CENTRAFRIQUE : L’APPROCHE JURIDIQUE ET SOCIO-POLITIQUE D’ADMISSION À LA RETRAITE DES MILITAIRES EN TEMPS DE CRISE.
Bangui, le 5 février 2017.
Par : Bernard Selemby Doudou.
De nombreuses études et de l’avis des experts chevronnés ont conclu que la solution durable à la crise centrafricaine passe indispensablement par une profonde réforme de l’armée qui aboutira à la mise en place d’une véritable armée professionnelle et républicaine. Cette nouvelle armée sera appuyée et encadrée par les forces internationales pour rétablir la paix, la sécurité condition sine qua non du redéploiement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national.
C’est dans cette optique que la communauté internationale, animée par le souci de restructurer nos forces de défense qui est actuellement et majoritairement mono-ethnique a recommandé d’administrer une purge, un contrôle d’effectifs débouchant sur un départ effectif à la retraite des militaires qui n’ont pu faire valoir leurs droits depuis un certain temps. Fort de ce qui précède, le ministère de La Défense a établi une liste de près de mille militaires appelés à faire valoir leurs droits à la retraite.
Pour des raisons d’impréparation, de manque d’encadrement et d’accompagnement, ces derniers menacent de manifester leur mécontentement au risque de perturber le processus de pacification du pays et en conséquence refusent d’obtempérer à la hiérarchie en formulant des revendications relatives au règlement des arriérés de salaire, l’avancement de grades, la revalorisation des soldes etc… Ainsi, le citoyen lambda est en droit de s’interroger légitimement sur l’approche juridique et socio-politique d’un départ à la retraite des militaires. Comment s’organise le départ à la retraite des militaires ? Comment fonctionne t-elle ? Dans le cas de ces militaires, la procédure légale a t-elle été respectée ? Pourquoi les militaires s’opposent-ils au départ à la retraite alors qu’ils sont conscients de cette éventualité ? S’agissant du contexte socio-politique et avec la dissémination anarchique des armes de tout calibre sur l’ensemble du territoire national, le moment était-il propice de précipiter des militaires en masse à la retraite sans encadrement et/ou accompagnement ? Les autorités ont-elles pensé à la fragilité sécuritaire du pays ? A t-on pensé au risque de gestation massive de rébellion, de braquages, et autres actes isolés ? Alors pourquoi craignez-vous le risque de mutinerie et/ou d’insurrection ?
N’oublions pas que le militaire n’a d’autres moyens de s’exprimer que par l’usage de son arme. La retraite par définition est une situation d’un ancien salarié, qui en fonction de son âge doit cesser ses activités. C’est la voie traditionnelle et normale de cessation définitive de fonction. À la limite d’âge, l’administration militaire est obligé de prononcer la mise à la retraite du militaire. Il faut noter que la limite d’âge varie selon les grades et les catégories. Ainsi, certains militaires partent à la retraite tôt ou tard. Il faut ainsi distinguer le départ à la retraite d’une mise à la retraite. Dans la première situation, l’initiative de la rupture du contrat de travail provient du salarié alors que dans la seconde situation, l’initiative revient de droit à l’employeur. Ces deux modes de rupture de contrat de travail ne doivent pas se confondre à la démission ou au licenciement. On distingue d’abord la retraite anticipée pour les militaires handicapés qui sont invalides suite à une interruption prématurée, précoce de carrière en raison d’une inaptitude physique imputable au service. Dans ce contexte, on abaisse l’âge de départ à la retraite en fonction du taux d’incapacité. Ensuite, il existe la retraite complémentaire qui complète la retraite de base et enfin la retraite progressive qui autorise le salarié à travailler en temps partiel alors qu’il a atteint la limite d’âge. Le taux joue également un rôle très important dans les départs à la retraite. On parle de retraite à taux plein lorsque le salarié remplit les conditions de durée minimale requise. Par contre, le taux est minoré lorsque le salarié ne peut justifier du minimum alors qu’il qu’il a atteint l’âge requis. Il faut noter que la pension est perçue trimestriellement.
En ce qui concerne le montant de la pension, il varie en fonction des facteurs cités précédemment c’est à dire les grades, indices etc…mais il ne peut être inférieur à un montant minimum garanti. En cas de cumul c’est à dire de reprise d’une activité après la retraite, celle-ci n’ouvre aucun nouveau droit à la retraite nonobstant le versement de cotisations. En ce qui concerne le paramètre socio-politique, le manque de préparation et d’accompagnement crée la psychose, la peur car le système de sécurité sociale n’est pas au point, ce qui pousse certains militaires à reprendre du travail après la retraite. Les formalités sont généralement longues et en conséquence l’ouverture des droits est différée. Les retraités sont en général ignorants des procédures, ils manquent d’informations, d’argent d’où la vénalité de certains militaires. D’autres retraités meurent sans recevoir le premier versement de sa pension. Logiquement la priorité devrait être faite aux retraités car ils ont cotisé et leur caisse devrait être spéciale. Pour quelle raison sont-ils obligés de faire la queue devant le trésor public ? Les gens qui ont rendu service à la nation, qui ont risqué leur vie pour protéger les institutions de la République, pourquoi la nation n’est pas reconnaissante envers eux ? Fort de ce qui précède, nous exhortons le chef de l’Etat de s’investir personnellement car le souci des militaires doit être traité avec précaution. Il n’est pas tard de revenir à la raison et de créer les conditions de sortie de crise avec des moyens légaux et politiques. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 4 mars 2017