De violents heurts ont éclaté au Bénin et la capitale économique, Cotonou, était bloquée quelques heures après l’annonce des résultats des élections législatives, marquées par un fort taux d’abstention et par l’absence de l’opposition, ont rapporté des journalistes de l’AFP.
Les opposants béninois se sont soulevés craignant l’arrestation imminente de l’ancien chef de l’Etat, Boni Yayi (1996-2006), qui avait appelé au boycottage des élections, puis avait lancé un ultimatum lundi pour demander au président Patrice Talon d’interrompre le processus électoral, qualifié de « coup d’Etat institutionnel ».
Les manifestants ont scandé des slogans hostiles à Patrice Talon, promettant de « le faire partir », avant d’être dispersés par des jets de gaz lacrymogène. Ils ont mis le feu à une station-service proche du palais présidentiel et ont incendié des commerces privés et des banques.
Des soldats armés, des chars, et d’importants effectifs de police ont été déployés à travers la ville, et particulièrement dans le quartier de Cadjehoun, d’où s’échappaient d’épaisses fumées noires, et autour des grands sièges des médias.
– Capitale économique vidée en une heure –
La capitale économique du pays s’est vidée en une heure, face à ces manifestations impromptues.
« Nous ne reconnaissons pas notre pays », a expliqué à l’AFP un jeune manifestant, Abdul Wahab. « Apres l’arrestation des journalistes et des acteurs politiques, c’est le tour des anciens chefs d’Etat, mais Talon nous aura sur son chemin. On ne laissera pas sa dictature prendre le pays en otage. »
« Le pays est à nous tous et on le reprendra », a promis Artistide Metowanou un jeune militant du FCBE, le parti de l’ancien président. « On va lutter à mains nues s’il le faut contre la dictature. »
Le président Patrice Talon est accusé d’avoir amorcé un tournant autoritaire, dans ce pays modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, où se multiplient les intimidations et les arrestations contre les opposants.
Lors des élections de dimanche, seuls deux partis proches du pouvoir étaient en lice, et internet a été coupé pendant près de 24 heures.
– Appel au peuple –
Lundi soir, alors que les résultats des législatives se faisaient attendre, son prédécesseur Boni Yayi, avait appelé le peuple « à se défendre ».
« C’est une question de vie ou de mort », avait lancé l’ancien président Yayi, qui reste soutenu par la classe populaire du pays. « Talon marchera sur nos corps » avant d’entériner ce nouveau Parlement.
De son côté, le ministre de l’Intérieur, Sacca Lafia, a démenti toute intention d’arrêter l’ancien président, qui garde un fort soutien au sein de la classe populaire du pays.
« C’est une fake news », a-t-il martelé lors d’un point de presse, assurant que les forces de l’ordre avaient été déployées pour empêcher des rassemblements de manifestants.
Boni Yayi est « totalement serein », a confié à l’AFP Eric Houndété, un opposant qui l’a rejoint chez lui dans l’après-midi pour lui témoigner son soutien. L’ex-président est d’ailleurs sorti quelques instants sur son balcon pour saluer la foule.
Pour de nombreux experts, l’opposition béninoise a choisi de mettre en avant les anciens chefs d’Etat Nicéphore Soglo (1991-1996) et Boni Yayi (2006-2016) car ils sont « intouchables ». « C’est une parade, mais jusqu’à quand va-t-elle durer? », s’interroge un politologue sous couvert d’anonymat.
Mercredi matin, la commission électorale a annoncé les résultats préliminaires des législatives, marquée par une participation d’à peine 23%.
Le taux de participation à des élections n’était jamais descendu sous la barre des 50% depuis que le Bénin est entré en démocratie en 1990.
L’opposition n’a pu présenter de candidats, officiellement pour des raisons administratives. Seuls deux partis proches du pouvoir se sont affrontés et se partageront les 83 sièges du nouveau Parlement.
La plateforme d’observation de la société civile a fait état de deux morts lors du vote, sur un total de 206 incidents, dont des destructions et incendies de matériel électoral, accrochages entre militants de partis, population et force de sécurité.
Le Bénin connaît un « grave recul » de son modèle démocratique, ont déploré plusieurs observateurs et des ONG internationales ou locales de surveillance des droits de l’Homme.
Amnesty International a dénoncé des « arrestations arbitraires », « des manifestations réprimées » avant le scrutin.
Avec AFP