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Accord de défense Centrafrique-Serbie : à quoi joue Touadera ?

Accord de défense Centrafrique-Serbie : à quoi joue Touadera ?

 

 

De droite à gauche, le président Faustin-Archange Touadéra et ses 4 généraux : Mamadou, Yakoubou, Boguin et Légbéfaca
De droite à gauche, le président Faustin-Archange Touadéra et ses 4 généraux : Mamadou, Yakoubou, Boguin et Légbéfaca

 

Bangui, 15 mars 2024 (CNC)

Cette interrogation a le mérite d’être soulevée, tant les actions entreprises par Faustin Archange Touadera semble défier la logique et le bon sens. Manifestement, l’esprit et la conscience de celui qui est considéré par ses opposants politiques comme un putschiste constitutionnel, sont souvent traversés de fulgurances. Ce qui ne manque pas de dérouter.

 

À preuve, en un simple claquement de doigt, il s’est souvenu de l’existence de la Serbie, et s’y est rendu précipitamment pour signer un accord de défense qui laisse songeur. Ainsi, avons-nous appris fin février, le 28 pour être précis, que Faustin Archange Touadera était arrivé à Belgrade pour une visite d’État. Le clou de ce déplacement qui ressemble plutôt à une villégiature était la signature d’un texte présenté comme un accord de coopération et de défense entre la République centrafricaine et la Serbie. Autant demander à deux malvoyants de chercher leur chemin dans le noir. Si cette information n’avait pas suscité un étonnement sincère chez de nombreux observateurs des relations internationales, elle serait passée inaperçue.

D’abord, parce qu’une coopération militaire entre la Républicaine centrafricaine et la Serbie, deux pays qui n’ont rien en commun, dont les peuples s’ignorent réciproquement, reste improbable. Pour la petite histoire, selon nos informations, même certains membres de l’entourage de Faustin Archange Touadera, incapables de situer la Serbie sur une carte, ont découvert l’existence de ce pays des Balkans, le jour où ils ont été désignés pour faire partie de la délégation présidentielle. C’est dire l’exotisme de cette destination pour les Centrafricains.

Ensuite, la Serbie, dont la situation économique n’est pas des plus reluisantes en Europe ne pourrait pas apporter une aide substantielle à la République centrafricaine. Elle-même compte sur les aides de l’Union européenne pour renflouer ses caisses. Même un kopek, la Serbie ne pourra mettre à la disposition de la République centrafricaine pour résoudre ses problèmes. D’ailleurs, les difficultés de ce pays sur le plan économique, financier, social, sociétal, structurel sont tels que la Serbie n’y pourra rien, à part reprendre à son compte la rhétorique de la Russie contre la France, comme l’a fait le président serbe, Aleksandar Vucic, au cours de ses échanges avec Faustin Archange Touadera.

Autrement dit, le seul produit que la Serbie peut éventuellement mettre à la disposition de la République centrafricaine sont ses armes, héritées de la meurtrières guerre civile qui a ensanglanté le pays au milieu des années 1990. Mais là encore, subsistent plusieurs conditions préalables. La Serbie n’étant pas réputé pour sa philanthropie, elle ne devrait pas mettre gratuitement ses équipements militaires à la disposition de son allié centrafricain. Il lui faudra suffisamment d’argent, ne fût-ce que pour payer le fret nécessaire à l’acheminement des cargaisons d’armes à Bangui. Or, il se trouve que les caisses de l’État centrafricain sont désespérément vides. Et c’est justement parce que Touadera a de plus en plus de mal à payer les mercenaires russes de Wagner qui assurent sa protection qu’il est obligé de se tourner vers d’autres partenaires pouvant voler à son secours.

À ce problème financier, il conviendrait d’ajouter des questions logistiques. Même si les termes de cet accord de défense ne sont connus que des seuls signataires, on peut légitimement s’interroger sur les conditions de sa mise en œuvre. Quels sont les dispositions essentielles que contienne le texte ? Implique-t-il l’envoi des troupes sur le terrain, en cas d’une situation de belligérance concernant l’une ou l’autre partie signataire ? Si oui, la République centrafricaine a-t-elle les moyens d’envoyer ses soldats porter secours à la Serbie en cas de conflit ? Elle, qui peine déjà à contrôler l’intégralité de son territoire souverain et à assurer la protection de ses populations. Est-ce à dire que le pays va seulement se contenter d’offrir à la Serbie des ressources naturelles en contrepartie de son éventuelle aide militaire ? À supposer que ce soit le cas, la République centrafricaine irait-elle jusqu’à retirer aux Russes de Wagner les gisements les plus productifs pour les redonner à la Serbie ? Pour l’heure, toutes ces questions restent sans réponses.

Enfin, et c’est un sujet de préoccupation majeure. Faustin Archange Touadera a signé un accord de défense avec un pays qui non seulement islamophobe mais envoie des miliciens s’attaquer aux musulmans du Nord-Kossovo. Faut-il le rappeler, le 24 septembre 2023, le sulfureux Milan Radoicic, à la tête d’une trentaine de miliciens, a lancé un raid meurtrier contre le village Banjska au Kosovo. Cet homme contre lequel pèsent de nombreuses accusions de crime a reconnu que l’attaque n’était qu’un simple prétexte pour pousser la Serbie à mettre en exécution son souhait d’annexion des territoires du Nord-Kosovo, peuplés de Serbes.

On le voit, Faustin Archange Touadera préfère la compagnie des dirigeants qui violent le droit international ; la Serbie n’ayant jamais reconnu l’indépendance du Kosovo. Mais au-delà, il ne voit aucun inconvénient de s’allier avec un régime suprématiste serbe qui s’en prend ouvertement aux musulmans de Kosovo. Ce qui ne manque pas de rappeler les affrontements entre chrétiens et musulmans dans son propre pays. Curieusement, au moment où le nouvel allié de la Serbie se trouvait à Belgrade, on a assisté à la réminiscence du conflit interreligieux dans la ville de Yaloké. Pour de fallacieuses raisons, des individus ont détruit l’unique mosquée de cette ville située non loin de Bangui. Ceci peut-il expliquer cela ? Mystère !

Pourtant, Faustin Archange Touadera semble tourner sa diplomatie vers la séduction des États musulmans du Golfe. L’on se souvient que c’est à Dubaï qu’il avait procédé au lancement de sa crypto-monnaie qui a finalement fait long feu. Pas un mois ne passe sans qu’on ne signale sa présence dans cette région. Alors question : a-t-il songé à la réaction des émirs du Golfe auxquels il ne cesse de faire des appels du pied, si ses amis Serbes sont des islamophobes assumés ? On nous rappellera que l’actuel président centrafricain n’a souvent pas fait preuve d’une grande cohérence.

 

Adrien Poussou

Corbeaunews Centrafrique

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