Interview RFI
L’accord sur la cessation des hostilités en République centrafricaine a été conclu le mercredi 23 juillet à Brazzaville. Un accord que certains accueillent déjà avec scepticisme. André Nzapayéké, Premier ministre de la transition en République centrafricaine, assure au contraire que cet accord est « accord est nécessairement viable ».
RFI : Pensez-vous que l’accord conclu à Brazzaville soit viable ?
André Nzapayéké : Cet accord est nécessairement viable parce que les personnes qui l’ont signé, ce sont les personnes les plus élevées dans les hiérarchies des différents groupes armés.
Mais le fait que le porte-parole du bureau politique des Seleka dénonce cet accord au moment même où Mohamed Moussa Dhaffane le signe, cela ne vous inquiète-t-il pas ?
Le porte-parole des Seleka n’est que le porte-parole. La personne habilitée réellement à signer à Brazzaville, chez les Seleka, c’est Dhaffane. Et Dhaffane est la troisième personnalité dans la hiérarchie actuelle des Seleka. S’il a accepté de signer, nécessairement toute la hiérarchie Seleka, et même la base, l’a autorisé à signer.
Donc, pour vous, Mohamed Dhaffane engage l’ensemble du mouvement, et l’accord de Brazzaville ne risque pas d’être démenti sur le terrain…
La question du terrain, ça c’est autre chose. Il y a aura toujours certaines personnes qui tenteront d’avoir un avis contraire et toujours des insatisfaits. Maintenant, il nous revient à nous tous qui avons apposé nos signatures de se serrer les coudes pour que l’on aille dans un même sens.
Comment, après Brazzaville, comptez-vous reprendre la main ? Aujourd’hui, à Bangui, une partie de la classe politique a dit ses réticences à voir l’avenir du pays décider à l’étranger. Ils avaient même parlé d’« humiliation »…
On donne l’impression que c’est Brazzaville qui a piloté les choses. Non, la partie centrafricaine, le gouvernement a mis en place une équipe qui a été la seule à avoir produit tous les documents qui ont été mis en place. C’est nous qui avons tout fait. Il y aura toujours des réticences de certaines personnes qui ne veulent pas de la paix, ou qui veulent la paix sous leurs conditions. Le peuple veut la paix tout court. Et j’ai été très déçu de voir certaines personnes qui aspirent à être des dirigeants de ce pays refuser littéralement de donner cette possibilité au peuple de retrouver la paix en refusant d’aller à Brazzaville.
Brazzaville, par exemple, ne dit rien du désarmement des combattants. Or, on sait que cette question du Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est essentielle. Que proposez-vous ?
Nous, nous l’avons déjà trouvé en national. Le problème DDR est déjà là. La première phase commence déjà dans les jours qui viennent. Nous sommes en train de travailler avec les Nations unies sur les Seleka qui sont à Bangui, dont le cas est le plus urgent. Ils sont quasiment enfermés dans des camps. On leur a donné la priorité et nous allons petit à petit nous attaquer, dès que la cessation des hostilités sera effective sur le terrain, au cantonnement des différents combattants.
Le cantonnement, c’est une chose. Mais pour le désarmement, qu’est-ce qui sera proposé, par exemple, à ceux qui acceptent de déposer les armes ?
Nous éviterons, dans la mesure du possible, de jouer le jeu du désarmement classique : argent contre armes. Parce que là, cela risque d’être extrêmement dangereux. Les stocks d’armes en République démocratique du Congo, ici, au Nord, vont se retrouver sur le territoire centrafricain pour gagner de l’argent. Nous allons donc, dans la mesure du possible, mettre en place avec les familles beaucoup plus de programmes de développement et de réinsertion socio-professionnelle des personnes qui vont être désarmées, pour leur donner un avenir sûr. On va essayer aussi de relancer le secteur minier en utilisant ces personnes.
Qui financera cette réinsertion et quelle est l’échéance que vous vous fixez ?
D’ici septembre, nous allons faire une grande conférence des bailleurs de fonds pour présenter déjà un programme de développement économique. L’idée de lancer un plan Marshall doit être relancée avec l’accord qui vient d’être signé à Brazzaville, sur la cessation des hostilités. Nous ferons tout pour que ça dure, pour que les forces onusiennes qui vont arriver à partir du 15 septembre nous aident à jeter les bases de la reconstruction du pays. Nous sommes sur le bon chemin.
Votre priorité, quand vous êtes arrivé à ce poste, c’était l’arrêt des exactions. On a vu début juillet à Bambari que les violences se poursuivent. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné d’après vous ?
Je ne peux pas dire que quelque chose n’a pas fonctionné. On ne peut pas s’attendre à ce que, dans les conditions dans lesquelles nous avons retrouvé ce pays en janvier, tout soit comme un robinet qu’on ferme.
Le moyen de garantir le retour à la sécurité ne serait-il pas d’accélérer aussi le dialogue politique, un dialogue national inclusif ?
C’est ce que nous sommes en train de faire maintenant. Ce qui s’est passé à Brazzaville, c’est la première grande étape. Maintenant, nous allons formaliser les choses. Nous allons déjà penser à élargir le gouvernement pour pouvoir y inclure la plupart de la classe politique et aussi les groupes armés, bien sûr. Parce que c’est quand même un pas de géant et une véritable concession que certains ont fait à Brazzaville. Donc, en contrepartie, il faut aussi quelque chose. Il faut les associer.
C’est-à-dire qu’il y aura des postes pour la Seleka dans le prochain gouvernement ?
En tout cas, pour ceux qui ont participé à Brazzaville, il y aura nécessairement une place dans la gestion de la transition.
Ce remaniement, qui était annoncé comme imminent début mai par la présidente Catherine Samba-Panza, est donc toujours d’actualité ? Il est pour bientôt ?
Ce remaniement, après Brazzaville, sera pour très bientôt. Je ne peux pas vous dire exactement quand. Dans les prochains jours, vous aurez des nouvelles.
Vous avez l’assurance que c’est vous qui conduirez à son terme la transition ?
Il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas moi. Personne ne m’a dit que ce ne serait pas moi. J’étais venu pour aider la présidente dans cette activité de la transition. Nous essayons de faire de notre mieux. Les choses avancent dans le bon sens. Mais il n’y a que madame la présidente qui décide de tout cela. Entre elle et moi, vraiment il n’y a pas l’ombre de quoi que ce soit.
Le couple exécutif fonctionne bien ?
Le couple exécutif fonctionne à merveille !