samedi, novembre 16, 2024
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CEMAC: La Guinée équatoriale se réconcilie avec ses voisins

 

Depuis la tentative de putsch avortée de fin décembre 2017 contre le Président de Guinée équatoriale, les tensions sont palpables entre ce pays, la République centrafricaine et le Tchad. La crise économique et financière qui frappe actuellement ces trois pays de la CEMAC oblige à des rapprochements. Mais jusqu’à quand? Analyse.

«La Guinée équatoriale, la Centrafrique et le Tchad sont des pays frères au sein de la CEMAC. Depuis la tentative de putsch [contre le Président de Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ndlr], le Président centrafricain et son homologue de Guinée équatoriale se sont plusieurs fois rencontrés. Ce qui est une preuve qu’ils sont proches les uns les autres. La Centrafrique et le Tchad ont été accusés par Malabo d’avoir voulu fomenter un coup d’État. C’est normal au vu des preuves dont disposait la Guinée équatoriale. Mais les présidents tchadien et centrafricain ont fait leur mea culpa d’une façon diplomatique», explique en exclusivité à Sputnik le Tchadien Djanobar Agar Garledji, docteur en Sciences politiques et expert dans plusieurs ONG continentales.

 

Depuis l’arrestation au Tchad le 11 avril dernier d’Andrés Esono Ondo, leader équato-guinéen du parti de l’opposition (CPDS —Convergence Pour la Démocratie Sociale), accusé de s’être rendu au Tchad pour préparer un coup d’État et la lettre de félicitations adressée par le Président équato-guinéen à son homologue centrafricain, Faustin-Archange Touadera, les relations sont à nouveau au beau fixe entre ces trois frères ennemis d’Afrique centrale.
Ce réchauffement amorcé sous l’égide de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), qui compte six États membres (Cameroun, République centre africaine, République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) a commencé le 4 janvier 2018 au lendemain du «putsch manqué» du 27 décembre 2017 contre le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Reçu à Malabo, le ministre tchadien des Affaires étrangères avait d’ailleurs été sommé de s’expliquer:

«Je viens de m’entretenir avec le Chef de l’État sur la situation sécuritaire dans la sous-région. Le coup d’État déjoué fin décembre ici en Guinée équatoriale est une sérieuse menace qui concerne toute la sous-région d’Afrique centrale», avait reconnu Mahamat Zen Cherif, ministre tchadien des Affaires étrangères, au sortir de son entretien.

 

Complot déjoué

 

Le 27 décembre 2017, à la frontière nord avec la Guinée équatoriale, non loin d’Ebibeyin, la police camerounaise avait arrêté une trentaine d’hommes armés, soupçonnés de tenter de traverser la frontière pour renverser le régime de Malabo. Parmi eux, un ex-général de l’armée tchadienne, Mahamat Kodo Bani, ancien cadre de la sécurité présidentielle tchadienne. Par ailleurs, Enrique Nsue Anguesom, ambassadeur de Guinée équatoriale au Tchad, en séjour à Ebibeyin pour les fêtes de fin d’année, avait également été arrêté trois jours plus tard «pour des raisons d’enquête le concernant», parce qu‘«il aurait délivré des visas d’entrée en Guinée équatoriale, à la trentaine de personnes détenues dans le cadre de ce putsch manqué», a indiqué à Sputnik une source proche du dossier, laissant entendre que cette deuxième arrestation faisait partie de la même tentative de déjouer un complot contre le Président équato-guinéen.

«Si l’on en croit les services de sécurité du Cameroun, de Guinée équatoriale et de France, Bangui aurait servi non seulement de base arrière dans le montage du complot déjoué par Malabo, mais aussi de lieu de recrutement de certains éléments à cette tentative de putsch avortée. Le Tchad est le pays où ils ont obtenu leurs visas d’entrée», selon une note confidentielle qui avait fuité et que Sputnik a pu se procurer.

À partir de ce moment, les relations entre la Guinée équatoriale et le Tchad étaient devenues glaciales:

«Cette affaire a mis à mal les relations entre la Guinée équatoriale et la Centrafrique parce que le Président Obiang a mal digéré le fait qu’un pays qu’il a toujours soutenu financièrement lui plante un couteau dans le dos», a déclaré à Sputnik l’analyste équato-guinéen Eleme Asumu.

 

La situation difficile, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, que vit actuellement la République centrafricaine (RCA) oblige toutefois son Président à se rapprocher de Malabo. D’autant que la Guinée équatoriale est actuellement membre non permanent du Conseil de sécurité, qu’elle a présidé en février 2019. L’avenir de la paix en RCA s’est joué à l’Onu avec la récente signature des accords de paix inter-centrafricains. Sous l’égide de l’Onu, la Guinée équatoriale a eu son mot à dire dans cette affaire, à double titre de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et de pays membre de la CEMAC. De plus, le Président équato-guinéen est considéré comme le doyen des chefs d’État africains (40 ans au pouvoir).
Le procès des ressortissants centrafricains accusés d’avoir comploté contre le Chef de l’État équato-guinéen qui a débuté à Bata, fin mars 2019, est un embarras additionnel pour Faustin-Archange Touadera. Sans raison apparente, il a été suspendu dix jours après avoir commencé, avant de reprendre à la mi-avril.

«Le Président Faustin-Archange Touadera a intérêt à ne pas voir la situation s’envenimer au vu de l’assistance quasi régulière que lui apporte la Guinée équatoriale, surtout sur le plan financier», estime au micro de Sputnik Anastasio Minko Mikue, membre de la société civile équato-guinéenne et auteur de plusieurs ateliers sur la paix en Afrique centrale.

 

Le chef de l’État équato-guinéen avait déclaré à l’attention de son homologue centrafricain, lors de sa visite officielle de trois jours à Mongomo, le 12 décembre 2018: «Nous avons tout compris, vous êtes un bon Président pour votre peuple. Et le peuple centrafricain doit soutenir son Président dans sa volonté d’instaurer une paix définitive», marquant ainsi sa bonne volonté à son égard.

 

Manœuvres de réconciliation

 

De plus, la lettre de félicitations pour son anniversaire que le Président de Guinée équatoriale lui a envoyée le 11 avril 2019 a coïncidé avec l’arrestation d’Andrés Esono Ondo, le leader du CPDS, à 500 km de Ndjamena, en compagnie de Saleh Kebzabo, président de l’UNDR, un autre parti d’opposition équato-guinéen.

«C’est une technique habile du Président équato-guinéen, dans la mesure où le Président centrafricain est né le 21 avril et non le 11 avril, soit des félicitations avec 10 jours d’avance, ironise un militant de l’opposition ayant requis l’anonymat. Bien que peu protocolaires, elles traduisent un réchauffement des relations entre les deux Présidents, a précisé cette source à Sputnik. Souvenez-vous que la même maladresse avait été commise en octobre 2018 lors du dépouillement des élections présidentielles camerounaises. Le Président Obiang avait félicité dans un communiqué lu à la télévision d’État son homologue camerounais, Paul Biya, alors même que le Conseil constitutionnel camerounais siégeait encore sur les recours à annulation d’autres candidats», a ajouté cette source.

La délocalisation le 19 février 2018 de la commission de la CEMAC de Bangui à Baney, situé à une quarantaine de kilomètres de Malabo, par le président en exercice de la CEMAC d’alors, le Tchadien Idriss Déby Itno, a encore accentué les tensions.

 

Lors de la tenue le 22 février 2019 à Ndjamena du 14e sommet de la CEMAC, Faustin-Archange Touadera était présent, à l’inverse d’Obiang Nguema, qui s’était fait représenter par son Premier ministre, Francisco Pascual Obama Asue. Celui-ci a donné son accord de principe pour un retour des employés de la commission à leur siège de Bangui «qui n’a jamais été délocalisé», a démenti un diplomate du parlement de la CEMAC à Malabo, contacté par Sputnik.

«On avait juste déplacé une partie des fonctionnaires de la commission parce que la situation sécuritaire à Bangui était devenue critique. La Guinée équatoriale a accepté de les accueillir, mais le siège de la CEMAC reste à Bangui», a déclaré à Sputnik un diplomate du parlement de la CEMAC à Malabo.

L’absence de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo au sommet de la CEMAC tend également à montrer qu’il se méfie toujours de son homologue tchadien, compte tenu du rôle joué dans le coup d’État avorté de décembre 2017 par le général de brigade tchadien Mahamat Kodo Bani Godi. Ce dernier a servi de 1990 à 2005 dans les services de sécurité présidentielle du Tchad, la fameuse Garde républicaine d’Idriss Déby, avant de faire défection et rejoindre en novembre 2008 l’Union des Forces pour le changement et la Démocratie (UFCD), mouvement rebelle de l’est du Tchad. Il était l’homme de la situation, d’autant que, selon les médias équato-guinéens proches du pouvoir, ce coup d’État avait été orchestré avec le sergent équato-guinéen Abassolo.

«Lui qui ne manque pratiquement jamais les sommets sous-régionaux, d’aucuns diront que c’est un message clair du désaveu de Malabo à Ndjamena», commente pour Sputnik le politologue équato-guinéen Ekua Asekou.

 

Malgré ses indéniables potentialités, la zone CEMAC fait face à des tensions géopolitiques interétatiques et intraétatiques, qui ne peuvent que produire des effets négatifs. Le processus d’intégration sous-régionale enclenchée depuis le mois d’avril 2017, à travers la libre circulation des personnes et des biens, pâtit des querelles intestines et des rivalités entre ses six États membres.

Certains États, à l’exemple de la Guinée équatoriale, préfèrent la coopération régionale à l’intégration régionale. En froid depuis le début des frictions en 2017, les relations entre le Tchad, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine en ont été affectées, de même que les relations avec certains pays limitrophes comme le Cameroun. La Guinée équatoriale entretient des relations pour le moins mitigées avec son grand voisin, souvent entachées d’expulsion des ressortissants camerounais et de fermetures régulières des frontières.

 

 

Avec Sputniknews France

 

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