Grimari : la gratuité des soins tourne au cauchemar pour les patients et le personnel

Rédigé le 16 octobre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
Femmes enceintes, enfants de moins de cinq ans, indigents : tous ont droit aux soins gratuits sur le papier. Dans la réalité, l’hôpital de Grimari croule sous le poids de cette politique mal financée. Notre investigation révèle comment cette mesure sociale louable devient un piège mortel pour les plus vulnérables.
Le Dr Olivier Mowena connaît bien cette équation impossible. responsable de l’hôpital de Grimari, il doit jongler quotidiennement entre les exigences de la gratuité ciblée et les maigres ressources de son établissement. Cette politique, censée garantir l’accès aux soins pour les plus démunis, se transforme rapidement en casse-tête financier et logistique.
La réglementation en vigueur divise les patients en catégories bien distinctes. « Mais le problème, c’est que parmi les gens qui viennent à l’hôpital de Grimari, il y a deux catégories de personnes. Il y a des gens qui sont dans la gratuité ciblée et qui ont l’obligation de les traiter gratuitement. Ça, c’est les femmes enceintes et les femmes allaitantes jusqu’à 6 mois et les enfants de moins de 5 ans. Ceux-là, s’ils viennent à l’hôpital de Grimari, on les prend en charge gratuitement », explique le Dr Mowena.
Cette classification administrative, qui peut paraître logique sur le papier, pose des problèmes concrets sur le terrain. D’abord, elle exclut de facto une grande partie de la population qui ne peut pas payer les soins. Ensuite, elle crée une pression financière énorme sur l’hôpital de Grimari qui doit assumer ces coûts sans compensation suffisante de l’État.
Le médecin-chef de l’hôpital de Grimari avoue d’ailleurs ne pas pouvoir respecter strictement ces critères face à la détresse humaine. « Et les autres, ils sont hors cible, ils peuvent acheter leurs médicaments sans oublier les indigents. Si les indigents aussi viennent à l’hôpital, c’est des êtres humains comme nous, mais qui n’ont pas des moyens. On ne va pas les exclure. On est obligé aussi de les prendre en charge gratuitement », confie-t-il avec une humanité qui honore sa profession.
Cette générosité spontanée, bien que louable moralement, aggrave les difficultés financières de l’établissement. L’hôpital de Grimari se retrouve à soigner gratuitement bien plus de patients que ne le prévoit officiellement la politique de gratuité ciblée. Les caisses se vident, les stocks de médicaments s’amenuisent, mais les malades continuent d’affluer.
L’approvisionnement en médicaments révèle une autre facette de cette gestion précaire. Le Dr Mowena explique le système complexe mis en place : « Nous, on est dans la zone de PBF avec le projet Séni. Dans PBF, à chaque fois, ils prélèvent une partie de nos recettes pour nous acheter les médicaments, les bons médicaments. Et quand ces médicaments arrivent, à la base du district, on fait le dispatching dans l’information sanitaire. Et l’hôpital de Grimari reçoit aussi sa part de médicaments pour la santé de la population ».
Ce mécanisme de financement basé sur la performance semble ingénieux en théorie. L’hôpital génère des recettes, une partie est prélevée pour acheter des médicaments qui sont ensuite redistribués. Mais cette logique comporte une faille majeure : comment générer suffisamment de recettes quand la majorité des patients bénéficient de la gratuité ?
Le médecin tient à rassurer sur la qualité des médicaments disponibles. « Donc nous, on a les médicaments. On n’a pas que le paracétamol . On a aussi les autres médicaments, certaines gammes de médicaments qu’on utilise pour la santé de la population », précise-t-il. Cette précision n’est pas anodine. Elle répond aux critiques récurrentes sur la distribution de médicaments de qualité douteuse dans les structures publiques.
Toutefois, avoir des médicaments ne résout pas tous les problèmes. L’infrastructure défaillante de l’hôpital compromet gravement l’efficacité de cette politique de gratuité. « Effectivement, au niveau des salles d’hospitalisation, on a constaté un nombre insuffisant des lits et presque vétustes », reconnaît le Dr Mowena. Comment hospitaliser correctement des patients quand les lits manquent et que ceux disponibles tombent en ruine ?
La question des matelas vient compléter ce tableau d’insuffisance généralisée. « À propos de la vétusté des matelas, oui, c’est avéré. Là, présentement, l’hôpital a un budget pour acheter quelques matelas pour essayer de remplacer ces matelas vétustes », explique le responsable médical. Quelques matelas pour remplacer ceux qui sont complètement usagés, voilà l’ambition de cet établissement public.
Cette gestion au jour le jour montre l’incohérence fondamentale de la politique sanitaire centrafricaine. L’État proclame la gratuité des soins pour certaines catégories de population sans se donner les moyens de financer correctement cette mesure. Les hôpitaux de district, comme celui de Grimari, se retrouvent pris en étau entre leurs obligations sociales et leurs contraintes budgétaires.
Les conséquences de cette politique mal conçue dépassent le cadre strictement médical. Les médecins, contraints de faire des choix impossibles entre leurs obligations déontologiques et les réalités financières, développent des stratégies de survie qui fragilisent tout le système. Ils soignent gratuitement plus de patients que prévu, épuisent leurs stocks plus rapidement, et voient leurs équipements se dégrader faute de maintenance suffisante.
L’hôpital de Grimari devient ainsi le symbole d’une politique sanitaire populiste mais irréaliste. Annoncer la gratuité des soins sans financer correctement les structures qui doivent l’appliquer revient à condamner ces établissements à l’asphyxie progressive. Les populations de la Ouaka, qui croient bénéficier d’un droit acquis, découvrent amèrement que la gratuité proclamée cache souvent une pénurie organisée qui transforme leur quête de soins en parcours du combattant.
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