Le football centrafricain, otage des luttes de pouvoir entre la fédération et le ministère

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Le sport, souvent célébré comme un vecteur d’unité et de fierté nationale, se transforme parfois en champ de bataille politique. À l’approche des échéances majeures, le football centrafricain, incarné par les Fauves de Bas-Oubangui, est plongé dans une crise qui dépasse les terrains pour révéler les fissures d’un pouvoir en quête de contrôle. Entre la nomination controversée d’un sélectionneur par le ministre Héritier Doneng et les résistances acharnées de Célestin Yanindji, président de la Fédération centrafricaine de football (FCFB), une lutte intestine éclate, transformant une discipline porteuse d’espoir en un outil de division. Cette querelle, loin d’être anodine, interroge : le régime de Faustin-Archange Touadéra instrumentalise-t-il le sport pour asseoir son emprise, au risque d’étouffer une jeunesse avide de victoires ?
Une nomination qui met le feu aux poudres
Tout commence avec un choix imposé : la désignation du Camerounais Rigobert Song Bahnang comme sélectionneur des Fauves par Héritier Doneng, ministre de la Jeunesse et des Sports. Rapportée dans Le Démocrate Nº5833, cette décision, présentée lors d’une conférence de presse, s’appuie sur une logique étatique claire : « L’équipe nationale est la propriété de l’État », argue Doneng, soulignant que le gouvernement finance intégralement les Fauves. Pour lui, la politique sportive relève de sa prérogative, et nommer un technicien étranger de renom serait un gage de progrès.
Mais cette vision se heurte de plein fouet à celle de Célestin Yanindji, qui, depuis la tête de la Fédération centrafricaine de football, conteste la légalité de cette nomination. Selon Le Démocrate, il argue que le processus viole les textes régissant la désignation du sélectionneur, une prérogative fédérale et non ministérielle. « Cette nomination est loin d’être en phase avec les textes », aurait-il déclaré, refusant de « plier l’échine » face à ce qu’il perçoit comme une intrusion autoritaire. Le ton monte rapidement, et les réseaux sociaux deviennent le théâtre d’échanges virulents entre les partisans des deux camps, rapporte Médias Plus Nº3373, où « insultes et langages orduriers » remplacent les débats de fond.
Un fiasco sportif qui révèle les fractures
Les résultats sur le terrain ne font qu’amplifier la crise. Lors du tournoi UNIFFAC à Douala, les Fauves U-17 subissent une humiliation retentissante face aux Lionceaux du Cameroun (9-0), un désastre imputé par certains, dans Médias Plus, à un « faux sélectionneur bis », Consolation Tchenguélé, proposé par Yanindji. Cette défaite, qualifiée d’« inoubliable et honteuse », ternit l’image d’une nation déjà fragilisée. Pourtant, une victoire arrachée contre la RDC (3-2), mentionnée dans L’Hirondelle Nº5954, ne suffit pas à apaiser les tensions : elle est éclipsée par la guerre ouverte entre Doneng et Yanindji.
Ce fiasco sportif agit comme un miroir des divisions internes. Dans Médias Plus, un Centrafricain de la diaspora, Fred Edgard Gassia, va jusqu’à accuser Yanindji de jouer « avec l’image de la nation », tandis que d’autres, comme Abdoussalam dit Volodymir Zelensky, défendent son bilan réformateur à la FCFB. Ce schisme, loin de se limiter au football, reflète une stratégie plus large : un pouvoir qui, incapable d’unir, préfère semer la discorde pour mieux régner.
Le football, pion d’un jeu politique
Derrière ce bras de fer, l’ombre du régime de Touadéra se profile. La nomination de Song par Doneng, un fidèle du président, peut être lue comme une tentative de reprendre la main sur un domaine symbolique, alors que le pays traverse une crise multidimensionnelle : pauvreté à 70 % (Le Démocrate), insécurité galopante (Le Citoyen), échecs économiques (L’Expansion). En imposant son autorité sur le football, le gouvernement cherche-t-il à détourner l’attention des vrais enjeux ? Ou à affaiblir toute structure indépendante, comme la FCFB, qui pourrait contester son hégémonie ?
Cette hypothèse trouve un écho dans les critiques acerbes des quotidiens centrafricains. Le Démocrate appelle Doneng et Yanindji à « prioriser un dialogue franc et sincère » pour éviter de « dishonorer la jeunesse centrafricaine », tandis que Médias Plus dénonce un « pouvoir qui divise » au détriment d’un sport censé fédérer. Pendant ce temps, les supporters, lassés des querelles, assistent impuissants à la transformation de leur passion en champ de manœuvres politiciennes.
Une jeunesse trahie
L’enjeu dépasse largement les gradins. Dans un pays où la jeunesse, fer de lance du développement selon L’Hirondelle, est mobilisée pour des marches pro-Touadéra plutôt que pour des projets concrets, le football aurait pu être une soupape, un symbole d’espoir. Mais cette crise le réduit à une balle au pied, un fardeau qui entrave les aspirations d’une génération. « Les Centrafricains espèrent voir les Fauves qualifier à la Coupe d’Afrique », rappelle Le Démocrate, un rêve qui s’éloigne à mesure que les luttes de pouvoir prennent le pas sur l’intérêt collectif.
En refusant de trancher ce conflit par la concertation, le régime de Touadéra ne fait pas que diviser le football : il hypothèque la cohésion nationale. Le sport, otage de ces rivalités, devient le reflet d’un pouvoir qui, loin de rassembler, excelle à opposer. Reste à savoir si Doneng et Yanindji sauront dépasser leurs ego pour rendre au ballon sa liberté – ou si la nation, une fois encore, paiera le prix d’une gouvernance fracturée.
CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE
Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21
Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com
Rejoignez notre communauté
Chaine officielle du CNC
Invitation à suivre la chaine du CNC
Note : les deux premiers groupes sont réservés uniquement aux publications officielles du CNC