Centrafrique : comment Éviter le pire en RCA.
Bangui, le 29 septembre 2017.
Par : RW avec CNC.
La résurgence de groupes armés en République centrafricaine tue de nombreux civils et provoque des déplacements généralisés. Les forces gouvernementales et les Nations Unies sont dans une position faible, et il n’y a pas de solution rapide. Pour contenir la violence, le gouvernement et les acteurs internationaux doivent se mettre d’accord sur une feuille de route pour la paix avec des groupes armés qui combinent les mesures incitatives et coercitives.
Résumé exécutif
Comme la République centrafricaine (RCA) connaît une forte recrudescence de la violence et que les groupes armés prennent racine dans les provinces, les autorités nationales et leurs partenaires internationaux n’ont pas été en mesure de stopper l’escalade et de trouver des solutions durables à la crise. Jusqu’à présent, le gouvernement et les Nations Unies ont concentré leurs efforts sur le processus de désarmement, de démobilisation, de réinsertion et de rapatriement (DDRR) des rebelles, mais peu de progrès ont été réalisés. L’incapacité des casques bleus à changer l’équilibre du pouvoir sur le terrain, l’échec du gouvernement à répondre aux fortes tensions communautaires qui séparent le pays et la concurrence entre les initiatives de médiation internationale ont encore contribué à l’impasse actuelle. Afin d’inverser cette tendance, le gouvernement et ses partenaires doivent faire pression sur les rebelles – en particulier en s’attaquant à leurs sources de revenus et en exerçant une plus forte dissuasion militaire – mais aussi en reconstruisant la confiance parmi les populations des régions périphériques.
Les élections présidentielles et législatives qui se sont déroulées à la fin du 2015 et le début du 2016 ont été accueillies par les centrafricaines et ont suscité des attentes élevées. Ces développements politiques ont été suivis de quelques mois d’amélioration de la sécurité, les groupes armés adoptant une attitude d’attente et de voir, mesurant les intentions des nouvelles autorités de Bangui. Malheureusement, la légitimité électorale du Président Touadéra’s ne s’est pas traduite par un effet de levier sur les rebelles. Le répit relatif n’était ainsi que de courte durée. La mission de stabilisation intégrée multidimensionnelle de l’ONU en République centrafricaine (MINUSCA), comprenant plus de 12 000 Casques bleus, n’a pas compensé le départ de la force Sangaris française en octobre 2016 et d’exercer un véritable dissuasion sur les groupes armés.
Depuis la fin du 2016, la violence a éclaté presque partout dans les provinces. Cette résurgence des groupes armés a entraîné la mort d’un grand nombre de civils et de déplacements massifs. Tandis que dans le nord-ouest la crise tourne autour des groupes armés, aussi bien que des conflits perpétuels autour des mouvements de bétail, dans le centre et les rebelles de l’est mènent une guérilla pour contrôler des zones d’influence et de ressources. Cette violence provinciale a de nombreuses conséquences néfastes: les liens entre les groupes rebelles et les communautés locales sont renforcés, le nombre de milices locales est en hausse et, surtout, une résurgence des attaques ciblées contre les minorités musulmanes est la conduite ethnique et l’exclusion religieuse, rappelant les événements les plus tragiques de la crise récente du pays.
Plusieurs acteurs internationaux et régionaux, ainsi que des organisations internationales, ont lancé une série d’efforts de médiation parallèles depuis la fin du 2016. L’Union africaine (UA) et les voisins de la RCA, y compris l’Angola et le Tchad, ont fusionné plusieurs initiatives individuelles, ont lancé une médiation commune au début du 2017. La communauté catholique de Sant’Egidio a rejoint les rangs des médiateurs. Ils ont organisé des réunions avec des groupes armés à Rome, ce qui a abouti à un “accord de paix politique” pour la pour la Centrafrique, signé en juin 2017. Toutefois, l’accord a été rapidement repris par la recrudescence de la violence sur le terrain.
Des ordres du jour divergents, des rivalités institutionnelles ainsi que des approches différentes ont conduit ces différents acteurs à proposer des remèdes parfois contradictoires, notamment en ce qui concerne l’amnistie des chefs rebelles, l’intégration des combattants dans l’armée ou le retour des anciens présidents. Mais la forte recrudescence des combats depuis avril semble avoir provoqué un nouveau niveau de conscience et un changement de position. Ainsi, le Président Touadéra et le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres – jusqu’à présent hésitant – ont exprimé leur ouverture à un rôle majeur pour la sous-région dans la résolution de la crise. De même, conscient que la dispersion et la concurrence entre les différentes interventions diplomatiques sont problématiques, l’Union européenne (UE) a organisé le 21 juin 2017 une table ronde à Bruxelles, visant à relancer une médiation internationale cohérente et crédible.
Depuis lors, l’UA a de nouveau pris le contrôle de cette délicate médiation internationale en produisant, à Libreville en juillet 2017, une nouvelle feuille de route pour la paix et la réconciliation dans la voiture. Bien que cette initiative ait été saluée par les partenaires internationaux de la RCA, y compris lors de réunions en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York en septembre, certains désaccords fondamentaux subsistent. Les mois à venir montreront si l’amélioration nécessaire de la coordination internationale est imminente.
Comme la RCA est de nouveau engloutie dans la crise, le pire peut être encore à venir. Une répétition des événements du 2013 et un retour à la guerre civile ne peuvent être exclus. Une normalisation de la situation de sécurité dans la voiture est très improbable dans un proche avenir, et une défaite militaire des groupes armés encore moins faisable. Cependant, il existe un certain nombre de mesures qui pourraient être adoptées pour contenir la violence et pour réaliser de petits progrès vers une résolution de la crise. Soutenir une solution négociée avec les groupes armés implique la combinaison de fortes mesures coercitives et d’incitations positives, notamment:
Réduire l’attractivité de l’économie de guerre pour les jeunes et saper les finances des groupes armés en agissant de manière décisive contre l’économie de guerre illégale. Des instructions précises devraient être données aux contingents MINUSCA au cours du renouvellement de son mandat en novembre 2017, afin de lutter contre les réseaux commerciaux illégaux.
L’instauration d’un équilibre de pouvoir plus fort vis-à-vis des groupes armés en combinant des efforts diplomatiques avec une forte pression. Cela exigera non seulement une augmentation des casques bleus, mais aussi le déploiement de contingents capables de dissuader gravement les rebelles. Parallèlement – comme la Cour pénale spéciale devrait bientôt être opérationnelle – l’arrestation et le procès des chefs rebelles qui organisent des attaques majeures contre des civils devraient être un objectif primordial.
Encourager les éléments de premier plan pragmatiques des groupes armés à jouer un rôle plus positif. Au-delà de l’intégration d’un nombre limité de combattants dans l’armée, la possibilité pour certaines personnalités d’assumer un rôle plus politique au niveau local pourrait figurer à l’ordre du jour des discussions. Parallèlement, les médiations en cours doivent être renforcées, dans le but d’atteindre un accord de paix crédible et exécutoire et la coopération entre Bangui et ses voisins doit s’améliorer. En ce sens: dans l’esprit de la réunion de Bruxelles, tous les médiateurs internationaux devraient s’entendre sur une feuille de route cohérente pour résoudre la crise. Avant tout, ils doivent déterminer qui sera le garant de ces futurs accords, quel cadre international doit être mis en place pour assurer son application et son financement et comment promouvoir sa propriété par les africains centraux.
Afin d’obtenir un soutien à long terme des pays de la région, Bangui et les capitales voisines devraient coopérer sur un terrain commun d’intérêts partagés. En particulier, ils pourraient coopérer pour mieux organiser les migrations transnationales de bétail dans la voiture. Il est par exemple essentiel de revitaliser les mesures bilatérales sur la transhumance, lancées en 2012 sous la Commission mixte tchado-centrafricaine, mais qui ont été oubliées dans la crise postérieure, et d’intégrer plus largement d’autres voisins de la voiture.
Enfin, afin de réduire les tensions communautaires et d’améliorer les relations entre l’État et les populations de la partie orientale du pays, le gouvernement centrafricain devrait rompre avec les politiques des régimes précédents et parler courageusement des événements passés , même si cela signifie contrarier une partie de sa base électorale:
Le Président pourrait reconnaître les crimes commis par ses prédécesseurs dans les régions éloignées du pays afin de tracer une ligne sous le passé et d’ouvrir une nouvelle page. Un programme de formation pour les nouvelles élites administratives devrait également être envisagé, y compris les habitants des régions périphériques de tous les milieux religieux. Le message des autorités doit être clair: les musulmans sont des africains centraux et ont leur place légitime dans la nation. En ce sens, il est important que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour éviter la discrimination dans la reconstitution des dossiers d’identité nationaux et faciliter la restitution des biens abandonnés pendant la crise.
Le gouvernement pourrait également prendre des mesures de réconciliation symboliques, telles que l’organisation de la journée nationale du 1er décembre dans le nord-est, afin d’envoyer des signaux positifs à une région qui a longtemps méfié Bangui et affirme sa place dans l’espace nationa