Centrafrique : De l’union sacrée à la traque des leaders d’opinions
Bangui, le 4 juin 2018.
Par : Fred Krock, CNC.
A moindre mouvement, le pouvoir de Bangui pointe du doigt des leaders d’opinions, notamment les leaders d’opposition et toute autre personnalité politique ne partageant café et gâteau avec le Chef de l’Etat. Voilà qui s’apparente ni plus ni moins à une chasse aux sorcières. Aucune voix dissonante n’est autorisée à ce jour sur la scène politique, un véritable danger pour la jeune démocratique centrafricaine.
Aujourd’hui, tout porte à croire qu’il n’y a plus de place pour les leaders de l’opposition dans la vie politique en République centrafricaine, pays qui se veut une Nation de démocratie. Aucune voix autre que celle du Président de la République ou, comme en est le cas aujourd’hui, de ceux qui se disent ‘’proches’’ du Chef de l’Etat n’est autorisée. Telle une dérive totalitaire, les Centrafricains qui pensent autrement la chose publique ou qui sont dans leur rôle constitutionnel de critiquer l’action politique telle que conduite par le pouvoir, sont immédiatement considérés comme des ennemies de la République et sont donc traités comme tels par le Président et ses ouailles.
De mémoire, le dernier regain de tensions dans le pays a vu plusieurs condamnations surtout des leaders de l’opposition et certaines personnalités politiques et de la société civile. L’inefficacité, voire la complicité de la Minusca, ainsi que le manque d’initiative des autorités politiques nationales ont été dénoncés à travers les coups de gueule des uns et des autres. Dans la liste, il y a entre autres, Joseph Bendounga Président du MDREC, Anicet Georges Dologuélé, Président de l’URCA, Me Crépin Mboli-Goumba, Président du PATRIE… touts des leaders politiques de l’opposition ont pris la parole, par les voies constitutionnellement prévues, pour dénoncer la montée des violences et mettre les autorités et la Minusca devant leur irresponsabilité. Histoire de les appeler à ajuster leurs stratégies de protection de la population et de renforcement de la sécurité.
Quoi de plus sinistre que de jouer ce rôle constitutionnel d’animation, en démocratie, de la vie publique ? Dans la même dynamique, les manifestations de ras-le-bol organisées par la société civile, notamment le Groupe de travail de la société civile sont très mal vues par le pouvoir. Bendounga lui a même été brièvement arrêté avant d’être relâché. La presse privée et la diaspora également en ont connu à leurs dépens.
Que de l’aberration ! L’on attendait voire un Président de la République qui, au début de son quinquennat prônait l’idée d’une union sacrée, se mettre à l’écoute des forces vives de la Nation. Ce n’est nullement le même Touadera, car à ce jour, lorsqu’il y a un problème, le Chef de l’Etat et ses ‘’Touaderateurs’’ s’emploient plutôt dans les accusations portées contre les dignes filles et fils du pays qui osent penser autrement la situation politique. La main des opposants politiques et les leaders de la société civile est vue derrière toutes les calamités de la République.
L’on a encore le dernier exemple lorsqu’il y a eu les dernières violences au niveau de Km5, certains personnalités politique de la transition, ainsi que ceux qui ne rament pas dans le même sens que les ‘’Touaderateurs’’ sont incriminés et indexés comme étant l’imminence grise de ces violences, d’autres sont même livrés à la vindicte populaire au moyen parfois des tracts. D’ordinaire, ces accusations sont de nature à limiter autant qu’elles nuisent, la possibilité de contribution de toutes les filles et tous les fils de Centrafrique à l’œuvre de la reconstruction nationale. Ce à quoi, le pouvoir va devoir revoir sa copie.
Mais, puisque l’erreur est humaine, la galaxie touaderienne va devoir se mettre sérieusement à l’école de la démocratie et créer un espace propice à l’expression des voix de toutes les filles et tous les fils de Centrafrique, afin que chacun contribue à relever le défit énorme du retour à la stabilité et à la reconstruction du pays.