CENTRAFRIQUE : LE DÉPUTÉ DE MONGOUMBA ARRÊTÉ ET ÉCROUÉ JOUIT-IL DU STATUT DE PRISONNIER POLITIQUE ?
Le président de l’assemblée nationale a été destitué par ses pairs députés dans des circonstances très équivoques et confuses. Conformément aux dispositions constitutionnelles et plus précisément l’alinéa 3 de l’article 70, un nouveau président de l’assemblée nationale devrait être élu dans les trois jours francs qui suivent la destitution. Les stigmates de cette destitution sont encore palpables et les tensions sont électriques. C’est dans ce climat délétère que l’élection du nouveau président de l’assemblée nationale a tourné au cauchemar pour notre auguste représentation nationale. Suite à des échanges violents, un député de la nation, ancien chef de guerre a fait usage de son arme sans faire de dégâts corporels. Ce fut la débandade au sein de l’assemblée nationale à l’instar d’une scène de guérilla urbaine digne des productions hollywoodiennes. C’est dans la fuite et recherche d’abris ou de refuge dans la concession de l’assemblée nationale que le député de Mongoumba très remarqué pour son opposition aux actions du pouvoir a été arrêté et écroué sans aucune forme de procès et surtout sans mandat d’arrêt. Selon les griefs officiels retenus, il a été reproché au député des caches d’armes dans sa voiture alors que selon les faits, ce dernier s’était réfugié dans la voiture de son collègue. Il urge dans cet imbroglio de rappeler que le prévenu est un élu de la nation couvert par l’immunité parlementaire encadrée juridiquement par les articles 47 de la constitution et l’article 118 de la loi organique N* 17.011 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur de l’assemblée nationale. L’immunité parlementaire évoquée par les textes cités ci-haut a été initiée par le législateur pour protéger les députés contre les exactions, les abus des pouvoirs exécutif et judiciaire. En conséquence de ce qui précède, aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché ou arrêté, détenu ou jugé pour ses opinions ou engagements. L’alinéa 2 de l’article 118 du règlement intérieur de l’assemblée nationale paraît très intéressant car il écarte toute poursuite pendant les sessions sauf autorisation de l’assemblée nationale accordée par un vote secret et surtout à la majorité. Nous soulignons que la notion de flagrance qui anéantit, annihile les effets de l’immunité parlementaire ne peut être retenue dans le cas du prévenu qui ne cherchait qu’un refuge pour s’abriter. Fort de ce qui précède, l’accusation retenue par le parquet général est dénuée de tout fondement juridique et relève en conséquence de l’arbitraire qui est l’une des caractéristiques principales d’un pouvoir totalitaire et dictatorial où la justice est la dérivée de l’humeur du roi. A défaut d’avoir de fondements juridiques solides, l’arrestation et la mise en détention préventive du député de Mongoumba revêtent manifestement le caractère politique car fondée sur des arguments politiques. On s’achemine ainsi indiscutablement vers un procès politico-judiciaire où les considérations politiques prennent le dessus sur le droit nonobstant son immunité parlementaire. Estomaqué par la propagande abusive de ce quiproquo, le citoyen lambda s’interroge : L’emblématique député de l’opposition parlementaire jouit-il du statut de prisonnier politique ou de prisonnier de droit commun ? Le député était-il en possession d’armes lors de son arrestation ou de la perquisition de son domicile ? Le député était-il arrêté pour ses farouches engagements en faveur de l’ex président de l’assemblée nationale ? Son arrestation et sa détention sont-elles autorisées par l’assemblée nationale ? S’agit-il de l’ouverture de la chasse aux sorcières ? Cette chasse aux sorcières s’élargira t-il aux potentiels et sérieux candidats pour 2021 ? Le délai règlementaire de la garde à vue du député n’était-il pas épuisé ? Le député jouit-il de tous les droits liés à la garde à vue c’est à dire la présence d’un avocat aux premiers interrogatoires, L’assistance d’un médecin et le contact avec sa famille ? Compte tenu de son statut, ne pouvait-il pas bénéficier des aménagements au lieu de le priver de sa liberté c’est à dire une assignation à domicile, le retrait de passeport ou la libération conditionnelle ? En devenant le premier prisonnier politique du régime, chaque pouvoir doit-il nécessairement avoir son prisonnier politique à l’instar des précédents ? Si tel est le cas, où est la rupture tant prônée par l’élu du peuple ? Craignant une parodie de justice ou un déni de justice, nous souhaitons rappeler la règle d’or du droit international aux droits de l’homme qui énonce : « nul ne peut être détenu sans raison légitime et toute personne accusée d’une infraction a droit à un procès équitable ». Le fait d’être arrêté et écroué ne signifie nullement que l’on est coupable des griefs reprochés, il est présumé innocent jusqu’à la sentence du tribunal. Nous espérons que ces maximes guideront les étapes de l’instruction et surtout nous appelons à la vigilance du garde des sceaux qui est un magistrat chevronné de veiller à la bonne et stricte application du droit sur ce dossier qui risque de plomber la mandature. Au risque de commettre l’irréparable en tordant le cou du droit…libérez-le. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 9 Novembre 2018