (République centrafricaine) – Une grande visite de suivi/évaluation de la plateforme tripartite de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de l’Union Européenne (UE), et de l’Union Africaine (UA) a eu lieu la semaine dernière dans la coquette capitale centrafricaine.
Cette visite de travail assortie d’échanges francs et contradictoires avec les forces vives de la nation a permis d’évaluer le processus global de pacification du pays dans la perspective des prochaines échéances électorales. Au delà d’innombrables enjeux et défis à relever, les conclusions de la plateforme tripartite présentées lors d’une conférence de presse a enregistré un dérapage indigne d’un diplomate de cette calibre mettant à nu leur réelle intention et leur neutralité dans le processus global.
En effet, le représentant de l’Union Africaine en manque cruelle d’éthique diplomatique a menacé de sanctions à travers un message de fermeté en annonçant « quiconque s’opposerait de façon fondamentale à l’application de l’accord de Khartoum qu’il soit signataire ou non ». Ce même diplomate dans son élan exponentiel d’éboulement a par ailleurs fait injonction aux autorités légitimement élues d’accélérer le processus électoral en vue de respecter le délai constitutionnel.
Conséquemment aux innombrables violations de l’accord de Khartoum passibles de sanctions prévues à l’article 35 de la constitution et malheureusement restées impunies, ces menaces remettent en doute la bonne intention de la plateforme à œuvrer dans l’intérêt du peuple centrafricain.
Stupéfait et abasourdi par les errements qui n’honorent guère la communauté internationale, le citoyen lambda s’interroge :
Les conclusions de la plateforme tripartite ONU/UE/UA sont-elles au dessus du Président de la république ainsi que de la constitution ? Cette injonction est-elle la matérialisation de la célèbre maxime économique selon laquelle « la main qui donne est celle qui commande »? A l’instar de la République Démocratique du Congo (RDC) et par souci de se libérer du joug impérialiste, pourquoi ne pas financer les élections sur fonds propres pour éviter des menaces humiliantes de ce genre ? Dans l’ordre de la suite logique, quelle est la place de ce fameux accord de Khartoum (devenu livre de chevet) dans l’ordonnancement juridique de notre pays ? En conséquence de ce qui précède, cette menace à l’endroit du peuple centrafricain est-elle la confirmation du caractère « supranational » de l’accord de Khartoum évoqué jadis par le procureur de la république ? Ce chevronné diplomate algérien a t-il simplement confondu injonctions aux recommandations ?
Parallèlement à la récente offensive diplomatique du Tchad en Centrafrique, la plateforme tripartite entretient-elle un agenda caché au profit de la communauté internationale ? Et si le calendrier électoral ne respecte pas le délai constitutionnel, quelles seront éventuellement les sanctions prévues par la communauté internationale ? Que fait la communauté internationale des notions d’ingérence et de souveraineté nationale ? Enfin, peut-on véritablement accompagner un peuple vers la paix au mépris de ses droits fondamentaux ?
Au demeurant, cette plateforme tripartite a créé une autre crise en voulant résoudre celle qui existait déjà. Nous déduisons que cette plateforme a manqué substantiellement de respect à l’inviolable souveraineté du peuple centrafricain. Ce dérapage justifie les inquiétudes de l’opposition politique car un diplomate de cette tronche ne peut ignorer qu’un accord ou un contrat ne produit d’effets juridiques qu’entre les cocontractants en vertu du principe « pacta sunt servanda »(les conventions doivent être respectées), locution latine qui traduit la force probante et obligatoire des conventions.
Pour finir et en guise de conclusion, nous tenons à rappeler que les menaces de la plateforme tripartite est simplement un « non événement ». Le peuple centrafricain dans toutes ses composantes a trop souffert pour mériter encore des élections bâclées pour satisfaire des intérêts égoïstes. Ils n’y aura pas d’élections sur l’étendue du territoire national si les conditions financières, matérielles, techniques et sécuritaires requises ne sont pas réunies.
Au delà du délai constitutionnel, mieux vaut vivre une transition sans les incompétentes autorités actuelles que d’accepter de suite une seconde élection mal organisée qui prolongera ou perpétuera la souffrance des centrafricains.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 12 octobre 2019.
Bernard SELEMBY DOUDOU.
Juriste, Administrateur des élections.
Tel : 0666830062.