Les escrocs de l’or et diamants ont encore frappé. Un homme d’affaire Franco-Israélien piégé dans un circuit d’or fantôme entre Bangui et Dubaï. Des millions emportés par ces criminels du régime

Malgré les alertes répétées lancées par la rédaction du CNC à l’opinion nationale et internationale, des bandes organisées continuent d’escroquer des investisseurs étrangers avec des fausses promesses d’or. Ces réseaux, dont les auteurs sont des proches du Président, cadres du MCU, membres du gouvernement, sont protégés par le pouvoir en place, opèrent en toute impunité et viennent de faire une nouvelle victime, et ça continue malheureusement.
L’enquête menée par la rédaction de CNC sur cette bande des criminels du régime a permis de reconstituer le parcours d’un homme d’affaires franco-israélien tombé dans un piège minutieusement préparé. Entre novembre et décembre 2025, cet investisseur résidant entre les Émirats arabes unis et le Cameroun a perdu 46 millions de francs CFA dans une opération montée autour de lingots d’or qui ne seront jamais livrés. Les documents que CNC a pu consulter lors de notre investigation, les plaintes déposées et les recoupements avec d’autres dossiers similaires au Kenya impliquant les mêmes bandits permettent aujourd’hui de dresser un tableau précis de cette escroquerie internationale qui porte les mêmes signatures que les affaires précédentes que nous avons déjà documentée sur CNC.

Le rabatteur principal identifié par l’enquête se nomme David Ford Aka’a. Présenté comme un faux pasteur camerounais, cet homme sert de premier contact avec les investisseurs étrangers. Son rôle consiste à créer la confiance, à assurer que tout est sécurisé, que les interlocuteurs à Bangui sont fiables et que les autorités nationales valident l’opération. C’est lui qui oriente les victimes vers le noyau dur de ce réseau des criminels installé en République centrafricaine.
Au départ, le 20 novembre 2025, un contrat est signé. La victime s’engage à acheter 25 kilogrammes d’or via une structure appelée ADF compagnie Groupe, représentée officiellement par Aka’a David. Le document porte les cachets nécessaires et donne l’apparence d’un cadre commercial sérieux. Deux jours plus tard, le 22 novembre, l’homme d’affaires atterrit à Bangui et s’installe à l’hôtel Ledger. C’est là qu’intervient le personnage central de toute l’opération : Harsene Yele Moussa, le gros serpent de cette mafia.
Ce grand bandit centrafricain, Harsene Yele Moussa, bien connu pourtant dans le milieu criminel , se présente à ses victimes comme directeur d’une coopérative minière baptisée “Face à Face”. Dès les premiers échanges avec la victime, il demande de l’argent. D’abord 700 000 francs CFA pour des formalités administratives, puis 500 000 francs CFA pour d’autres démarches, ensuite un prêt de 500 000 francs CFA et encore 350 000 francs CFA pour ce qu’il appelle “la logistique”. À chaque versement, la promesse reste la même : le colis d’or est prêt, il suffit de régler les derniers détails avant le départ pour Dubaï.
Mais le scénario bascule rapidement. Le contrat initial parlait de 25 kilogrammes. Moussa annonce maintenant que le colis contient 50 kilogrammes. L’explication donnée tourne autour de taxes douanières et de frais liés à une référence nationale appelée “Becdor”. Le montant exigé grimpe à 41 millions de francs CFA. Pour rassurer l’investisseur et accélérer le paiement, Moussa fournit une série de documents commerciaux estampillés aux noms de plusieurs structures : la coopérative Face à Face, puis une autre entité appelée KE-MINES, toutes deux censées opérer légalement en Centrafrique.
L’enquête menée par la rédaction du CNC a permis d’examiner ces pièces. Une facture commerciale datée du 12 novembre 2025 porte le tampon de la “COOPERATIVE MINIERE FACE A FACE” et annonce 50 kilogrammes de lingots d’or brut pour un montant total de 5 850 000 dollars américains. Le représentant mentionné sur ce document est “Marc Davidson ”, de nationalité française. Un autre papier, présenté comme un laissez-passer délivré par la Direction générale des ressources minières de RCA, indique qu’un lot de 50 kilogrammes a été acheté dans la région de Boda entre le 2 octobre et le 8 novembre 2025, pour une valeur brute de 75 millions de francs CFA. La destination finale inscrite sur ce laissez-passer est une société basée à Dubai . Le nom de Moussa Yele Harsene figure en bas de page comme signataire. Plusieurs cachets, dont ceux de l’aéroport international de Bangui-Mpoko, donnent une crédibilité apparente à l’ensemble de ces faux documents.
Le dispositif repose aussi sur un document de transport aérien, une “Airway Bill” émise au nom d’une compagnie baptisée Anchor Way Lines. La référence indiquée est AWL060110886388. Ce bordereau décrit un envoi en transit depuis la République centrafricaine vers les Émirats arabes unis. La marchandise est désignée comme “GOLD BARS (AU)”, avec un poids de 52,45 kilogrammes. Le mode de paiement est marqué “cash”. L’expéditeur inscrit est la “COOPERATIVE MINIERE FACE A FACE”, avec une adresse à Bangui et un numéro de téléphone. Le destinataire est “Sauveur Marc DMCC”, installé dans la zone franche DMCC de Dubai, avec un email rattaché au domaine . Les dates portées sur le document indiquent un enlèvement prévu le 20 novembre 2025 et une livraison attendue le 22 novembre 2025, avec un départ programmé à 16 heures.
Convaincu par cet ensemble de faux papiers, l’investisseur franco-israélien paie. Selon la plainte qu’il dépose le 26 novembre 2025 auprès des autorités de Bangui, il verse 21 500 dollars en cryptomonnaie et 50 000 dollars en espèces, soit l’équivalent des 41 millions de francs CFA exigés pour les soi-disant taxes. À cela s’ajoutent 5 millions de francs CFA pour l’achat de billets d’avion vers Dubai, où les tests de l’or doivent avoir lieu avant la réception définitive.
Une fois arrivé aux Émirats, la victime tente de suivre le colis. Elle contacte les services de fret, vérifie le numéro de cargo, cherche à joindre la société de transport mentionnée sur l’Airway Bill. C’est à ce moment que tout s’effondre. Une alerte lui parvient : le numéro de cargo est faux. La société Anchor Way Lines n’existe pas sous la forme annoncée. Les coordonnées ne correspondent à aucune compagnie enregistrée. Le colis n’a jamais été expédié.
L’enquête de CNC a poussé les recherches au-delà de ce dossier individuel. Un article publié par un média kenyan, le Nairobi Times, rapporte une affaire quasi identique survenue quelques semaines plus tôt. Dans ce cas, les autorités kenyanes ont demandé la détention de deux suspects, Peter Odhiambo Onyango et Doreen Mary Odour, accusés d’avoir escroqué un homme d’affaires du nom de Godoua Imendji Jesus Pierrot. La victime kenyane avait été mise en contact avec un intermédiaire à Bangui. Le nom donné dans l’article est celui de Moussa Yele Harsene , le même escroc centrafricain. Les montants versés dans cette affaire atteignent 558 000 dollars américains, auxquels s’ajoutent 112 000 dollars déjà payés en République centrafricaine et 75 000 dollars supplémentaires. Des transferts en cryptomonnaie USDT sont également mentionnés. Le schéma est identique : promesse d’un envoi d’or, documents officiels, montée progressive des frais, puis disparition du colis une fois les paiements effectués.
Les recoupements ne s’arrêtent pas là. Une autre facture consultée par CNC porte la signature d’une structure différente : la “COOPERATIVE MINIÈRE KE-MINES”. Ce document, daté du 8 décembre 2025, décrit un lingot d’or portant le numéro de barre 15, avec un titre annoncé à 23,68 carats et une pureté estimée à 96 pour cent. Le destinataire reste la même victime. Le paiement est prévu à Dubai après des tests en raffinerie. Cette facture arrive après les dates inscrites sur l’Airway Bill et après le dépôt de plainte, comme si le réseau adaptait ses documents au fur et à mesure que les blocages se multipliaient.
Un autre élément trouble l’enquête. Notre investigation a montré que l’un des principaux acteurs du réseau disposerait d’un passeport de service des Nations unies. CNC a pu consulter une copie de ce document, mais les numéros et identifiants ont été masqués pour des raisons légales. Ce type de passeport est normalement réservé aux fonctionnaires internationaux en mission officielle. Son utilisation dans une escroquerie pousse à s’interroger sur les protections dont bénéficient certains membres de ce réseau.
Les documents examinés par CNC portent tous des cachets d’apparence officielle. Certains mentionnent des arrêtés ministériels, d’autres des références administratives précises. Les tampons de l’aéroport de Bangui-Mpoko figurent sur plusieurs pièces, ce qui laisse penser que des complicités existent à l’aéroport international de Bangui Mpoko et du ministère des mines. La question reste entière : comment ces papiers ont-ils pu circuler jusqu’à l’embarquement sans être contrôlés, alors que les montants affichés dépassent plusieurs millions de dollars et que les procédures d’exportation de métaux précieux sont censées être encadrées par des vérifications strictes. Bien sur, la fausseté, rien que la fausseté.
Le numéro de compte bancaire inscrit sur la facture de la coopérative Face à Face renvoie à la Banque Populaire Maroco-Centrafricaine, avec un code SWIFT identifié comme BPMCCFCF. L’enquête n’a pas permis de vérifier si des virements ont effectivement transité par ce compte, ni si des autorités bancaires ont été saisies pour geler les fonds.
La victime, de son côté, indique dans sa plainte qu’elle prévoit de déposer d’autres recours en France, aux Émirats arabes unis et au Cameroun, en plus de celui déjà enregistré à Bangui.
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la répétition des schémas. Le rabatteur qui ouvre la porte, le responsable centrafricain qui multiplie les demandes d’argent sous couvert de formalités, les documents qui changent de version au fil des jours, les montants qui grossissent à chaque étape, et finalement l’impossibilité de récupérer quoi que ce soit une fois les paiements effectués. Le nom de Harsene Yele Moussa revient dans plusieurs dossiers, y compris dans l’affaire kenyane. Celui de David Ford Aka’a reste associé au rôle de recruteur. Les structures citées, Face à Face et KE-MINES, ne semblent exister que sur des en-têtes de factures.
Les montants cumulés dans ces escroqueries dépassent largement les centaines de millions de francs CFA. Pourtant, aucune procédure judiciaire d’envergure n’a été annoncée publiquement en République centrafricaine. Les plaintes se succèdent, les alertes sont lancées, mais les mêmes noms réapparaissent dans de nouveaux dossiers quelques semaines plus tard. Notre investigation confirme que certains membres du réseau bénéficient de protections au plus haut niveau de l’État. Certains membres de ce réseau a des liens familiaux avec le président Faustin-Archange Touadéra alias Baba Kongoboro.
Les documents consultés par CNC montrent que le réseau travaille sur plusieurs pays simultanément. Les paiements sont demandés en espèces, en cryptomonnaie ou par virement, ce qui complique la traçabilité. Les victimes viennent du Cameroun, du Kenya, d’Israël, de France, et probablement d’autres pays qui n’ont pas encore signalé publiquement leur mésaventure. Les destinations annoncées pour les livraisons d’or tournent principalement autour de Dubai, présentée comme un hub neutre où les tests et les transactions finales peuvent se faire en toute sécurité. Mais une fois sur place, les numéros de cargo ne correspondent à rien, les sociétés de fret n’ont aucune trace des envois, et les contacts à Bangui ne répondent plus ou renvoient vers d’autres intermédiaires.
L’histoire de ce Franco-Israélien n’est qu’une aventure de plus dans une série qui dure depuis des années. Les sommes perdues par chaque victime varient, mais le processus reste identique. On approche l’investisseur avec une offre alléchante, on le met en confiance avec des documents officiels, on le fait voyager pour qu’il constate de ses propres yeux que tout est en ordre, puis on multiplie les demandes d’argent jusqu’à ce que les montants versés deviennent trop importants pour être abandonnés. À ce stade, la victime préfère continuer à payer en espérant récupérer son investissement initial plutôt que d’admettre qu’elle s’est fait avoir. Quand la vérité finit par éclater, il est trop tard. L’argent a disparu, les interlocuteurs se volatilisent, et les plaintes s’accumulent sans qu’aucune arrestation ne soit rendue publique.
La plainte déposée le 26 novembre 2025 à Bangui chiffre la perte totale à 46 millions de francs CFA. Ce montant ne couvre que les paiements effectués par la victime franco-israélienne. Si l’on additionne les sommes mentionnées dans le dossier kenyan et dans d’autres affaires similaires évoquées par des sources locales, on dépasse facilement plusieurs milliards de francs CFA sur quelques mois. Ces chiffres ne représentent probablement qu’une fraction du total réel, car toutes les victimes ne déposent pas plainte, soit par honte, soit par crainte de représailles, soit parce qu’elles ne croient plus en la possibilité d’obtenir justice.
Les derniers échanges entre la victime et les membres du réseau montrent une fuite en avant. À chaque blocage, une nouvelle explication est fournie. Un nouveau document est promis. Un nouveau contact est donné. Un nouveau paiement est demandé pour débloquer la situation. Les réponses arrivent par bribes, souvent tard le soir ou tôt le matin, avec des justifications qui changent d’un message à l’autre. Le colis serait bloqué en douane. Les tests seraient en cours. Un responsable aurait besoin d’une signature supplémentaire. Un agent réclamerait encore des frais. Les excuses se succèdent, mais l’or ne se matérialise jamais. Et puis le spectaculaire dans cette histoire, l’escroc se dit actuellement malade. Il se filme avec de sérum sur lui dans un prétendu hôpital de Bangui. Le montage continue.
CNC a tenté de joindre Harsene Yele Moussa, le gros serpent criminel de cette affaire via les coordonnées figurant sur les documents. Les appels sont restés sans réponse. Les emails envoyés à l’adresse de la coopérative Face à Face n’ont pas reçu de retour. Le numéro de téléphone inscrit sur l’Airway Bill ne correspond à aucun répondeur actif. La société victime , mentionnée comme destinataire final, n’a pas répondu aux demandes de clarification envoyées à l’adresse email . . Toutes les pistes mènent à des impasses.
David Ford Aka’a, le faux pasteur camerounais, n’a pas non plus donné suite aux sollicitations. Son rôle de rabatteur est clairement établi dans les documents consultés, mais son identité complète et ses éventuels liens avec d’autres réseaux restent à préciser. La victime affirme qu’Aka’a continue de circuler librement entre le Cameroun et la République centrafricaine, et qu’il aurait déjà approché d’autres investisseurs avec des propositions similaires. Aucune autorité camerounaise ou centrafricaine n’a confirmé l’ouverture d’une enquête le concernant.
Les recoupements avec le dossier kenyan montrent que le réseau ne se limite pas à Bangui. Les suspects arrêtés à Nairobi, Peter Odhiambo Onyango et Doreen Mary Odour, servaient apparemment de relais pour orienter les victimes vers les contacts en République centrafricaine. Le système fonctionne en cascade : un premier niveau attire les investisseurs, un deuxième niveau les conduit à Bangui, un troisième niveau gère les paiements et les faux documents, et un quatrième niveau disparaît avec l’argent. Chaque maillon peut nier sa responsabilité en renvoyant la faute sur un autre, et la victime se retrouve à courir après des fantômes.
Les montants réclamés à chaque étape sont calibrés pour rester dans une zone où la victime hésite encore à tout abandonner. 700 000 francs CFA au début, puis 500 000, puis encore 500 000. Ensuite, le saut vers les millions se fait avec une justification qui semble logique : les taxes douanières, les frais d’exportation, les coûts de transport aérien. Une fois que plusieurs millions ont été versés, demander 5 millions de plus pour les billets d’avion paraît acceptable, puisque l’investisseur a déjà engagé des dizaines de millions et qu’il ne peut plus reculer sans tout perdre. C’est cette mécanique progressive qui rend le piège efficace.
Les documents examinés par CNC contiennent des incohérences que seul un regard extérieur peut repérer. La facture KE-MINES, datée du 8 décembre 2025, arrive après que la plainte a été déposée le 26 novembre. Le contrat initial parlait de 25 kilogrammes, puis soudainement de 50 kilogrammes, sans aucune explication crédible sur l’origine de cette différence. L’Airway Bill affiche un poids de 52,45 kilogrammes, ce qui correspond à peu près aux 50 kilogrammes annoncés, mais le numéro de référence cargo ne mène nulle part. Les cachets semblent authentiques, mais personne dans l’administration centrafricaine n’a confirmé avoir validé ces documents. Les adresses email ne fonctionnent pas. Les numéros de téléphone sonnent dans le vide. Tout est construit pour tenir le temps nécessaire à obtenir les paiements, puis s’effondre dès qu’on cherche à vérifier.
La victime a rassemblé les copies de ses visas, les captures d’écran de ses transactions en cryptomonnaie, les reçus de paiement en espèces, et tous les échanges de messages avec les membres du réseau. Elle a déposé une première plainte à Bangui et annonce vouloir en déposer d’autres en France, aux Émirats arabes unis et au Cameroun. Elle espère que la multiplication des procédures dans plusieurs pays finira par forcer les autorités à agir. Mais pour l’instant, aucune arrestation n’a été annoncée, aucun gel de compte n’a été confirmé, et les mêmes noms continuent de circuler librement entre Bangui, Yaoundé, Nairobi et d’autres capitales de la région.
Les alertes lancées par CNC depuis des mois n’ont pas suffi à empêcher cette nouvelle escroquerie. Les articles publiés, les témoignages recueillis, les documents analysés sont accessibles publiquement, mais les réseaux criminels continuent d’opérer en s’adaptant simplement aux nouvelles précautions prises par leurs victimes. Ils changent de noms de structures, utilisent d’autres références administratives, trouvent de nouveaux rabatteurs, mais la logique reste la même. Tant que l’impunité persiste, tant que les protections politiques tiennent, tant que les autorités ferment les yeux, les escroqueries se répéteront avec d’autres investisseurs qui tomberont dans les mêmes pièges, convaincus que cette fois-ci c’est différent, que cette fois-ci les documents sont vrais, que cette fois-ci l’or existe vraiment et qu’il suffit de payer encore une fois pour que tout se débloque enfin
Par Alain Nzilo, directeur de publications.
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