Bangui, République centrafricaine, 04 juillet 2020 ( Corbeaunews-Centrafrique ). Après la promulgation de la loi électorale, l’Autorité Nationale des Élections (ANE), organe constitutionnel chargé de gérer les opérations électorales a établi un chronogramme fixant le premier tour des élections présidentielles et législatives au 27 décembre 2020. À cinq (5) mois du rendez-vous électoral fatidique, l’Autorité Nationale des Élections a capitalisé un retard considérable né de difficultés sécuritaires, financières, techniques, matérielles et logistiques présageant au demeurant un glissement du calendrier électoral.
Suite aux innombrables tentatives de modification de la constitution uniquement dans le but de proroger le mandat du président de la république ainsi que des parlementaires, les sages de la Cour constitutionnelle ont tranché en faveur d’une concertation nationale en excluant expressément la possibilité d’une transition. Visiblement intenable, l’Autorité Nationale des Élections s’active par l’enrôlement bien que tardif des électeurs en vue d’établir et d’actualiser le fichier électoral.
Convaincu du glissement inévitable du calendrier électoral, la classe politique centrafricaine se met en ordre de bataille en attendant la convocation de la présidence de la république à la grande concertation nationale sensée garantir la stabilité politique du pays au delà du délai constitutionnel. La grande inconnue de cette concertation nationale est l’avenir du président de la république devenu illégitime qui n’aura aucun mérite ni de bilan à vanter ou à défendre.
Face à cette situation à équation variable, le citoyen lambda s’interroge :
Le président de la république est-il encore le maître absolu de son destin ? Devant le rejet de la notion de « transition » et à l’issue de la concertation inclusive souhaitée par la Cour constitutionnelle, quel est le vocable adapté pour qualifier la période de glissement du calendrier électoral ? Quels seront les critères de désignation de la personnalité qui dirigera cette période ? S’agira t-il d’un premier ministre issu de la société civile, de l’opposition démocratique ou imposé par la communauté internationale ? S’agira t-il d’un gouvernement de large ouverture ou d’union nationale ? Le président qui dirigera cette période que je n’ose qualifier de « transition » pourrait-il être candidat aux prochaines élections présidentielles ? Si le président de la république s’impose pour diriger cette période consensuelle, quelles seront les conditions politiques à lui imposer ? Quels seront le sort et l’avenir des parlementaires de la sixième législature tant imbibés dans la haute mafia ?
Le voyage inopiné et télécommandé de certaines personnalités politiques centrafricaines au Congo Brazzaville malgré la fermeture de nos frontières aura t-il des impacts ou empruntes sur le processus ? La diplomatie sous régionale à travers le médiateur de la crise centrafricaine a t-elle tranché sur le sort du président au lendemain du 30 mars 2021 ?
Devant l’évidence du risque de dépouiller le président de la république de la majorité de ses pouvoirs, la notion de l’inconnu, de l’imprévisible voire du fatalisme l’idéal serait de ne pas se représenter aux prochaines élections présidentielles car il n’a aucun mérite, ni de bilan crédible et disponible pour justifier le mandat en dépit des milliards déversés par la communauté internationale.
Pour finir, nous constatons avec amertume que le pouvoir n’a pas vu le temps passé car surpris par le chrono qui s’égrène. Il est urgent et également important de rappeler que le pays de Boganda souffre actuellement des conséquences de mauvaise élection organisée pour les besoins de la cause en 2015. Aujourd’hui, les données se sont dégradées avec la « caporalisation » des groupes armés rendant hypothétique l’enrôlement des électeurs en trois semaines. Nous avons également une sérieuse crainte que cette transition ne sera une solution adéquate à la crise centrafricaine car elle permet en filigrane de remettre en cause nos acquis démocratiques. Cette concertation inclusive sous forme de mini conférence nationale si elle est sincère permettra véritablement d’extirper le mal centrafricain et définir une base saine pour une réelle émergence politique et économique en vue de son développement.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 3 juillet 2020.